Anorexies autorisées

redstars

(2009)




Cortège et feux d'artifices
De côtes et d'os saillants,
De cages thoraciques,
Apparentes et forcées,
Là, sous mes yeux,
Par ailleurs après coup
Virtuellement accentuées.

Une avalanche continuelle,
De dits jolis, de beaux squelettes,
Sans visage ni sourire,
Des images, au mieux,
Des images dont le regard
N'a plus rien de vivant :
Ni étincelle, ni gaieté,
Ces filles ont un air
Las et décédé.

Je suis blessée,
Face à ces os rongés
Ces os qui parait-il,
Sont beaux,
Normaux,
Ces os rugueux,
Surtout lorsqu'il ne reste
Qu'eux, là,
Sous la peau.


Je pose le magazine,

Qui n'a aucune utilité,

Le mannequin en couverture,
Me nargue de ses yeux
Atones oui mais déterminés.

Je pose le magazine,

Culpabilisant soudain
De n'avoir été qu'humaine,
De n'avoir voulu que
Me nourrir,
Peut-être simplement,
Parce qu'il était midi,
Et que j'avais faim.

Je me dirige vers les toilettes,

Et c'est devenu une habitude,
Que l'on me dit pathologique,
Mais moi je suis juste mal ici,
Mal de ne pas trouver ma place.

Je me dirige vers les toilettes,

Me penche, retenant mes cheveux,
Pour vomir, deux doigts dans la gorge,
Ce qui semble être mal, être mauvais,
Vomir cette énergie dont ces femmes
N'ont vraisemblablement besoin.

Le monsieur a qui je parle
Chaque semaine
Répète que ça n'a rien à voir,
Que ces filles ne sont rien
Que c'est ma tête
Qui est malade.

Mais moi,
Je sais,
Je sais que ces collections d'os,
Exposés là,
Partout autour de nous,

Mais moi,
Je sais
C'est à cause d'eux,
Que je me tue à petit feu.

Il n'empêche,
Et pardonnez ma naïveté,
Je vais continuer de croire,
Et d'espérer,

Qu'un jour on nous acceptera,
Nous et notre féminité,
Nous et ces rondeurs
Preuves de notre santé,
Qui ne nous semblent
Cependant pas
(encore?)
Autorisées.



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