Ami Pierrot

Jean Claude Blanc

clin d'oeil à Desproges, qui m'a toujours inspiré par son art de la dérision ; il doit bien se marrer, là-haut sur son nuage; merci Pierrot pour ton inspiration

           Ami Pierrot

 

J’ai emprunté ta plume, ne m’en tiens pas rancune

En ces soirs d’amertume, me raccroche à mes lunes

Pour comble de fortune, les cons, je les allume

A toi, ma gratitude, pas un hommage posthume

Si j’ai trouvé ma voie, c’est grâce à tes pamphlets

Tellement désorienté, j’ai suivi ton sentier

Tu m’as filé ton art, de jongler sur les mots

De dépasser les bornes, ça effraye les puceaux

« Pas marqué rigolo », m’amuse de tes idées

Le spectateur moyen, attend toujours la chute

Est à se demander, faut-il rire ou pleurer

A lui de deviner, si t’as atteint ton but

Mais sous ton air blagueur, se cache un philosophe

Un pessimiste gai, qui sans cesse apostrophe

Les niais, et les vantards de la rose qui s’impose

Dans le camp des droitiers, tu viens prendre la pose

Desproges, le flibustier, anar mais distingué

De nos lamentations, en fait des citations

Torture les expressions, nous abaisse le caquet

Pierre Dac, et Audiard, supplément de leçons

Les chroniques ordinaires, du petit rapporteur

C’est du flagrant délire, de Monsieur Cyclopède

Réquisitoire de haine, pour les bonimenteurs

Même si le doute t’habite, faut pourtant que tu plaides

Conscient et connaisseur, l’artiste manigance

La science, l’innocence, de phrases à double sens

Il nous faut un dico, pour saisir la portée

On se croit encensés, alors qu’on est châtiés

Ta bouille de provincial, t’en abuses les traits

Certes, le parisianisme, c’est pas ta tasse de thé

T’écorches les coiffeurs, les maniaques, les banquiers

Tu moques les flatteries, de notre communauté

De ton « Salut ma Hargne », j’en ai fait un bouquin

Tellement ça résume, mon personnel destin

Tu ne m’en voudras pas, de marcher dans tes pas

Je reprends le témoin, que tu laisses ici-bas

Mon sage Ami Pierrot, la mort, tu l’as défiée

Cancer et avenir, me rappelle ta réplique

Maligne ta maladie, plus forte qu’il n’y parait

« Etonnant non ! », épitaphe, juste pour lui faire la nique

J’ai tout appris de toi, ne jamais mettre les formes

Insulter les incultes, ceux qui respectent les normes

Société moutonnière mais aux instincts grégaires

Ça parait dérisoire, d’en mimer les manières

Nous manque, aujourd’hui, ta folle déraison

On prend tout au sérieux, fidèles cornichons

Railler la société, c’est la faire réagir

Nos comiques désormais, ne nous font que gémir

On n’ose plus broncher, car autocensurés

Les sketchs, sont minutés, savamment étudiés

Pour plaire à la télé, les gens pas les vexer

Même les éclats de rire, sont tous préenregistrés

L’outrance, n’a plus sa place, il ne faut pas choquer

Le citoyen de base, n’est plus guère exigeant

Pour lui c’est compliqué, franchir premier degré

Personne t’a remplacé, t’ignorent les ignorants

Le club des chansonniers, perdu, son chef d’orchestre

Nous reste l’Assemblée, les gueulards et les gestes

Nos modernes élus, à leur insu font rire

En guise de succès, se taillent leur empire

Ne faut plus plaisanter, ne plus s’interroger

Les zigs de ton genre, on n’ose les défier

Tout est cousu d’avance, roulé dans le fumier

Référence à Bigard, qui joue les orduriers

Même béni par le Pape, pour se faire pardonner…

Regrette tes mots stylés, formules ciselées

Mixés provocations, pour nous faire cogiter

Flatter notre intellect, hélas, on n’est pas près

Pierrot t’étais poète, chantre désespéré

Voici venu le temps, de tomber dans l’enfance

Guitry, Coluche, Devos, comme eux, on en fait plus

Les gens sont abrutis, n’honorent plus la France

Le pays des génies, s’est mué en m’as-tu vu

Nous manquent des aiguillons, pour nous piquer les fesses

La moindre réflexion, nous blesse notre orgueil

Sont taxés d’extrémistes, les artistes qui molestent

Putain de dignité, on doit en faire le deuil…

Merci Ami Pierrot, pour m’avoir inspiré

Là-haut sur ton nuage, tu dois bien te marrer

Si tu nous revenais, t’aurais à raconter

L’absurdité progresse, et c’est pas terminé

JC Blanc octobre 2013 (Pour Pierre Desproges, je cite : y’a trop d’étrangers dans le monde...)

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