Agent 115

Agent 115

Steve se retrouva bloqué. Aucune issue. Les agents du KGB étaient à ses trousses et il devait se rendre sur le pont Oberbaumdans la demi-heure pour confier des informations de la plus haute importance à son contact berlinois. Si les russkoffs lui tombaient dessus, il ne devait en aucun cas  leur laisser mettre la main sur le microfilm. Il décida donc de le placer en lieu sûr : son estomac. Après avoir ingurgité les preuves de corruption du directeur des services secrets de Moscou, Steve se confectionna une barricade de fortune à l'aide du bureau du chancelier qu'il était venu prévenir du coup monté contre lui. Un peu tard. Le corps du bureaucrate gisait au sol et l'espion américain devait rester concentré s'il ne voulait pas subir le même sort. Il commençait à avoir vraiment froid.

Arme au poing il était accroupi et prêt à accueillir l'ennemi. Le premier gros bras surgit de l'embrasure de la porte et se prit deux balles en plein cœur. Steve manquait rarement sa cible. Aucun son, il avait l'habitude mais il aurait aimé entendre l'arrivée des russes, pour le suspens. Un vif mouvement de bras à l'entrée et une grenade fumigène atterrit aux pieds de l'agent. Il sortit rapidement de sa poche le dernier prototype de respirateur du MI5 et se l'introduit dans les narines. Grâce à ça,il pouvait continuer à inspirer normalement. Seulement, il ne voyait rien et la fumée commençait à lui brûler les yeux. Il ne savait pas l'heure qu'il était, mais il sentait  bien que c'était la fin.

Il ne lui restait plus qu'une solution avant que les russes n'envahissent la pièce. Sauter par la fenêtre.Seulement il était au sixième étage et aucune erreur n'était permise. Il courut tout en vidant son chargeur en direction de la porte pour se couvrir, et plongea la tête la première dans la baie vitrée ...

Les écrans s'éteignirent. Il était vingt heures passées et la boutique fermait ses portes. A travers la vitrine, le vendeur de chez Gitem lui fit un petit signe désolé de la main. Il ne verrait pas la fin du film. Bernard était debout dans le froid sur le trottoir depuis presque deux heures et il n'avait pas réussi à décrocher. Cela faisait un sacré bout de temps qu'il n'avait pas vu de film d'espionnage. Un court instant cela l'avait replongé au temps de son enfance. Il avait eu sa période James Bond après avoir visionné Octopussy et, à cette époque, il avait imaginé que plus tard lui aussi sauverait le monde. Lui aussi serait agent secret et tuerait les méchants avec ses supers gadgets.

Le seul gadget qu'il avait aujourd'hui, c'était son couteau suisse rouillé qu'il utilisait pour ses tranches de pâté. Il n'avait sauvé personne, même pas lui. Ce soir, il dormirait sous un pont, sous un carton, sous la pluie. A cette heure là, ce n'était plus la peine d'appeler le 115 pour trouver un foyer, tout était déjà pris. En restant devant sa vitrine il avait fait un choix. Il avait préféré la chaleur du cœur à celle du corps, pour un soir. Il ne savait pas comment se terminait le film mais ce n'était pas plus mal. Il avait maintenant tout le loisir de s'inventer une fin et nul doute que ses rêves de cette nuit prolongeraient un peu plus son aventure. Il s'imaginerait agent secret, sauvant le monde et tuant les méchants avec ses supers gadgets.