Adieu joli rêve d'enfance

Je voudrai parler à mon père, pas celui qui est dans mon sang, celui qui est dans mon cœur. Si Dieu me donnait quelques secondes pour pouvoir te dire quelques mots, je t'expliquerai que l'hiver a envahi ma vie depuis que tu n'es plus sur terre et que de loin, j'ai toujours voulu t'appeler Papa. Je te montrerai  à quel point mon cœur saigne de ton absence, que mes yeux ne sont que larmes, que ma vie n'est qu'en blanc et gris depuis que tu es mort. Je te dirai que je n'avais même pas sept ans lorsque j'ai désiré ardemment pouvoir être ta fille dans tes yeux, que tu étais la vie que je désirai, celle que je ne pourrais pas vivre. Tu étais la source de mes fantasmes d'enfants meurtri admirant un soleil alors que j'étais enfermé dans l'obscurité. La vie n'est jamais toute rose mais je sais qu'elle l'aurait été à tes côtés.

Du haut de ma vingtaine, je repense à ce que je suis et à ce que j'aurai pu être si cela avait été dans tes bras que j'avais grandi. Quand je me vois styliste, quand je paye mon école, quand ma vie est pleine de gratuité, je me questionne, aurais-je été la même ? J'aurai grandi dans la ville de mon cœur, j'aurai une vingtaine d'amis à mes anniversaires, j'aurai des gouts si simples, je serai sociable, ouverte, heureuse. J'aurai fait de petites études pour pouvoir rester près de toi et de maman, la simplicité aurait guidé mon quotidien. Je serai sortie avec des garçons que tu connaissais depuis leur naissance, tu leur aurais longuement parlé avant de les laisser m'amener. Le monde extérieur ne m'aurait pas fait peur, je ne serais pas terrifiée par les hommes. Avant tout, ce qui m'aurait changé aurait été d'avoir un père et de savoir ce que cela faisait. Se sentir aimé, entouré, protégé par un homme bon et bien sans nulle perversion. Je sais que l'on se serait éloigné à l'adolescence, moi, toujours éprise de liberté, je n'aurai pas accepté de rester si près de toi. Comme pour maman, je serai revenu dès mon bac en poche, je t'aurai pris dans mes bras, je t'aurai appelé tous les soirs, j'aurai pleuré en te quittant chaque dimanche soir pour retourner à ma fac et j'aurai attendu patiemment le week-end pour pouvoir voir ton sourire à la gare. Je t'aurai aidé et soutenu dans tes campagnes, j'aurai distribué des tracts dans les marchés, je t'aurai attendu chaque soir devant le feu, riant avec ton frère. J'aurai appris tes habitudes, je connaitrai ton odeur et ta voix par cœur, j'aurai aimé la famille et attendrai impatiemment le prochain repas que nous pourrions faire tous ensemble.

Quand j'entends quelqu'un me dire que ma vie aurait été sans argent, que mes études auraient étés inaccessibles car trop chères, que mes rêves n'auraient jamais aboutis et bien je réponds que je donnerai tout cela pour pouvoir juste grandir dans ton ombre. Quand tu es parti, j'ai hurlé des nuits entières que je donnerai tout ce que j'ai pour pouvoir tout changer. Je ne suis pas ta fille mais je n'imagine pas mon futur sans toi. C'est comme si la chance que tu me regardes encore s'était évanoui cette nuit-là, qu'avec ton dernier souffle tu aies enlevés mon plus beau des rêves.

Adieu papa.