A toute berzingue (1)

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On allait plus vite qu'une Toyota des 24 heures du Mans, qu'un Charal d'un Vendée Globe.

On faisait nos courses avec des escaliers roulants, et parfois nos légumes à l'eau. On appuyait sur les boutons des panneaux lumineux de grandes surfaces pour consulter la géolocalisation de Pimkie et de Nature & Découvertes, puis sur celui de rez-de-chaussée pour descendre du premier par l'ascenseur en caddie. On mangeait des Nuts en cours de route parce qu'on avait la dalle et que l'on savait que la bavette aux échalotes prendrait du temps à la taper, et que les patates fallait encore les couper pour faire  cuire les frites.

« Putain l'huile ! »

Comme on oubliait une fois sur 2 la Lesieur spéciale friture, on faisait des pâtes plus simplement.

« Finalement, c'est aussi bon, la bavette avec des Panzani !  T'en penses quoi, franchement ?»

Je concluais par un « Ouais, ça vaut quand même pas l'originale ! ».

Pour Betty, c'est pas son truc la cuisine. Elle attend que je prenne les devants pour la lui servir. Moi, officiellement, je m'en fou ! Prendre un peu de temps pour faire à manger, c'est déjà ça de moins à passer sous ma Mercedes. D'ailleurs, l'autre jour, je me suis aperçu que le démontage de mon pot d'échappement ne faisait pas plus long que la cuisson d'un gigot à l'ail et au romarin : 50 minutes.


Hier, nous avons invité a manger Marc et Julie pour discuter de la clôture de jardin qui nous sépare. Betty voudrait de la brande de bruyère mais perso je suis plus attiré par un petit muret de pierres surmonté d'une palissade en planches de bois flotté. J'en ramène toujours une ou deux de la plage sous le bras. Je surfe à ma façon.

Julie à les yeux bleus de la mer et Marc les dents couleur sable de marée basse. Marc et Julie habitent seulement le soir chez eux parce qu'ils travaillent le reste du temps chez les autres. Lui est prospecteur en immobilier et sa femme indépendante en crème dépilatoire. Ils habitent une grande maison qui ne sert pratiquement à rien puisqu'ils y viennent juste pour y dormir. Betty dit qu'ils brûlent à eux deux, plus de fuel de chauffage qu'un sardinier Marocain chargé en gasoil et venu pêcher en côte atlantique les bestiaux à la moutarde ou au vin blanc de chez notre Saupiquet.

« S'ils restaient un peu plus chez eux, à jardiner des salades ou à planter des huîtres que plutôt d'aller toquer à des baraques aux volets fermés et frotter des minous à vulves endormies, ils auraient un peu moins de conserves dans les placards ! Non ? »

Pour Betty, la raison est Euclidienne : quand tout est biscornu, on ne peut échapper à la géométrie variable, que comme aussi l'importance du volet qui claque, c'est la force du vent qui mesure son impact.

Parfois, la bavette était à la sauce Roquefort.

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