Anesthésie affective.

Jim Curtis

Un gars en vrac.

Alors, voilà. C'est tout moi. Un gars en vrac. Qui erre dans la vie. Sans savoir où il va. Pourtant, j'ai essayé. Longtemps, je m'y suis efforcé. Oui, à vivre. Mais pourquoi ? Et à quoi bon ?

Nos vies, en vrai, ne nous appartiennent pas. On ne choisit pas de naître. Encore moins de mourir. Et pourtant. C'est ce qui nous attends. Moi, je suis condamné à vivre. Oui, je répète : condamné à vivre.

Bientôt deux ans, depuis que je ne vis plus. Plus vraiment. J'existe. Ne ressens rien. Respire. Comme une bête. Sans pouvoir ressentir. Même les animaux sont sensibles. Moi, je suis une machine.

Ma raison a pris le dessus. Je ne sais pourquoi. Ni comment. Mais, c'est arrivé. Charlène m'a quitté. Et elle me manque. Du moins, c'est ce que je devrais ressentir. Romane, la petite, m'a été enlevée. Et elle me manque. Pourtant, je ne ressens rien.

Ma mère, souvent, me questionne. Tu as le visage dur, Jim. Tu ne souris plus. Est-ce que ça va ? Et bien non, maman. Je voudrais faire semblant. Comme avant. Mais même ça, je n'y parviens plus.

C'est vrai. Sur mon visage, aucune expression. Le désert. Comme en moi. Aucune émotion. Pas de sentiments. Uniquement des pensées. En vrac. Qui vont. Et viennent. Me hantent, aussi. Pis, l'insomnie. Et, les lendemains difficiles.

Alors, voilà. Je suis un robot. Une machine. Qui pense. Qui croit qu'il ressent. Qui sourit parce qu'il le faut. Qui mange par courtoisie. Une machine. Mais pire. Une machine brisée. Irréparable. Inutile. Et inutilisable. Parvenue à la date de péremption. Déjà.

Bientôt, la vingtaine. J'ai fait mon choix. Je me jetterai.
Et, on me remplacera. Comme tout. Lorsque c'est cassé. C'est ça. Je suis cassé. Brisé. Et las d'exister.

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