Abandonnés

sergedecroissant

   La terre est sable, tant l'étoile diurne l'a frappée. L'herbe verte vire au jaune et l'être alerte devient loque. Douce morsure que celle de l'astre d'été, douce censure des froideurs passées. L'humide vire au sec, mais reste tout de même vivant. Secte torride aux parfums enivrants, j'y revis, j'y respire à nouveau, église de broussailles, basilique des bonheurs végétaux.

   Je pleure des larmes de pollen, mais c'est bien peu. L'avantage d'aimer les plantes plutôt que les femmes, c'est que les premières ne sollicitent que les glandes lacrymales, les fleurs ne blessent pas l'esprit, et lorsque la rose pique le doigt c'est que l'on s'y est mal pris. La femme stimule des glandes plus plaisantes, mais son poison fanerait la plus maléfique des digitales.

   Mère Nature que certains l'appellent, c'est drôle, pour un gamin élevé au milieu des tours livides, autels au dieu monotone, plutôt cocasse, pour le gamin nourri aux gaz grisâtres, à la viande sous vide et aux boissons sans eau. Si la nature est sa mère, la garce l'a délaissé. Sa tutrice, c'est la ville, infâme marâtre, génitrice des vices, des embrouilles, des coups de surins et des litres de sang. Elle a enfanté la superficialité, la ville, c'est la loi du tout paraître, en ville, tout paraître, rien connaître, rien que chiffres, vices et courbettes.

   La nature, elle te bouffe... la ville aussi, mais dans le dos, comme un cogne qui fait du zèle, elle ouvre ses bras pour mieux serrer ses crocs, toutes ses dents acérées, des incisifs oligarques aux meuniers faux amis, en passant par les canins marchands du temple. Les sages sont au fond, comme toujours, et ils sont peux nombreux. Non, il y a trop à perdre dans ces citadelles de perdition pour pas grand chose à prendre, mis à part les coups.

   Mère d'azur, de verts, de mers et d'air pur, reine sans trône, vêtue de trichomes argentés.

Sirènes des eaux et licornes des prés.

Sainte patronne, régente de l'usure des pierres et des viscères dévorées.

Flots, carnassiers, secousses et volcans ne répondent qu'à tes justes volontés.

Toi qui choisis la mort, insuffle la vie.

Toi qui prône la patience ou impose l'agonie.

Reprends moi de ton amour, ou de toute ta violence. 

Reprends tes enfants, mère d'espérance, car ils sont égarés.

Se couvrent d'apparats, de soie et de doré. Ou n'aspirent qu'à le faire.

Ils croisent le fer, pour ne même pas se manger.

Le modeste prie le fortuné, pour faire fortune à son tour.

Leur fortune est pire que ta peste, elle nous joue moult tours.

Reprends moi, mère du sable et de la terre, porteuse de joies et de désastres.

Reprends nous au sein de ton âtre, fait d'ombres et de lumière.

Nous, pantins de plâtre.

Fais mieux que dieu le père.

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