Ali...menteurs
Jean Claude Blanc
Alimenteurs
On nous gave de bouffe, jusqu'à en éclater
De boites de conserve, de produits surgelés
Ne peuvent pas lutter, épiciers de quartiers
On n'y va plus souvent, y faire son marché
Véritable industrie, que celle de nourrir
Dans nos pays nantis, on dépense sans compter
Pour se remplir la panse, la moitié du budget
Alors que certains dansent, devant leur buffet
Tous nos supermarchés, sont bien achalandés
Les appétits féroces, ils peuvent rassasier
Même si t'as pas le budget, tu y trouves ta vie
Mais on oublie en route, qu'y en a que pour le prix
Deux façons de consommer, au rythme de ta bourse
Produits bio pour la ligne, peaufiner devanture
Ou boustifaille grasse, pitance pour les ours
Les uns veulent maigrir, les autres pas dépérir
On nous prend pour des oies, que l'on doit engorger
Tous ces bonimenteurs, ils boivent du petit lait
Peuvent se les mettre au cul, leurs publicités
Sont des alimenteurs, qu'en veulent à notre chéquier
Sont plein d'humanité, tout le monde doit manger
Des gens bien opprimés, on connait les instincts
Les peuples affamés, peuvent se révolter
Connaissez le refrain, faut des jeux et du pain
En lisant la notice, succulent le repas
Mais on s'en tient toujours, aux caractères gras
Dessous en tout petit, illisibles formules
Chimiques explications, pour blaireau ridicule
C'est une frénésie, on mange comme on va chier
Ça rentre d'un côté, direction la sortie
Sur le plateau télé, 5 mn pour bâfrer
T'es même pas aperçu, ton bide rebondit
Comme tout bon français, friand de déguster
Humer, goûter, m'emplir, j'ai l'art de m'enivrer
Ce rituel sacré, envié des étrangers
Est notre seule richesse, on ne va pas s'en priver
T'a vu ce qu'on avale, ce qu'on nous fait bouffer
Pas étonnant mon vieux, qu'on chope le cancer
On ne peut revenir à l'âge de la pierre
On charge le caddie, pressé d'en terminer
Mais de la diététique, on a quelques idées
Regarder à la loupe, pas le temps de juger
La pause de midi, se suffit d'un sandwich
Ou pire, on fait la queue, devant self-service
Et l'hygiène dans tout ça, aux abonnés absents
Pour avoir bonne conscience, on sauve les apparences
Sur les comptoirs des bars, s'étalent des cacahuètes
Parait qu'à l'analyse, l'urine on la suspecte
L'industrie de la bouffe, elle est bien florissante
C'est la guerre des tarifs, on se bat pour la vente
Mais c'est au détriment, de notre pauvre ventre
On va crever, c'est sûr, d'un trop plein d'abondance
Alimenteurs, résument, en un mot le talent
De ces marchands sans âme, qu'engrangent les bénéfices
Il faut faire du chiffre, qu'importent les sacrifices
Comme toujours sur le dos, je dirais sur ma panse
Aux cours de la bourse, on note les performances
Du yaourt yope la boum, du poulet surrégime
On n'est que des barriques, au gésier magnanime
Prompts à tout absorber pour sauver la finance
Nos papilles gustatives, sont plus sollicitées
On nous tend des ratas, salés, sucrés, saucés
Pour cacher les fadeurs, et même le mauvais goût
Mais les restos huppés, hélas, sont pas pour nous
Juste pour terminer, petite chansonnette
Tiré d'un visionnaire, fana d'économie
« On a tout intérêt, d‘enrichir les nantis
Car plus grosse est leur part, plus grosses sont les miettes »
Le pauvre peigne cul, doit se tenir pour dit
Qu'il est pas bien à plaindre, à table, il est servi
Défendons les vertus de l'argent sans odeur
A sa ration congrue, travailleur ou chômeur
Pour être agriculteur, faut se lever bonne heure
Mais de nos jours en plus, fréquenter les écoles
N'est plus bouseux, qui veut, se couvrir de diplômes
C'est la loi du progrès, produire avec ardeur
A cette course effrénée, on a tout à gagner
On doit booster les plantes, pour être le premier
Seulement y'a un hic, pas bon pour la santé
On inonde le terroir, de compost, d'engrais
Tous ces alimenteurs, nous gavent, nous font peur
Comme si consommer, c'était une religion
Pour Soudan et Sahel, on se pose pas de question
On les laisse crever, on est des affameurs
Y'en a que pour notre bide, on s'explose le colon
On s'engraisse, s'empiffre, jusqu'à l'extrême onction
Bel exemple l'Amérique, y a plus que des cochons
Passent plus par les portes, tellement ont du bidon
Drive in, Mac Do, et Quick, on a pris l'habitude
On dit plus déjeuner, on choisit sa formule
Par-dessus ta portière, on te tend ton sachet
Tranquille à ton volant, suffit de grignoter
Pendant ce temps, derrière, y'en a qui font les comptes
Faut s'adapter toujours, au citoyen pressé
Tout le monde est satisfait, on défile sans honte
On s'aperçoit trop tard, qu'on est un peu cinglés
On a plus goût à rien, du boulot obsédés
Le charme est rompu, pas le temps de penser
Même pour aller pisser, tu es chronométré
La pause de midi, elle nous est décomptée
Comme tout bon français, à l'aube de la retraite
De toutes ces sornettes, j'en tire lucidité
Je les envoie péter, le cul par-dessus tête
Mon corps est à la fête, mon esprit conforté
Les magazines branchés, condamnent l'obésité
La boulimie cachée, l'anorexie vous guette
Nouvelles pathologies, issues de nos complexes
Addiction, frustration, et le tour est joué
Comment s'y retrouver, chacun son plaidoyer
Tu manges, tu grossis, tu jeûnes, tu dépéris
Illusion refoulée, de n'être pas top modèle
T'as beau prendre des cachets, s'effacent pas les rides
La nature se complait, à nous différencier
Y'en a qui ingurgitent, et d'autres se la saute
Résultat implacable, à même enseigne logés
On est bien comme on nait, rien ne peut y changer
Suffirait qu'on se plaise, pour retrouver la paix
Prendre le temps de diner, surtout de digérer
Autour d'un café, venir plaisanter
Trouver la solution, pour relativiser
Hélas qu'un vœu pieux, ces jours c'est pas gagné
JC Blanc septembre 2023 (salon de l'agriculture, Macron chahuté, aurait du éviter…)