A une Passante I ( Extrait)
sadnezz
" Oui. Même au confins des Miracles il y a un dieu. Arraché des griffes païennes il subsiste presque en miraculé parmi les icônes obscures. Il a été coiffé de pentacles, baigné d'offrandes sans noms, il a souffert parmi ces pêcheurs damné. Mais il est là. On a brisé ses vitraux, on a détruit ses cierges, pissé dans sa demeure et sur ses marmoréennes statues, pourtant son regard bienveillant étreint ceux qui savent le regarder, à défaut de ses pieds fouler le pavé à découvert. La Cour l'a banni, mais il est devenu... Un insurgé. Présent, en demi teintes, tapis.
Corleone ne l'a pas perdu de vue. Elle se plait parfois à comparer humblement ses souffrances aux siennes. Cette survie commune, cette inébranlable confiance en une vérité qui un jour ou l'autre leur révèlera l'erreur dans laquelle ils se sont construit une vie. Il est mal aimé son dieu ici bas, et elle l'honore terriblement mal. Mais dieu est amour. Alors elle se dit que sa place dans le grand charnier du monde n'est peut-être pas la plus mauvaise... Qu'elle trouvera au bout du chemin le pardon ultime, celui qui effacera ces années sombres.
Pauvre folle.
Faut-il encore comprendre que l'homme se croit toujours meilleur que son comparse... Mais qu'il n'en est rien. Nous sommes tous l'hérétique de quelqu'un. Son dieu dans l'esprit, l'ainée se croit plus à même d'être comprise le jour où il faudra subir un jugement dernier, d'être pardonnée, d'être... Blanchie. Pauvre folle. Dieu a tout créé. Il a créé la croyance, mais il a aussi créé l'hérésie. Avec tout le respect qu'elle lui doit, Dieu est un sacré fouteur de merde.
Elle a couvert ce corps malmené, cette croix de chair qui lui barre le dos. Cette croix, cadeau et fardeau, blessure-symbole pour témoigner de sa piété bien mal placée. Destinée à ne pas être portée à ses yeux, elle l'accompagne pourtant partout, elle est frustrante. Pourtant, elle lui évitera les coups de fouets, quel pauvre erre s'abaisserait à blasphémer ainsi? Défigurer une image pieuse ne se fait pas...En dehors de la Cour. Elle a brossé de ses doigts des cheveux sur lesquels le temps et l'argent s'est posé, grossièrement, sommairement. On l'a vue sortir de chez elle, ou peut-être pas... Les malandrins ont face aux questions un étrange et récurrent soucis de mémoire.
On ne la respecte pas pour son âge mais pour sa réputation. Elle le déplore en silence, à chaque fois que ses yeux en croisent d'autres qui se baissent. Sans se renier, elle est lasse. Sans être mélancolique, elle cherche le but d'une existence qu'elle croirait presque n'avoir pas vécue. Des réponses. Il n'y a qu'un seul endroit où elle sait les trouver. "