La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 16 : Une Lanterne dans la Nuit

Lynn Rénier

Anya & le Magicien - Tome 1 : La Prophétie du Lion Sorcier

Évelyn se réveille en sursaut, la chemise de nuit trempée de sueur, le cœur battant dans sa poitrine. Anya est à ses côtés, inquiète, une chandelle à la main. Elle a été réveillée par le sommeil agitée de son amie. Chose rare. D'ordinaire, elle a un sommeil de plomb et le monde pourrait s'effondrer que ça ne la réveillerait pas.

Elle lit dans le regard effrayé d'Évelyn que cette dernière espère alors ne pas avoir crié dans son mauvais rêve. Elle jette un regard par la fenêtre. Un peu aussi, sans doute, pour ne pas qu'Anya puisse lire ce qu'elle pense dans ses yeux. Il ne fait pas encore tout à fait jour : une faible lueur leur parvient à travers le volet.

- Ça va ? demande la jeune femme-de-chambre.

Évelyn met du temps à retrouver son calme et ne lui répond pas tout de suite.

- Respire, lui conseille Anya avec douceur. Ce n'était qu'un mauvais rêve.

Elle caresse son dos pour lui procurer réconfort et chaleur. Mais la jeune femme aux cheveux clairs doit bien avouer qu'elle ne sait pas trop quoi faire pour aider son amie à cet instant. Alors, elle la prend doucement contre elle, et la lavandière se laisse aller dans son étreinte réconfortante.

Puis, peu à peu, Évelyn retrouve un semblant de calme. Elle passe ses mains dans ses cheveux sombres, comme si elle voulait en lisser les boucles, et un profond soupir lui échappe. La peur dans ses yeux finit par disparaître.

- Ça va ? questionne de nouveau Anya.

- Oui. Un cauchemar, c'est tout.

- Racontes.

Évelyn hésite. Elle a confiance en Anya. Seulement, parler de ce qu'elle a vu la met mal à l'aise.

- Une autre fois, peut-être, esquive-t-elle.

- D'accord. Si tu veux. Tu sais que je suis là si tu as besoin d'en parler, n'est-ce pas ?

- Oui, merci.

- Essaie de te rendormir. Il reste deux bonnes heures avant que la journée ne commence, lui sourit Anya en regagnant son lit.

Évelyn se recouche, ferme les yeux. Mais les images restent.

Son esprit gamberge trop pour qu'elle parvienne à retrouver le sommeil. Il y a quelque chose d'important qui lui échappe. Ce ne peut pas être qu'un simple mauvais rêve. Trop de coïncidences. Le doute est là, certes. Pourtant, elle sait ce qu'elle a vu. Elle ne peut pas se tromper. Comment en parler à son amie ? Elle ne la croira jamais. Personne ne la croira.

Anya s'est déjà rendormie. Sa respiration tranquille et profonde pour preuve. Évelyn, elle, ne parvient pas à retrouver le sommeil. Impossible. Elle voit encore cet homme tirer sur ses chaînes avec tant de désespoir, espérant s'échapper en sachant que c'est inutile. Elle voit encore ces blessures sur son corps que personne n'a daigné soigner un peu. De lointains souvenirs l'assaillent subitement. Un frisson glacé lui parcourt l'échine. Il lui faut prendre l'air !

Jetant un regard à Anya, Évelyn sort de son lit sans faire de bruit. Elle enfile une robe de chambre, attrape une petite lampe tempête et sort de la pièce. Comme une ombre, elle se faufile à l'extérieur de la demeure pour gagner le jardin.

Fidèle la suit, sans qu'elle s'en aperçoive avant d'avoir atteint le kiosque fleuri. Il l'arrête alors en couinant, saisissant la manche de sa robe de chambre entre ses dents.

- Retourne auprès de Dame Inarah, lui dit-elle doucement. Dépêches-toi, allez.

Il la regarde, penchant la tête sur le côté, comme s'il lui posait une question.

- Ne t'inquiètes pas pour moi, je serais de retour avant que tout le monde ne se réveille.

L'animal vient glisser son museau dans sa main, réclamant une caresse. Chose qu'il n'a pourtant pas l'habitude de quémander.

- Je dois prévenir un ami, je reviens vite, assure-t-elle en caressant ses oreilles.

Convaincu, il retourne vers la villa, non sans lui adresser un regard en arrière.

- Allez, files, sourit-elle.

Une fois le chien retourné à l'intérieur de la demeure, Évelyn reprend son chemin. Elle quitte le domaine pour grimper la route que nul n'emprunte plus.


***


Le garde-chasse s'est endormi devant le feu de cheminée, comme à son habitude, un livre à la main. Muché dans son fauteuil, une couverture sur les épaules, il somnole paisiblement quand on toque soudain à sa porte. De surprise, il en lâche son roman qui tombe sur le tapis avec un petit bruit mat. Il jette un œil à la fenêtre, dont il ne ferme jamais le volet, pour voir que le soleil n'est pas levé. La nuit règne pour quelques instants encore.

N'attendant pas de visite à cette heure indue, il s'avance d'un pas prudent vers la porte pour ouvrir à l'intrus, la main sur le manche de son coutelas glissé à sa ceinture. C'est une jeune femme aux cheveux sombres qu'il découvre sur le seuil de sa modeste maison, emmitouflée dans une robe de chambre bleu-nuit, pieds nus et une petite lampe tempête à la main.

- Évelyn ?! Qu'est-ce que tu fais là, à cette heure ?

- Je sais qu'il est tôt, Kylian. Pardonnes-moi. Mais c'est important. Il faut que je te parle.

Devant la mine préoccupée de la jeune femme, il s'inquiète.

- De quoi s'agit-il ? demande-t-il en rengainant sa lame à sa ceinture. Qu'est-ce qui se passe ?

- Il est arrivé quelque chose. Quelque chose de grave. Et je n'ai pas beaucoup de temps.

Il plonge ses yeux dans les siens, et c'est un peu comme s'il devine ce dont il s'agit. Il observe les alentours un instant, vérifiant que personne ne les espionne, avant de s'écarter pour lui faire place.

- Entre, ne reste pas dehors. Nous serons mieux à l'intérieur.

Elle se glisse dans la maison et son ombre se transforme à peine passe-t-elle le pas de la porte. Le garde-forestier, lui, jette de nouveau un regard vers le chemin qui monte de la ville, s'assurant de nouveau que personne n'a suivi la jeune femme. Puis, il ferme la porte derrière lui, sans un bruit.


***

© Lynn RÉNIER
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