African Queen

Jerry Milan

Nous deux, nous étions bien chaud, nous aussi. J'ai essayé de faire monter La Toinette dans ma chambre, mais il n'y avait rien à faire. Elle avait trop la trouille de se faire gauler et de perdre sa place. Elle m'a promis de m'amener chez elle son prochain jour de congé. J'attendais avec impatience.
Ce jour-là, je suis allé trainer au marché et au port.
Le marché africain, c'est quelque chose. Indescriptible. Coloré, grouillant de gens et d'insectes, bruyant et sentant bon et mauvais à la fois, tout ça sous un soleil de plomb et une chaleur humide et étouffante. Un petit embarcadère se trouvait juste en face avec une jetée avançant loin dans une mer chargé de troncs d'arbres charriés par le fleuve, venant des forêts et rassemblés à cet endroit. Quelques pirogues étaient amarrés dessus et d'autres étaient en fabrication directement sur la plage. Les mecs étaient très habiles avec leurs hachettes et coupe-coupes. Ils arrivaient à fabriquer une pirogue en un temps record en brûlant l'intérieur du tronc avec des copeaux produits par la mise en forme de l'extérieur. Rien n'était perdu. Et s'il restait un peu de bois à la fin, il servait à faire chauffer la marmite. La pirogue était le seul moyen de déplacement pour les paysans venant parfois de très loin vendre, acheter ou échanger leurs produits au marché. Le fleuve leur servait à rentrer au village vu que les routes goudronnées ne faisaient pas parti du répertoire et la voiture était encore rare et surtout trop chère. Sur les pistes, on voyait les gens marcher. Souvent serpentant en longues caravanes composées de femmes portant des lourdes charges sur leur têtes. Malgré le prix, la plupart des pirogues étaient quand-même équipée de petits hors-bords.
Au bout de la jetée, une pompe à essence...
Floue dans un halo de vapeurs extrêmement inflammables. Une vraie bombe atomique. Et là, les gars qui ne pouvait pas s'approcher de la pompe par la mer à cause d'un embouteillage monstre, s'y rendaient à pieds avec des récipients divers pour aller chercher de quoi faire le plein. Souvent une cuvette ou un petit seau en plastique, voir une bouteille à flotte, que le carburant faisait fondre. Alors, les mecs couraient à couilles rabattus pour pouvoir remplir le réservoir avant que le plastique ne se désintègre complètement tout en déversant une partie sur la jetée en bois déjà bien chargé en hydrocarbures. Imaginez un instant un type jetant un mégot...
Mais l'Afrique est un pays des miracles. Rien ne fonctionne, mais tout fini par se faire un jour et un ponton prêt à sauter ne sautera peut-être jamais...
Toinette me donna un rendez-vous dans le centre ville pour y manger un ''nyembwé'' au poulet ou au poisson. Je voulais absolument gouter un plat typique gabonais. J'ai décidé de m'y rendre en mendiant à mon collègue la R5 que la compagnie nous a loué pour nos déplacements. Mauvais choix. Déjà en y allant, je me suis fait alpaguer par un flic-miang (bakchich). M'ayant dit que la voiture loué à un loueur international devait être en parfait état, je n'allais pas lui céder. Après tout, moi aussi j'avais tout mon temps. Il a commencé par les papiers. Quand il a vu qu'il n'y avait pas de biftons planqués dedans, il a démarré son cirque. D'abord les phares, qui s'allumaient et les ampoules de rechange qu'étaient bien à leur place dans la boite à gants. Les essuie-glaces et le lave glace à leur tour, fonctionnaient parfaitement (en était en saison sèche). Puis il m'a fait lever le capot moteur et vérifia l'huile et eau et me fit ouvrir toutes les portes. Rien de suspect, la voiture était quasi neuve. Alors il s'attaqua au coffre et m'ordonna débloquer la roue de secours se trouvant dessous. Nickel. Et là, s'accrochant à son dernier espoir, il me demanda le cric. Je ne savais pas où il se trouvait, ce putain de cric. Je cherchais partout trempé de sueur, pas de cric. Quelqu'un a du le voler. J'ai été eu et le poulet jubilait en me tendant une espèce de coupon qu'il a du piquer dans un jeu de monopoly en guise de contravention. Sa race !!! J'ai raqué. En Afrique, tu finis toujours par raquer. Même si ça ne fait pas grand chose vu de chez nous. Pour eux, c'est beaucoup et un blanc est une carte de crédit à pattes. Comme dans d'autres et nombreux pays d'ailleurs.
J'ai fini par rejoindre ma beauté black dans son maquis africain et je me suis gavé de nyembwé et de crabe farci. Tout bien arrosé par la Regab (regarde les gabonais boire), qu'est une bière locale. Nous n'avions pas trainé plus longtemps car d'abord, Toinette voulait absolument aller danser en boite et puis, les clients la prenaient pour une ''tue-tue''. Une pute sortant avec un blanc. Les boites, même exotiques, ça n'a jamais été mon truc. En général, je me carre dans un coin, je picole et je mate les gonzesses. A la ''Duponette'' ce n'était pas possible. D'abord, Toinette s'est servi de moi pour pouvoir enfin y entrer, car réservé aux blancs, seule, elle n'aurait jamais pu, puis, excité comme une puce, elle ne me laissa aucun répit. Elle me traina sur la piste de danse où j'ai sué ma Regab comme un forcené. Quelle affaire. Tout ce que je perdais en sueur, je le remettais aussi tôt dans le circuit de refroidissement. Moi aussi j'étais excité, mais pas pour les mêmes raisons. J'avais envie de lui bouffer la chatte et tirer mon coup entre ses gros nichons!!!
Enfin, nous quittâmes cet endroit malfamé pour expats nommé Duponette. J'ai mis un temps à retrouver la bagnole et puis je n'arrivais plus à mettre la clé dans la serrure. Toinette ne m'aidait pas spécialement en se penchant sur la porte pour essayer l'ouvrir à son tour. J'attrapais ses nichons et la clé tombait dans la poussière. Explosés de rire, nous avons finalement réussi quitter les lieux. Je bandais fort en conduisant car la chipie n'arrêtait pas à me mettre la main à la braguette. Puis, enfin, nous arrivâmes devant sa case. On entre et là...stupeur. J'ai dessoulé d'un coup. Toute la famille à table, regardait la télé. Ils étaient dix, au moins. Père, mère, tantes, oncles, frères, soeurs, cousins, cousines, mon dieu...J'ai serré la louche à tout le monde et cherchais la porte pour me barrer. D'autant, que le lit de ma belle était dans un coin de la pièce, juste séparé par un rideau. On s'est vautré dessus et elle l'a tiré. Les autres continuaient à mater la télé et à s'enfiler les bières. Non, je ne pouvais pas comme ça! De toutes façons, je ne bandais plus du tout, et même, je commençais à me sentir mal. J'allais rendre le crabe avec toute sa farce à la nature. J'avais envie de vomir toute cette bière ingurgité dans la chaleur de la nuit gabonaise. Le soufflé est retombé et je voulais me tirer de là, me coucher dans le lit de ma chambre d'hôtel climatisé. Marie-Antoinette ne voulait pas m'accompagner. Alors, j'ai repris la voiture, seul, en donnant congé à toute la smala et je me suis aventuré sur le chemin du retour. Pas d'éclairage public, aucun balisage de la route et la voiture éclairant telle une bougie. C'était conduire à la canne blanche. En plus, je ne savais plus du tout où je me trouvais. La route s'arrêta soudainement se transformant en une piste défoncé et je suis tombé dans un gros trou. Pas moyen d'en sortir, roue crevé et pas de cric. Je n'avais même plus de forces à piquer une crise. J'ai réussi, je ne sais par quel miracle, rejoindre mon hôtel à pied à la levée du jour. Tombant comme une bouse dans mon lit moelleux j'ai rêvé de ma belle doudou. Je finirais bien par l'avoir, la belle Toinette...
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