A toute berzingue (2)

effect

On allait plus vite qu'un Charlie Dalin du Vendée Globe, qu'un bobsleigh de Bruno Mingeon à la Plagne.

Selon la légende, les planches de bois flotté provenaient de la cabane de Black Larsen, truand dans la Ruée vers l'or de Charlie Chaplin. Après une forte tempête de neige et leur chute du Mont Chilkoot dans le lac Bennett, elles avaient réussi à emprunter le fleuve Yukon pour rejoindre la mer de Béring et l'océan Pacifique avant de remonter par le canal de Panama pour se jeter dans l'océan Atlantique et venir s'échouer en plage des Boucholeurs sur l'île de Noirmoutier.

« Oh la vache ! T'es sûr, t'as des images ? »

« C'est la légende qui dit ! Après, t'en fais ce que tu veux !»

Pour Betty, il n'y a de vérité que si celle-ci est appuyée d'illustration photographique, les mots pouvant être des paroles en l'air.

Pour Julie, îlienne de père en fille, la véracité de mes propos semblait aussi suspecte. Elle n'avait jamais entendu parlé d'une telle histoire, ou alors c'est qu'elle avait raté un épisode de la saga Noirmoutrine.

« Sur Noirmoutier on a bien des épaves, mais plutôt de la seconde guerre mondiale, des dragueurs allemands. A marée basse, il en reste encore 2 avec des palourdes et des huîtres dedans ! J'ai jamais entendu parler des planches de la cabane à Charlie Chaplin ! Elles ont quoi de plus dessus ? »

Il est toujours difficile de faire accepter une idée quand elle ne fait que vous appartenir. Il faudrait sans doute des milliers d'années et des millions de bouches répétitives pour que celle-ci puisse un jour s'inscrire dans un récit populaire plus ou moins fabuleux.

Marc s'était échappé de notre conversation, prétextant que tout ça ressemblait à des ragots de bonnes femmes, à du toin-toin de supermarché, à du sperme de loutre. Marc marchait à grands pas le long du jardin.

« Marc mon chéri tu fais quoi ? »

« Je compte combien qu'il en faudrait des cabanes à Charlie pour faire la clôture ! »

Marc avait du temps à rien foutre puisqu'il travaillait dans les huîtres festives et les sapins décoratifs. Il débutait ses activités commerciales en novembre et terminait sa saison aux fêtes de Noël. Sur le pas de porte de sa boutique l'on pouvait lire au petit matin du 1er janvier: "A l'année prochaine, et prenez soin de vous !"

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