Alcool de campagne

francky-memots

J’sais pas bien c’qu’on fait là, y’a tout qui dort dehors,
La goutte au nez, le froid qui pince et mord,
Le sol qui fume, l’automne s’assume,
L’hiver présume, et nous…ben nous on s’gèle les plumes…

Hé frangin, ouvre-nous ta chaumière,
On sait pas c’qu’on fait là, on a vu d’la lumière,
On est tombé du toit, on nous a jeté là,
On comprend pas pourquoi, on est devant chez toi,

Allez frangin, fais-nous un bon café,
Mets-y un peu d’amour, et beaucoup de chaleur,
N’y mets pas de manière, mais beaucoup de liqueur,
Mets c’que t’as sous la main, des fruits, des sucs, des fleurs,

Y’a tout qui dort dehors, fais un café bien fort,
Mets-y la crème frangin, de tes bonnes intentions,
Que ton nectar contienne tes plus belles attentions,
Ca caille à mort dehors, y’a tout qui dort encore…

Refais-nous un café frangin, un chaud comme le premier,
Un bien frappé, piquant et liquoreux, un bien trempé, noir et spiritueux,
Mets plus qu’une goutte, qu’un doigt, de l’essence de ce bois,
Ne lésine pas, frangin, sur le fruit qui se boit,

J’vais reprendre juste une goutte, j’ai la gorge qui doute,
Elle a senti, sans doute, un truc qui la déroute,
Un soupçon long, brûlé, au fond de la trachée,
Un lien fumant, qui pique, le long de l’alambic,

Celui-là est corsé, bon dieu ! Il a bien macéré,
J’ai le palais en feu, bordel ! La luette acérée,
Un peu fort de café quand-même, él’vé en fût d’ivoire,
Ramène un peu ta poire, frangin, le café pas la peine,

Boudiou c’est meilleur pur, le sang des fruits biens mûrs,
Aboule un peu ta gnole, elle défroisse bien la tôle,
C’est pas pour les tapettes, elle retourne la moquette,
Viens-là moi j’suis costaud, j’te la prends au goulot,


« Ah nan c’est pas humain frangin, j’ai avalé un train,
J’ai bouffé une chaudière, la langue façon cim’tière,
Alcool de bûch’ron, extrait d’la campagne,
C’est du pur et dur, c’est pas du champagne,
T’es pas au resto, t’es chez les pecnauds,
T’es pas chez les scouts, feux d’camp et prout-prout,
Tiens mange dans ta tête, l’essence de brouette,
Tu t’croyais costaud, tu veux un verre d’eau,
T’as la bouche qui gonfle, bois un coup tu m’gonfles,
Goutte un peu c’ui là, c’est un qui ment pas,
C’est pas du p’tit bois, c’est l’tronc dans ta voix,
C’est pas d’la biscotte, c’est pas du jus d’crotte,
C’est du fait maison, la bouche en baston,
Alcool de campagne, c’est pas toi qui gagne… »

Hé frangin, j’ai la tête un peu molle,
J’prendrai bien un café, j’me sens un peu fofolle,
Fais-moi un bon saké, j’ai l’cerveau qui rigole,
Je dis pas qu’c’est pas cool, mais quand-même ça dérouille,

Hé frangin, j’goût’rai bien celui-là,
Donnes moi voir une bonne louche, moi j’veux boire à la souche,
Alcool de Charlotte, j’suis pas une chochotte,
Eau du robinet, purin de poney, alcool de campagne, c’est pas toi qui gagne,

Hé frangin, ça braille à mort dehors,
Y’a porc en truie, qui s’évapore encore, y’a pas un chat j’ai encore froid en moi,
Bois pas t’as tort, y’a tout qui flanche dehors, donnes-moi ton jus moi j’veux péter les scores,
Donnes-moi une lampée de ce foin sucré, je veux en boire du bon jus de fumier,
Sors les bouteilles de ton arrière grand-père, moi j’veux parler aux pépés, aux grand-mères,
J’t’apprends la vie, glouglou, j’ai pas fini, donne-moi une goutte, après j’arrête promis,
Ah ouais ça fouette, c’est pas pour les minettes, bienvenue dans le vin de mes chaussettes,
Juste une dernière, c’est bon l’alcool champêtre, j’ai pas les bottes mais les pieds qui s’empêtrent,
Ca pue dehors j’ai pas la vache qui rit, ça fume à mort ta chaumière est en vie,
Ca bouge encore, y’a quelque chose qui cloche,
J’ai plus envie, ton eau de vie est moche,
J’ai plus très soif, j’ai l’estomac qui peine,
J’ai un souci, les dents du fond qui baignent,
Juste une gorgée, j’me sens nu dans mon froc,
Une dernière goutte, je suis pas un vieux plouc,
C’est bon l’alcool des champs, moi j’suis un roc,
Je dois vomir, ou dormir, ou les deux,
J’vais faire les deux en même temps se s’ra mieux,
Alcool de campagne, c’est pas du champagne,
Alcool de campagne, jamais ne t’épargne,
Tu joues t’as la hargne… C’est jamais toi qui gagne…

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