A mon Grand-père...
lobley
11 NOVEMBRE – A mon grand-père…
-« Il devrait s’en sortir… »
Le médecin semble se persuader des paroles qu’il vient de prononcer.
Méthode Coué ?
Par prudence, le conditionnel il préfère employer.
L’épouse le regarde, les yeux éperdus d’espoir….
« Il va s’en sortir ? Mon Dieu, merci, merci… »
Une larme perle et roule sur le doux visage.
Le médecin est parti.
Les antibiotiques devraient jouer leur rôle…
Cette bronchite chronique sera jugulée sinon apaisée.
Une toux rauque, toujours la même depuis des années, épuise le vieil homme…
« Le vieil homme ? Soixante et un ans ? Est-ce un âge pour mourir ?
Mais non, il va s’en sortir mon Pépé !!!!! »
Le petit garçon, âgé de cinq ans, ne comprend pas la scène qui se déroule devant ses yeux.
« Son » Pépé ! Lui qui symbolisait la Force !
Lui qui le prenait sur ses genoux,
S’amusant à le voir jouer avec les boutons de sa « canadienne »
Lorsqu’il rentrait du café du coin, après une belote ou une partie de billard
Disputée avec les camarades.
Lui qui souriait tendrement en lui caressant les cheveux,
Lui qui apportait ce sentiment de sécurité,
Que jamais nul autre a su donner…
« Pépé, ne t’en va pas !..... »
Mais Pépé, ce Lutteur, a mis genou à terre…..
A l’époque, sur le champ de bataille,
Le nuage que le bataillon n’a pas perçu,
Prélude à la charge de l’envahisseur masqué…
La moitié de ses camarades a été terrassée.
Les autres s’en sont sortis,
Les poumons, par le chlore, néanmoins brûlés …
« Verdun ! On ne passe pas !... ».
« Ils » ne sont pas passés…
Mais quel a été le prix à payer ?
Il avait vingt-six ans…..
Comme tous les autres, il n’avait rien demandé …
« Mobilisation générale !....... ».
La France à défendre contre l’envahisseur ...
Terrible conflit, le monde embrasé.
Vingt millions de morts dont la moitié de civils,
Vingt et un millions de blessés,
Huit millions d’invalides……
Un million et demi de français y sont « restés »,
Soit vingt-sept pour cent
Des dix-huit - vingt-sept ans….
Sinistre comptabilité….
Dans la boue des tranchées…
Shrapnels libérés,
Corps criblés,
Membres arrachés,
Visages défigurés,
Quinze mille gueules cassées,
Baïonnettes enfoncées,
Abdomens éviscérés…
Lui a eu de la chance…
D’un sursis il a bénéficié,
Mais l’échéance est arrivée…
« Ferme les yeux, mon Pépé, tu as assez lutté…
Repose-toi enfin ….
Tu as combattu, comme tous tes camarades,
Pour la Liberté de ton pays,
Pour la France »…
Mais Pépé ...
Si tu savais
Comment ce monde que tu as défendu,
Est devenu !...