amnesia
redisblacklove
On aurait pu lui inventer mille vies toutes plus différentes et folles les unes que les autres.
Elle était là, assise par terre contre une des portes du wagon en tailleur. Elle avait rentré ses jambes afin de laisser le chemin libre pour les personnes qui auraient voulu traverser ce petit espace.
Elle possédait ce regard mystérieux que j'aimais tant, celui que tout mes précédents coup de foudre avaient possédé. La lumière s'échappait de ses doux yeux clairs.
Sa courte chevelure dorée et légèrement ondulée se mariait parfaitement aux lunettes sombres qu'elle portait.
Tout ces petits détails ne la rendait que plus belle et attirante.
Son côté androgyne lui allait à la perfection, Dieu aurait pu la créer déjà toute habillée des vêtements que la masculine portait ce jour là que ça ne m'aurait pas choqué.
Je la regardait avec désir en train de dévorer son livre qu'elle tenait de ses deux mains pâles pendant que, perdue dans mes pensées, j'enviais ses lèvres légèrement rosées.
Il arrivait qu'une mèche -sûrement un peu plus longue que le reste de ses cheveux- se faufilait sur son front lisse. Mèche qu'elle enlevait à plusieurs reprises grâce à ses petits doigts enfantins jusqu'à ce qu'elle tienne -enfin- derrière son oreille.
Elle ne semblait pas plus âgée que moi au vue de sa silhouette peu féminine, mais possédait une maturité qu'on pouvait apercevoir même sans la connaître.
Je revivais l'attirance à travers ses traits singuliers.
La jeune fille était restée dans la même position tout le long du trajet. Elle n'avait pas bougé d'un centimètre, était silencieuse et lisait son roman en levant quelque fois la tête pour observer la vie qui se créait autours d'elle et de son monde parallèle.
Vint le moment où j'avais à nouveau la chance de pouvoir l'admirer de plus prêt.
Je m'étais levée de mon siège et, en quittant mon poste de guet, m'aperçu que le regard de la blonde se dirigeait vers moi. Elle clignait des yeux au rythme d'un pas sur trois que j'effectuais.
Lorsque j'attendais l'arrêt du train à seulement quelques centimètres d'elle, je ne pouvais m'interdire de tourner ma tête en sa direction.
La bouche fermée avec l'hésitation de parler, j'avais remarqué cette différence qu'elle avait la chance de posséder. Je n'avais osé lui en faire part et m'était contentée de détourner mon attention de son charme envoûteur.
Elle n'était pas descendue à la même gare que moi. Enfin, à vrai dire je n'en savais rien. Je ne m'étais pas retournée.
Si elle avait pu trouver le courage de sortir un mot de sa bouche, je sais qu'elle aurait hurler de les aimer, elle et sa solitude; "Aimez-moi, aimez-moi!"
elle aurait même pu ajouter : "Mais je ne vous montrerais jamais que ça me touche, je ne dirais pas que je suis consciente que vous m'aimez, et encore moins que je vous aimes, parce que je ne suis qu'une putain de trouillarde qui a peur de ressentir des choses et qui n'imagine pas qu'on puisse aimer une personne comme moi!"
Alors je me suis contentée de la garder quelque part, dans une partie de ma boîte noire et d'effacer tout le reste de cette histoire pour n'en garder que le meilleur.
J'avouerai avoir eu une seconde d'hésitation en descendant du train et eu l'envie de lui dire "au revoir" avec un regard qu'elle aurait compris, mais je ne l'avais pas fait car je savais qu'elle n'aurait plus été là, assise par terre contre cette porte. La blonde avait déjà été supprimée définitivement de mon champ de vision et logeait déjà dans ma matière grise.
Dans son monde parallèle à elle, je n'étais pas descendue et était restée assise sur mon siège à l'observer et tout cela le temps d'une durée infinie, pendant qu'elle faisait semblant d'être plongée dans sa lecture tout en me guettant du coin de l'œil.
Un pied devant l'autre, ma mémoire s'effaçait au rythme de mes pas.
Elle s'était totalement volatilisée de mon esprit.
Elle n'avait jamais réellement existé dans ma vie.
Dans son monde parallèle, j'étais peut être devenue son tout.
Une femme qui lit est toujours rêveuse. Une femme qui rit est toujours jolie. Belle poésie qui fait penser aux « Passantes » de Brassens. Maintenant si elle fut pusillanime à ne rien demander, tu le fus d’autant à ne rien lui répondre.
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé