Amnésie Posthume (extrait)

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Avertissement

    Cet ouvrage est un amalgame hétéroclite planté à la frontière du tangible.

Une fable tombée quelque part entre l’Odyssée d’Homère,  La Divine Comédie

de Dante et un tableau de Jackson Pollock.

    Nous espérons que le Lecteur qui croquera dedans saura y trouver le ver

qui rongera ses a priori.

                                                   Alors je regardais dans la direction du Sud,

                                                   et j’aperçus la mort.

                                                                                      Evangile apocryphe.

                                                   La véritable sagesse doit être crée au-delà du

                                                   savoir et de la mémoire.

                                                                                      Conte bouddhiste.

1.

    J’étais assis à l’avant d’une longue barque et des nappes de brumes planaient

sur les flots m’empêchant d’en voir la surface. J’entendais des pleurs et des lamentations, qui émanaient des alentours sans que je puisse en connaître

l’origine comme s’ils émergeaient de l’eau même, se mélangeant au craquement de l’embarcation.

    Je levais la tête vers le ciel, la nuit était sans étoile, oppressante. Je n’avais qu’une chemise sur le dos et pourtant je n’avais pas froid. Pourquoi étais-je ici ? Je n’avais plus aucun souvenir de ce qui c’était passé auparavant. Comme si ma mémoire, semblable à une clepsydre, s’était vidée des événements qui avaient constitué ma vie.

    Un claquement osseux me fit tourner la tête en arrière. Je découvris la noire silhouette du navigateur. Il était grand et son visage était dissimulé sous une large capuche au bord effiloché. Il tenait le gouvernail d’une seule main et bien qu’il n’y ait pas un souffle de vent, la voile était tendue. De son autre main, qui était si maigre, qu’elle paraissait décharnée, il me fit signe de regarder droit devant moi. Je distinguai alors une épaisse masse opaque qui grossissait à mesure que nous approchions.

    Un continent.

    Au fait ! Excusez-moi, j’ai oublié de me présenter. Je me nomme Angelo.

2. L’arrivée

    La quille de la barque racla le sable de la crique où ils abordaient : une fente ouverte sur l’Océan sous un ciel de fer.

    D’un geste irrévocable, l’impassible nocher ordonna à Angelo de descendre. A contre cœur, il mit un pied sur cette terre inconnue, les semelles de ses chaussures s’enfoncèrent dans le sable humide.

    Le nocher fit faire demi-tour à sa barque et il s’éloigna lentement du rivage. Angelo le regarda progressivement disparaître, avalé par les ténèbres.

    Il tourna le dos à l’étendue liquide et fit face au sombre volume forestier qui formait une muraille végétale devant lui. Il devait comprendre ce qu’il faisait ici, et pour cela il devait aller de l’avant. Sa raison lui dicta cependant d’attendre le lever du jour. Il alla donc ramasser du bois sec et alluma un feu à l’aide du briquet à molette qu’il trouva dans l’une des poches de son pantalon de tergal.

    Bercé par la chaleur, il finit par s’endormir.

3.

    Je fus réveillé par le scintillement d’Hélios à travers mes paupières. J’ouvrais un œil et distinguais la plage où le nocher m‘avait débarqué la veille.

    Les cendres de mon feu étaient encore tièdes et les vagues, huileuses, venaient mollement s’aplatir sur le sable ocre.

    Il ne me servait à rien de rester ici plus longtemps, je prenais donc la direction de la lisière broussailleuse.

4.

    Lorsqu’il s’enfonça dans l’ombre des grands arbres, l’aria des oiseaux s’éteignit comme la flamme d’une chandelle soufflée par un courant d’air et un tapis d’humus odorant se déroula sous lui.

    A mesure qu’il zigzaguait entre les branchages, il leurs arrachait une poignée de noisettes auxquelles il brisait la coque avec ses molaires avant de les entonner avec un jet de salive.

    Sans point de repère, il divaguait au hasard des quatre points cardinaux.

    Il était perdu, et une direction en valait bien une autre, dans ce labyrinthe sylvestre où les aiguillons d’aubépine à fleurs blanches le piquaient douloureusement lorsqu’il traversait un fourré servant de cachette aux mulots. A plusieurs reprises, il dut faire halte auprès de petits ruisseaux, peuplés de crevettes, pour se désaltérer et passer de l’eau fraîche sur ses piqûres malicieusement infligés par Pan.

    Sans qu’il s’en aperçoive le soleil s’enfonça sous la terre.

5.

    Je fus surpris par la nuit qui avait entièrement gobée la forêt et j’entendis le hurlement des loups pour la première fois de ma vie.

    Un refuge… Vite.

    La panique me submergea et je me mis à courir comme un damné. Les branches me fouettaient le visage aussi sèchement qu’une trique quand mon pied droit achoppa soudain contre une grosse branche qui affleurait à la surface du sol. Mon nez percuta la terre qu’un fort parfum de fougère imprégnait.

    Je me redressais en toute hâte, mes gestes étaient désordonnés et je pouvais déjà sentir sur moi l’haleine des loups qui étaient sur mes talons.

6.

    Angelo se remit à courir aussi vite qu’il le put. Il était à bout de souffle.

    Ses poumons le brulaient comme s’il se consumait.

    Il devait pourtant poursuivre son slalom entre les troncs des grands feuillus. Même s’il savait qu’il serait bientôt rattrapé par la meute affamée.

7.

    Alors que je me voyais déjà servant de diner à ces féroces carnivores, j’aperçus une loupiotte qui brillait faiblement dans une trouée du feuillage. Mes bronches commençaient à vouloir sortir par ma trachée mais je forçais encore l’allure.

    Mon esprit se fixa sur ce rayon de soleil perdu dans l’Erébe.

    Je posais subitement pied dans une clairière au centre de laquelle une cabane s’élevait. Le hurlement des loups se tût aussitôt. La chasse était finie, quelque chose leur avait fait peur.

    Le cerveau embrumé par le manque d’oxygène, je m’approchais.

    La porte était en chêne massif et de larges traverses oxydées la tenaient au chambranle. Je frappais. Une voix à trois timbres me dit d’enter. Sans appréhension, je poussais la porte. Elle grinça sur ses gonds et je vis le dos d’un personnage qui s’activait devant un fourneau. Sa tête était dans l’ombre.

8.

    Angelo avança plus en avant dans l’habitacle et Eole claqua la porte derrière lui.

    L’intérieur était éclairé par une paire de néons fixés sur une poutre du plafond. Un grand désordre régnait dans l’unique pièce. La table centrale était couverte de parchemins et les étagères, qui couraient sur les murs, étaient bondées de vases et de fioles emplies d’étranges substances aqueuses. Dans un coin, un corbeau aveugle et au trois quart déplumé croassait lugubrement.

    L’individu se tourna soudain vers Angelo et ce qu’il vit failli le faire tomber de stupeur.

9.

     L’homme…

              La suite ?...  Récit de 125 pages attendant un éditeur.

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