Answermagorique

sadnezz

Réponse au texte de Vassilli : "Prédiction autoréalisatrice."

Neuf cent cinquante cinq. Précisément.

C'est autant de mots qu'il lui fallu pour le dire. Dire quoi me direz-vous. Son fantasme. Tissé de vérités et d'illusions, de détails si précis qu'ils pouvaient à eux seuls résumer le personnage dans lequel il m'avait enfermée, je m'étais enfermée, bon gré, malgré... Il y a donc une version mâle et une version femelle, puisque tout comme sans lumière, existe-t-il de l'ombre?

C'est moi qui commande. C'est moi qui incite et qui dirige. mon jeune age est un piège auquel ils ne peuvent résister. Tout à commencé il y a des semaines... Par quelques photos qui forcément m'ont séduites. Un rapport à l'image, à la mise en scène, se dévoiler sans trop en montrer, une ambiguïté flagrante et sexy. Voici un profil qu'on ne peut ignorer lorsqu'on est exigeant. Et forcément, tout m'a poussée à ne pas me montrer en me demandant, curieuse, si cet homme qui un jour a posé les yeux sur moi allait tenter d'en (s)avoir plus. Ce qu'il fit.

Je l'imagine préoccupé par son ex lui faisant la guerre, tiraillé par une garde partagée qu'il n'accepte pas vraiment,  abordable à l'humeur  et saisissable seulement lorsqu'il doit solliciter pour obtenir, la facilité n'étant pas si bandante que ça. Suis-je vraiment pressée de m'abandonner? Bien sur que non. Je suis trop fière pour cela, et tant que je n'aurai pas eu la certitude qu'il est prêt à attendre, ou s'impatienter de me rencontrer, je resterai présente en pointillés avec tact et une détestable nonchalance.

C'est étonnant de se rendre compte à quel point la rétention peut payer... Un échange ... puis un deuxième ... petit pas par petit pas ... Il émousse ma curiosité ... et sait susciter l'envie.

Aujourd'hui c'est le jour de notre rencontre. Je ne me suis pas demandé si ce serait plus favorable de me déplacer chez lui ou qu'il vienne chez moi. J'aime jouer sur le terrain des autres, mon aisance n'en étant que plus excitée. Je me sens plus vivante en observant les objets trahissant des expériences, des relations, des souvenirs, en sentant l'odeur d'une maison ou en imaginant les raisons qui ont poussé à peindre telle pièce en blanc et non en beige. En imaginant ce que le sofa a pu voir, et ce que les coussins ont pu entendre.

Dans moins de 5 minutes, Je serai là, devant sa porte, et nous échangerons notre premier regard. Mes yeux et les siens, et mille petites choses que nous mesurerons. Je serais bien plus petite qu'il ne le pensait, mes hanches plus girondes qu'il ne l'imaginait, je serai sans doute plus sexy qu'il ne l'aurait souhaité... Toutes ces sensations qui passent en une seconde dans mon esprit et font la richesse de l'instant. Je sais qu'il fera de même, et ça me rassure. Car la vie n'est pas une mise en scène, toute Beauvoir peut-on être.

Je m'approche de sa porte, j'ai eu l'élégance de frapper. Je ressens une grisante excitation, et je me trouve bien amusée. Il est là, devant moi. Rien ne se passe comme je l'avais imaginé mais je fais tout mon possible pour ne rien laisser paraitre. Je vois dans ses yeux qu'il comprend, et cela m'arrache un petit sourire qui me détend.

10 ans nous séparent. Je garde mon flegme, les personnes plus âgées que moi savent me nourrir mieux que mes pairs, ils sont autant de livres aux aventures passionnantes. Je me sens leur égale, prétentieuse que je suis, de me croire trop sage et avertie. Mon apparence me dédouane de faire des erreurs, mises sur le compte de la jeunesse, et mon esprit me forge la folle satisfaction de pouvoir m'attirer la confiance due aux plus anciens. Comment ne pas être prêtresse de manipulations? L'incitation est partout, quotidienne, follement passionnante.

Je suis satisfaite d'être là, chez lui, dans un moment plus réel que ce que nous avions eu l'habitude de nous accorder. Un moment qui ne peut mentir, dans l'authenticité accordée d'une marche funambule sans filin de sécurité. Un peu de musique, un verre et nous voila qui bavardons l'air de rien. Le son de sa voix, ses mimiques, ses gestes, tout cela le rend plus réel, et je me détends petit à petit. Le jeu a toujours une fin. La rencontre devait briser ou transcender. Au fond, la rencontre fait toujours les deux.

Cette complicité que nous ressentions derrière nos écran se révèle maintenant plus ciblée, plus juste aussi. Il découvre que je suis follement humaine, que j'ai beaucoup d'humour et que je suis bien plus bavarde que les quelques lignes que je lui laissais sur un écran blanc, parfois, avant d'aller au lit. Et puis bientôt, il découvrira aussi que j'ai de la cellulite aux fesses, que mon corps a des stigmates bien loin des poses enjôleuses que je jette en pâture aux yeux du tout venant cyberstellaire. Je sais pourquoi je suis venue. Pour me prouver que le jeu en valait la peine. Que je voudrais encore le jouer, de façon plus sincère et avec moins de fioritures. Le désir à l'état brut, dénué de tous ces fantasmes terribles, qui vous font tomber de votre piédestal lorsque vous avouez que vous aussi, vous avez des failles. Que je pourrais le séduire encore... Après. Après la réalité.

Lassée d'être un objet de défis, d'être moi puis l'Autre, de n'avoir jamais envie sauf pour l'impossible, l'inattendu et l'incongru. De passer pour la difficulté, alors que la difficulté c'est les autres. 

Je le regarde. J'ai envie de lui. Je le sens bien venir, mais j'ai envie d'être l'étincelle. Il amorce, je désamorce, j'agrippe sa nuque d'une main égarée et je l'embrasse. Je le regarde, je ne le quitte pas des yeux, et je l'embrasse. Voilà, nous y sommes. Nous n'embrassons pas de la même façon, mais c'est un détail qui me remet un pied dans la réalité que je recherchais. Ma langue est trop courte. c'est bien connu. Cela m'amuse. Je passe ma main dans ses cheveux, comme pour l'empêcher de se dégager de ma bouche. Nos corps se rapprochent, mais nous prenons notre temps. Chaque seconde compte. Chaque mouvement, chaque caresse est perçue avec délectation. Cet instant est un aboutissement et nous en prenons la mesure. Notre excitation augmente sans cesse, mon désir pour lui est immense. Je l'imagine en moi, puissant. Plus rien n'existe. Le monde se résume à son salon, l'humanité entière à disparu, le temps est une notion superflue et le blanc des murs ne m'inspire plus de questions.

Comme je l'avais imaginé, je le sens prendre les choses en main, et me voici qui reprends l'initiative. Tout en caresses, mais avec l'oeil et le geste déterminé. Il est assis, je l'entraine contre moi, mes mains se posent sur son visage, massent sa nuque, mes hanches s'annexent aux siennes, j'ai envie.

Tu sens? J'ai envie. Viens.

Il glisse sa main dans mon jeans, je mord doucement son cou. J'ai envie d'un impact qui nous laisserait à l'heure du départ un gout d'hébètement. Mes mains se posent sur ses fesses, les agrippe. Je sens la délicieuse et habituelle surprise qui me transporte. Je ne porte jamais de culotte.

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