Alvéoles (1)
Eric Descamps
L'homme achevait lentement son ascension. Il avait surestimé le poids de son fardeau : finalement il s'acquitterait de sa mission bien avant le lever du soleil.
Sa lampe frontale hasardait un halo gris entre broussailles et cailloux. À partir de cet endroit, le chemin se raidissait pour aboutir quelques dizaines de mètres plus haut, juste au col.
C'est là qu'il se débarrasserait de son chargement. Il le sortirait de son sac à dos, le déposerait sur le sol, ajusterait avec patience les trois pieds pour stabiliser l'appareil en position horizontale. Un niveau d'eau intégré au toit plat de la forme – un cylindre obèse qui lui rappelait vaguement un aspirateur – l'aiderait pour cette opération, puis il rebrousserait chemin.
Il devrait s'éloigner assez vite après avoir amorcé le système. Sa présence pouvait perturber l'établissement de la communication avec le satellite – surtout, lui avait dit son commanditaire, s'il disposait d'un téléphone portable.
À l'approche du col, les reflets rosés de l'aube baignaient déjà une bonne partie du ciel. Quelques caresses de vent frais accueillirent le grimpeur. Lorsqu'il entamerait sa descente, l'air serait déjà étouffant. Une fois de retour au village, ce serait une vraie fournaise. Vivement un bon orage.
Les instructions étaient simples : poser, amorcer, s'en aller. Le reste était automatique. Interdiction formelle de revenir sur les lieux avant la fin de l'expérience. Quelqu'un d'autre reviendrait rechercher l'engin.
De temps à autres au cours de sa marche, le randonneur avait eu l'impression de percevoir comme une vibration dans son dos. Peut-être y avait-il quelques pièces en mouvement dans son étrange matériel.
Il posa son sac et l'ouvrit. La petite bulle d'air entourée de cercles concentriques constituant le niveau d'eau lui firent fugitivement penser à un viseur. Il se souvenait en avoir vu un jour, fixé sur une mitrailleuse, au musée de l'armée.
En deux temps trois mouvements, l'appareil fut installé. Le métal de sa paroi bombée était brossé comme celui de certains appareils électroménagers. Il ajusta rapidement les pieds, vérifia la stabilité de l'ensemble, jeta un dernier coup d'œil : tout était prêt.
Il était temps de partir. Il appuya sur le bouton dissimulé au bord inférieur de l'appareil. Un « bip » discret se fit entendre. Sans plus attendre, il ramassa son sac à dos et descendit en contrebas du col.
En marchant d'un bon pas, il serait de retour au village juste pour l'ouverture du bar-tabac. Il pourrait attendre son commanditaire – et l'argent promis – en savourant un café serré.
Une sympathique balade nocturne, somme toute bien rémunérée.
Ce que l'homme ignorait, c'est qu'en cette fin de nuit, dix-neuf autres personnes avaient déjà répété les mêmes gestes dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres.
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