Brûler l'écorce (Dr Forlen)

Caïn Bates

            À quelques centaines de mètres, le brasier crachait sa fumée dans le ciel comme les anciens aristos crachaient la fumée de leurs cigares à la face des pauvres. Du coin de l'œil, je tentais de discerner une forme des arbres, une sorte de silhouette ou une ombre qui s'approcherait de chez moi. Une voiture traverse une partie de l'écran pendant quelques secondes, j'espère qu'ils seront à l'abri quand je les rejoindrait. Très vite, la caméra ne permet plus de discerner quoi que ce soit à travers toute cette fumée noire. Je décide de sortir de la maison, dague à la ceinture, pour tenter de trouver Nana. Je pars sans même verrouiller la baie vitrée, les pillards la casserait de toute façon.
            L'air est nauséabond, comme si toute la pollution accumulée depuis des années se décide enfin à se propager subitement dans les environs, propageant son odeur d'ammoniac mortelle dans le bois, torturant les bronches de ceux qui osent encore s'en approcher. Non loin de chez moi, il y a ce bunker qui a servi d'abri antiatomique pendant la Purification, il me suffit juste de mettre la main sur ma fille et de nous y enfermer jusqu'à ce que l'incendie soit maitrisé. Je ne peux me sortir de la tête l'implication d'Alec, quels seraient ses intérêts?! Puis, ces flammes que l'on tente instinctivement d'étouffer, ne serait ce pas comme le chopper à la gorge en fin de compte?! Le gaz a entamé mon esprit en quelques secondes comme un mini Tchernobyl dans mon crâne, je me sens brûler de l'intérieur comme si mon sang se synthétisait en napalm. Nana doit souffrir le martyr et elle ne peux même pas hurler pour appeler à l'aide, si je ne la trouve pas très vite ça sera la fin, elle est peut être déjà condamnée.
          Mon masque ne sers quasiment à rien en fin de compte, j'ai l'impression que les particules traversent les filtres sans le moindre problème, toute la radioactivité va se libérer, la région verra la vie de ses habitants balayée dans la douleur et les hurlements, l'horreur et la mort. Pile au moment où l'on pensait en avoir fini avec tout ça, le passé nous saute à la gorge pour nous marqué de ses canines affutées, la gueule béante et dégoulinante de sa bave corrosive. Je m'étais promis de ne jamais me laisser considérer comme une proie mais cette fois, la situation me dépasse. Je vais mourir ici, me délestant de mon écorce parmi le bois embrasé de cette immense cage faite de branches et de racines se refermant sur nous comme le sas d'une prison. Moi qui n'ais jamais vraiment était ni écolo ni profanateur de la nature, mon Karma neutre me sauvera sûrement une petite paire d'heures de plus, me laissant là, agonisant, me décharnant, nourrissant peu à peu ces horreurs qui auront causées ma perte. Je me sens traqué, je sursaute en entendant un rugissement. Soit ce n'était que mon imagination, soit mon tatouage a véritablement prit vie, j'ai l'impression de sentir de lourdes pattes se promener sur l'ensemble de mon corps, me griffant au flanc gauche et appuyant violemment sur mes côtes.
        Je n'arrive plus à marcher, je vais m'asseoir un peu, histoire de reprendre mon souffle dans la moiteur de ce casque lourd et suintant la sueur et la poussière. Nana, je suis désolé.

                                           *****

           Arborant un léger sourire en coin, Alec toisait au loin le brasier incandescent sous l'épaisse purée de poix. Une mascarade, ce n'était qu'un cou monté pour le faire tomber et il le savait très bien. Il caresse sa joue, essuyant le sang qui s'y étais accumulé quand il avait reçu ce pavé, quand il avait dégainé son briquet à silex, quand il avait regardé ce vieillard partir en flammes sous les yeux des passants apeurés. Les gens de la Capitale lui déclarait une guerre froide, il les forcera à gober sa vengeance servie carbonisée. 
          Serrant le médaillon dans son poing, il s'aventura dans l'orée du bois pour rencontrer celui qui le défiait et le trainer sur le sol crade des rues de la Capitale, cette personne sera jugée, torturée, dévorée, avant de mourir sur la table d'un restaurant miteux.  

            "Alec, quelle surprise...."

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