Africa, nos terres brûlées

lena-siwel

Terre africaine. Roman. Extrait


Les dégâts étaient considérables...

Les cultures étaient noyées, et ce qui restait sur plants était noirci, brulé, perdu. Tout allait pourrir d'ici peu.

Mely n'avait pas prononcé un mot, quand elle avait croisé Jean, qui, exténué, se rendait vers la maison, y trouver un peu de repos. Leurs deux corps s'étaient croisés, pas leurs regards. Elle avait fui ça. Elle savait ce qu'elle allait lire dans les yeux de cet homme qu'elle savait fort, mais aujourd'hui, pour la première fois depuis leur rencontre, elle n'était pas sûre d'avoir le courage de mesurer l'entendue du désespoir qu'elle ne manquerait pas d'y trouver... Peut-être. Alors, elle frôla juste son bras, s'arrêta à sa hauteur, caressa sa nuque du regard. Epaule contre épaule, leurs deux corps se tenaient debout, au milieu du désastre. Une longue plainte, silencieuse, s'élevait… Quand ce fut insoutenable pour elle, elle signifia à Jean, d'un simple mouvement de tête, lent, et triste : « va… va te reposer. Je sais. Je sais ta peine, ta fatigue, ta colère. Va, je fais une ronde pour toi, je prends le relai… »

Elle arpenta, seule, le domaine. Du moins, ce qu'il en restait… Ouvriers et pêcheurs étaient rentrés chez eux, et seule la désolation remplissait tout l'espace. Le nez sur la terre de boue noire de cendres, elle savait que la terre d'Afrique avait voulu se débarrasser d'elle et de Jean.

Le feu était-il criminel ? Qui leur en voulait ? Et pourquoi ? Elle s'avoua que parfois, lui revenaient en mémoire les paroles du Marabout, comme une sombre prédiction annoncée mais à laquelle personne ne croit : « la terre d'ici appartiendra toujours à l'Afrique ». Sortilège. Et elle pressentait l'incendie comme l'annonce de désastres bien plus vastes à venir…

Mely sut en un instant qu'il faudrait des années pour rentabiliser à nouveau l'exploitation. Akwaba aurait besoin de temps pour cicatriser et refermer définitivement ses plaies. Mais Mely avait pris sa décision. Quel que soit le choix de Jean -tout quitter ou rester-, elle le suivrait. Elle le savait comme seuls le savent les perdus de la vie, les vrais orphelins, et les âmes errantes. Tous deux avaient échoué ici, c'est ici que se trouvaient leurs racines. Mais s'y trouvait-il leur terre ? Seul le futur donnerait une réponse à cette question… mais pour l'heure, Mely savait…

                                                             *

… C'est ici qu'elle aurait toutes les folies de rester.

Avec lui.

  • C'est l'extrait d'une histoire vraie, de planteurs d'ananas, près d'Abidjian, que nous sommes deux en train de co-écrire... ;)
    J'espère que vous aimez l'ambiance.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Siwel

    lena-siwel

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