Allo, ça va ? prozac mix

Florent Lamiaux

ALLO…CA VA ?

 (prozac’mix)

Allo, Hélène, c’est Géraldine… Je t’appelle parce que ça va pas du tout… J’ai encore craqué hier soir… Ben toujours pareil… mes angoisses ! Ca me prend d’un coup… Je vais bien et « pof » d’un coup je craque… J’ai les larmes qui montent, je respire fort et je sanglotte et c’est l’angoisse…Y’a rien à faire je ne me remet pas… Je pense à Jean-Jacques du matin au soir et du soir au matin… C’est un enfer… Mais t’es enrhumée ou quoi ? Mais si tu sniffes, c’est chiant quand on essaye de s’exprimer. Déjà que j’ai rarement l’occasion de m’exprimer… Pour une fois que je dis quelque chose !  Hélène, je suis trop malheureuse !… Heureusement que tu es là pour me soutenir… Ca me fait du bien de parler !… Et toi ça va ?… Bernard est mort ! Et ben tu vois, a bien y réfléchir, l’un dans l’autre et tous comptes faits, j’aimerais autant qu’il soit mort Jean-Jacques. Non, Hélène, je ne dis pas n’importe quoi ! Toi au moins tu as, désormais, la certitude qu’il ne te quittera plus. Tandis que Jean-Jacques il est bien vivant et au moment où je te parle, il s’envoie en l’air avec une pétasse. Oh ! je me fais du mal ; Hélène, je me fais tant de mal… Oh ! Non, Hélène, ne pleure pas… C’est suffisamment difficile pour moi… Si mes amies ne peuvent pas me soutenir, c’est la fin des petits pois. Je lui ai écrit une lettre… Je lui dis que je regrette tout… Tu vois, je vais même te dire, j’accepte l’idée que je me plaigne tout le temps… Je ne sais pas comment je vais changer puisque je ne me vois pas comme ça. Mais c’est pas grave… Il me le reproche, et moi je dit Ok… je vais changer… Mais note bien, tout à fait entre nous, qu’il fait un beau transfert. C’est vrai, c’est lui qui se plaint tout le temps… Mais Hélène arrête de pleurer, tu vois pas que j’essaie de m’en sortir ? Oui, tu me l’as déjà dit que tu avais perdu ton mari… Mais je ne vois pas le rapport avec mon problème. J’t’emmerde ?… C’est ça, je t’emmerde ! Tu avais prévu autre chose aujourd’hui et moi je t’embrouille avec mes histoires de déprime. De toute façon, j’ai passé une vie à ne pas être entendu… Je suis transparente, on m’appelle Casper au boulot, c’est très révélateur. Et pourquoi tout ça ?…hein, pourquoi tout ça ? Parce que je suis trop gentille… Parce que je suis trop à l’écoute… Mais Hélène, j’ai besoin qu’on m’aime aussi… J’ai besoin d’exister… Heureusement j’ai trouvé une solution, je prends du prozac… ça me fait du bien, tu sais… Enfin, Hélène, arrête de sniffer… Qu’est ce qu’il y a ?… Tu pleures encore ?… C’est bien ma veine ! C’est moi qui suis mal et c’est toi qui pleures… Ah ! Ça me remonte le moral… Comme anti-dépresseur, tu te poses là… Quoi Bernard ? Quoi Bernard ? Il est mort, oui, ça fait deux fois que tu me le dis ! Tu ne m’écoutes pas, Hélène. Tu ne m’écoutes pas et tu ne penses qu’à toi…J’suis au bord du gouffre, et j’appelle une copine, elle trouve le moyen d’être en deuil, c’est bien ma veine, ça ! Bon, je vais me calmer, moi, parce que là, j’ai les nerfs qui se nouent… J’vais me faire une poussée d’eczéma… On s’appelle… On se fait une bouffe !

Signaler ce texte