La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 51 : La Sagacité de Dante

Lynn Rénier

Anya & le Magicien - Tome 1 : La Prophétie du Lion Sorcier

Les voilà de retour à l'entrée du tunnel. Derrière le Domaine de Gast, la trappe est toujours là, sans personne pour en garder l'accès. Mais Dante et Anya savent qu'il est inutile de parcourir de nouveau le couloir souterrain. Ils n'y trouveront rien de plus que ce qu'ils y ont déjà découvert. Une question demeure pourtant : comment relier les éléments entre eux ?

Pour le magicien, l'implication de Charles de Olstin est évidente. Cependant, il ne comprend pas ce second accès. À quoi sert-il ? Qui en a connaissance ? Et qui y accède pour rejoindre le Domaine de Richwel ? La Baronne de Gast est-elle mêlée à tout ça ? N'est-elle pas la maîtresse attitrée du Comte ? Est-ce donc une façon pour les deux amants de se rejoindre à l'abri des regards ? C'est trop fantasque. Après tout, la cité toute entière est au courant de leur relation plus qu'amicale. Ils n'ont pas besoin de s'en cacher. Et d'ailleurs, connaissant les personnages, ils ne sont pas du genre à s'en cacher non plus. Charles de Olstin est connu pour aimer se montrer et s'afficher. Ça ne lui ressemblerait pas de tenter de cacher ce genre de chose. Il en est bien trop fier.

Alors, à quoi sert le tunnel si ce n'est pour tramer quelque chose de malhonnête. Cette hypothèse de trafic d'organes se confirmerait-elle ? Voilà trop de questions et de suppositions que le jeune homme ne sait pas prouver ou confirmer. Il a besoin de bien plus.

- Il nous faudrait un espion, suggère Anya en scrutant la façade rosée de la demeure du Domaine de Gast.

- Un espion ? reprend le magicien. Pour quoi ?

- Eh bien pour s'infiltrer chez de Olstin ou chez la Baronne, afin de savoir ce qu'ils mijotent tous les deux. Non ?

- Ce serait risqué.

- Un risque à prendre, conclue Anya.

- En es-tu certaine ? Nous sommes en train de porter des accusations sans réelle preuve. C'est risqué. Et bien que l'on soupçonne Charles de Olstin, rien n'indique que sa maîtresse soit impliquée.

Le regard violet de Dante la fait hésiter. Elle se laisse plonger un instant dans ces yeux à la couleur pleine de magie avant de revenir à elle.

- Tu as raison, je n'en suis pas certaine. Mais vois-tu une autre option ? soupire-t-elle devant la bonne déduction du jeune homme. Auquel cas, je suis toute ouïe.

Le jeune homme lâche un long soupir. Il doit bien reconnaître qu'ils sont dans une impasse.

- Ce qui m'ennuie, dit-il, c'est le fait que Charles de Olstin semble mêler à ça d'une manière ou d'une autre. Ton ami travaillait pour lui et a été assassiné sur le domaine. Et la trappe dans les écuries est peut-être discrète, mais elle ne peut pas être inconnue du Comte. Il est forcément au courant qu'elle est là et doit donc certainement connaître l'existence du tunnel. Mais il n'a aucun lien avec la magie. Il n'est pas connu des registres de l'Assemblée.

- Se pourrait-il qu'il soit un sorcier clandestin ?

- C'est peu probable. Même si toute personne prédisposée à la magie n'est pas obligée de venir étudier à l'Académie, l'Assemblée des Hauts-Mages recense tout talent qui se manifeste.

- Ce qui veut dire que, même si on ne se déclare pas ouvertement magicien, l'Assemblée le sait.

- C'est cela.

- Les Hauts-Mages seraient-ils voyants ?

- Non, la clairvoyance est un talent qui ne se manifeste que chez de rares élus. Au sein de l'Assemblée, il n'y a qu'un devin. À ma connaissance.

- Est-ce lui qui détecte la magie chez les gens ?

- Pas tout à fait.

- Je ne comprends pas, qu'est-ce que tu veux dire ?

- Pour détecter un magicien à venir ou non déclarée, c'est d'une toute autre manière que l'Assemblée s'y prend. Rien à voir avec de la divination. L'Assemblée des Hauts-Mages fait appel aux capacités d'un sylvain.

- Vraiment ?

- Il en reste très peu. Ce sont des êtres liés aux arbres et avec la déforestation massive du siècle dernier, leur population s'est réduite à une peau de chagrin. Mais il en reste quelques-uns que l'Assemblée s'efforce de protéger. Ayant la particularité d'être connectés à la magie primaire, ils sont capables de détecter cette essence chez tout être vivant. Ce qui permet ainsi de recenser les mages à travers le Royaume de Lincéa. À Armonis, l'école a été construite autour d'un chêne millénaire. En échange de cette protection, l'esprit de l'arbre partage son savoir avec les Hauts-Mages.

- L'as-tu déjà vu ?

- Non, jamais. Les sylvains sont d'une timidité légendaire. Ils ne se montrent qu'à ceux qu'ils choisissent. Alors, on ne peut que spéculer sur leur apparence et leur pouvoir. Tout ce que je sais est qu'il se montre à l'Assemblée lorsqu'il détecte un nouveau magicien sur le territoire.

- Donc, si je me fie à ton résonnement, le fait que Charles de Olstin n'ai pas été désigné par le sylvain et qu'il ne soit pas dans les registres de l'Assemblée met en doute l'hypothèse selon laquelle il serait impliqué ? Pourtant, à mes yeux, son implication semble évidente. Surtout avec ce que l'on sait et les éléments que l'on a pour le relier à cette histoire.

- Nous n'avons que nos suppositions, Cat. De simples suppositions basées sur l'analyse des maigres informations que nous avons. Et bien là c'est tout le problème. Est-ce que mon instinct me tromperait ?

- Je ne pense pas, le rassure Anya. J'ai moi aussi la conviction que le Comte n'est pas étranger à l'affaire. Même si je ne comprends pas encore pourquoi, et ce qu'il y gagne. S'il s'agit d'un trafic d'organes, quel est son intérêt ?

- Bonne question. Il ne manque pas d'argent au point de se lancer dans un commerce illicite. Même s'il est cupide et dépensier. Ce serait bien trop stupide de sa part. Il y risquerait son titre et sa position. Il y tient trop pour prendre ce risque. Ce n'est pas envisageable.

- Oh, tu sais, connaissant le personnage, il en serait bien capable. Mais je ne trouve pas cela logique. Quoi qu'il en soit, de toute évidence, s'il n'est pas le sorcier que nous cherchons, il est au moins en contact avec lui.

- De ça, nous sommes certains.

- Dans les deux cas, Charles de Olstin est impliqué.

- Ce n'est pas faux, admet Dante. Reste à le prouver une bonne fois pour toute.

- Oui. Mais comment ?

- Je l'ignore… Je suis même en train de douter de mes propres théories…

Le regard songeur du jeune homme alerte Anya.

- Pourtant, elles se tiennent.

- Pas toutes, soupire-t-il. Je pensais la Baronne impliquée parce que le second accès au tunnel se trouve en périphérie de son domaine et qu'elle est connue pour être la maîtresse du Comte.

- C'est plausible, même si je ne vois pas très bien ce qu'elle aurait à voir avec tout ça.

- Moi non plus. Et en y réfléchissant, cette trappe n'est pas vraiment sur son domaine.

- Expliques-toi, je ne comprends pas.

- C'est simple. Pour celle des écuries, c'est limpide. Elle est au beau milieu du Domaine de Richwel, uniquement accessible à ceux qui arpentent le domaine. Il faut donc y entrer. Un étranger ne peut pas savoir qu'il existe un accès à un tunnel serpentant sous la ville.

- D'accord. Mais les employés du Comte : pourquoi ne savent-ils rien ?

- Si les employés n'en ont pas connaissance c'est qu'ils ne travaillent pas aux écuries. Toute personne susceptible d'y passer du temps doit savoir que la trappe est là. Gautier a bien fini par la découvrir. Alors il est logique de penser que le Comte en a connaissance.

- Il est connu pour être un grand cavalier. Il ne se passe pas une journée sans qu'il ne monte un de ses purs sangs.

- Alors il a forcément découvert l'existence du tunnel à un moment donné.

- Elle était pourtant bien dissimulée, l'autre soir quand tu la cherchais.

- Parce qu'on a cherché à la dissimuler à la vue. Mon premier sort m'a permis de la trouver. Je n'ai pas eu le temps d'en découvrir d'avantage. La seconde fois, le sortilège utilisé était trop puissant pour que je le brise.

- Mais, et Gautier ?

- Gautier, lui, a dû la trouver sans difficulté. Le Comte, a supposé que c'est lui qui se sert de ce passage, n'imaginait pas que quelqu'un viendrait fouiller. La trappe devait être simplement cachée par le foin. Et comme ton ami ne savait pas qu'elle était là depuis tout ce temps, il ne la cherchait pas. Quelque chose a dû attirer son attention pour qu'il la découvre.

- Supposons que c'est ça. Pourquoi doutes-tu de tes déductions ?

- Parce que ce second accès est en dehors du Domaine de Gast.

- Il y est attenant, pourtant.

- Oui, d'une certaine façon. Mais regarde, nous pouvons y accéder sans entrer sur le domaine de la Baronne.

- Je crois savoir où tu veux en venir : n'importe qui, ayant connaissance de cette entrée, peut arpenter le tunnel.

- Tu as tout compris.

Anya examine attentivement le parapet.

- D'autant qu'il faut avouer que l'entrée ne passe pas inaperçue, contrairement à la trappe dans les écuries. Tout le monde peut voir cette alcôve depuis l'extérieur du domaine.

- On penserait à une petite chapelle de prime abord. Nous l'avons pensé en arrivant ici. Mais toute personne curieuse se rendrait rapidement compte qu'il n'y a pas d'autel à l'intérieur et que ce tapis cache quelque chose.

- Ce qui signifie que notre champ de coupables vient de s'agrandir considérablement…

- Peut-être pas. Qui ose s'aventurer aussi loin de la ville ?

- Personne, mais pourquoi cette question ?

- Nous sommes proches du bois.

La jeune femme saisit l'allusion. Le Bois Interdit porte bien son nom. Ici, personne n'ose s'en approcher. Alors, qui serait assez courageux pour s'aventurer si près du territoire du Seigneur Lion ? À y réfléchir, il n'y a que Kylian. Mais ça ne peut être lui. C'est impossible.

- Tu ne soupçonne quand même pas…

Le magicien ne répond pas. Son regard songeur ne rassure pourtant pas la jeune femme.

- Crois-tu réellement que Kylian serait coupable ?

- Je ne sais plus vraiment ce que je dois croire ou non, avoue-t-il.

- Dante, sérieusement ! Il se moque bien de ce qui peut se passer en ville, et n'a aucune affinité avec Charles de Olstin, quelle qu'elle soit. Du moment qu'on lui fiche la paix et que personne n'entre dans le bois, Kylian ne ferait de mal à personne. Quoi que la première impression que l'on a de lui peut bien en dire.

- C'est bien le problème.

- Je ne vois pas où tu veux en venir… Et puis, qu'aurait-il à gagner dans cette histoire ?

- Rien, c'est vrai. Hormis une tranquillité qu'il a sans doute déjà. Mais il est le seul à s'aventurer aussi près du bois. Laïn mise à part.

- Si tu raisonnes comme cela, alors nous sommes tous coupables !

Un air fautif s'affiche sur le visage de Dante. Anya n'a pas tort.

Certes, il ne peut s'empêcher de trouver le garde-chasse énigmatique. Pour autant, ça ne fait pas de Kylian un meurtrier. Il les a accueilli chez lui, les a aidés aussi. Quel intérêt aurait-il à agir comme il le fait s'il est vraiment coupable ? Ça pourrait le rendre insoupçonnable, c'est vrai. Mais le risque d'être découvert est trop grand, surtout face aux dons du magicien. Et de cela, le véritable coupable le sait parfaitement.

Dante s'en veut soudain. Qu'est-ce qui lui prend de soupçonner ainsi le garde-chasse et la Veilleuse, les seuls qui cherchent à les aider à démasquer le sorcier. Et puis, si Kylian est impliqué, Laïn l'est aussi, et Anya également. Son résonnement ne mène à rien et risquerait de vexer les intéressés s'ils l'apprenaient.

 

Comme pour chasser ces idées saugrenues, il a un hochement de tête. Il doit cesser de faire des suppositions, qu'elles se tiennent ou non. Avant tout, il faut trouver des preuves de ce qu'il avance. Autrement, tout s'effondrera comme un château de cartes.

- Et si tu utilisais de nouveau ce sort qui nous a permis de voir ce qu'il s'était passé dans le tunnel ?

- La magie ne résout pas tout, malheureusement. Ce n'est pas une mauvaise idée dans le fond, mais ce n'est pas de cette façon que nous trouverons nos réponses.

- Si tu as une meilleure idée, je t'écoute.

- Toi qui suggérais de s'infiltrer chez le Comte de Richwel tout à l'heure…

- Tu es sérieux ?

- Pourquoi pas ? Si l'on garde la supposition que Charles de Olstin est impliqué, alors il est l'homme à la canne que l'on a vu dans la vision du passé. Bien que nous n'ayons pas clairement vu son visage.

- Ça se tient.

- Ce qui signifie que la silhouette encapuchonnée est son complice.

- D'accord. Si je te suis, en espionnant le Comte, on démasquera peut-être qui est son acolyte. En espérant qu'il soit le sorcier que nous cherchons.

- C'est cela.

- De quelle façon comptes-tu t'y prendre ?

- Tu sais ce qu'est un sort de morphose, mais tu n'as encore rien vu.

- N'est-ce pas toi qui viens de dire à l'instant que la magie ne résout pas tout ? se moque la jeune femme.

- Si. Mais laisses-moi t'expliquer. Nous n'avons pas d'espion à notre disposition, toutefois nous pouvons pallier ce problème en le devenant.

- Parfois, je me dis que tu résonne trop vite pour moi.

Devant la mine dépitée d'Anya, Dante ne peut s'empêcher de rire. Et il réalise que cela fait bien trop longtemps qu'il n'a pas ri ainsi. Curieux.

Revenant à son idée, il explique alors à la jeune femme que la métamorphose se montrerait très utile pour jouer les espions. Dubitative, elle imagine mal comment il veut s'y prendre.

- Pas de potions ? soulève-t-elle.

Il sort une fiole de son manteau. Une petite fiole au col long et au corps arrondie, dans laquelle un liquide brille d'un vif éclat bleu.

- On dirait que tu as attrapé une étoile, lâche Anya contemplative. Comment est-ce que cela fonctionne ?

- Tu verras bien, sourit malicieusement le jeune homme.

Il l'invite à rejoindre le Domaine de Richwel et elle le suit, poussée par la curiosité.

Avant qu'ils n'atteignent le portail, ils longent le mur d'enceinte, profitant de son ombre pour s'y dissimuler. De l'autre côté, un chien aboie. Anya se crispe. Elle ne sait pas ce qu'envisage Dante, mais elle ne veut pas se retrouver nez à nez avec les molosses du Comte. Comme pour répondre à sa question, il se tourne alors vers elle.

- C'est le moment, lui dit-il.

- Que comptes-tu faire exactement ?

- Une fois métamorphosé, nous pourrons entrer sur le domaine sans être remarqués.

- Je l'espère... laisse échapper la jeune femme soudain soucieuse.

- Tout se passera bien, la rassure Dante.

Le regard perplexe qu'elle pose sur lui le ferait presque douter à son tour. Mais il reste persuader que son plan marchera comme il l'espère. La jeune femme tourne les yeux pour les fixer sur la fiole qu'il tient dans la main.

- Ne crains rien, tu n'auras pas à l'avaler cette fois.

- Comment est-ce que cela fonctionne ? demande-t-elle à nouveau.

- Une seule goutte suffit. Le sort est assez puissant pour cela. Le moindre contact avec la substance rend le sortilège opérant. Alors, pas de gestes brusques.

- Compris. Et en quoi allons-nous nous transformer ? En souris ?

- Je ne saurais te dire. C'est aléatoire. Cela dépend des personnes. Mais en quelque chose d'assez petit et discret pour qu'on puisse infiltrer le manoir du Comte sans être remarqué.

- Combien de temps est-ce que cela fonctionnera ?

- Aussi longtemps que nous en aurons besoin.

- Ça ne répond pas vraiment à ma question, lui fait remarquer Anya.

- Si tu es prise d'un frisson, ce sera signe que la magie ne tardera pas à cesser son effet. La durée est variable, mais généralement cela dure une heure, peut-être deux.

- Espérons que nous aurons le temps d'en découvrir d'avantage.

- Oui.

Le magicien ôte le bouchon de verre de la petite fiole. D'un mouvement de la main, il dessine une spirale. Bientôt, le liquide brillant devient un filament bleu qui s'entortille et sort seul de son contenant à l'image d'un serpent. Un tour de magie qui émerveille Anya comme une petite fille.

Une goutte se sépare bientôt du reste, pour s'élever en solitaire entre les deux jeunes gens. Le liquide bleuté retourne au fond de la fiole comme si de rien n'était. Concentré, Dante fronce les sourcils, les doigts tendus devant lui. Anya, elle, n'ose pas bouger d'un cheveu et retient presque sa respiration. Puis, la goutte en lévitation s'avance vers elle pour se poser sur son front.

Aussitôt, un nuage de fumée mauve la fait disparaître pour ne laisser à sa place qu'un adorable chat. Son pelage clair parsemé de brun est comme un duvet épais qu'on a envie de toucher. Ses grands yeux couleur caramel à la pupille dilaté ne peuvent que faire fondre. Dante esquisse un sourire bien malgré lui.

 

Un peu étourdi, le petit animal lui lance un miaulement qui se veut certainement être une question. Mais au son produit, son regard s'écarquille. Il jette un œil à ses pattes, se tourne pour voir sa queue et son poil épais, avant de reporter son attention sur le sorcier.

- Te voilà devenu un joli petit chat, lui dit-il presque amusé.

Il récolte un miaulement sec en retour qui le fait sourire d'autant plus.

- À mon tour, je sais.

Il renouvelle alors l'opération et range la fiole dans son manteau avant que la goutte ne vienne se poser sur son front. Un nuage de poussières bleues se forme autour de lui, l'engloutit, avant de disparaître pour ne laisser qu'un félin derrière lui. Pas vraiment un chat, pour qui sait y regarder. Trop grand, trop tacheté. C'est un petit fauve au corps long, et aux oreilles rondes dont le revers noir est habillé en son centre d'une tache blanche. Son nez rose tranche avec sa courte fourrure dorée parcourue de larges ocelles bruns. Sa longue queue est striée, et sur chaque joue et sur son front courent deux larges rayures sombres.

Le chaton lui adresse un regard curieux. L'ocelot, de son côté, affiche un air plein de fierté. Il invite le petit félin à le suivre et tous deux se glissent à travers les barreaux du portail. Le jardin est désert et ils trottent jusqu'au manoir sans rencontrer quiconque. Une chance que les chiens ne soient pas là pour les remarquer. Sans doute font ils leur ronde de garde de l'autre côté du domaine.

La porte d'entrée fermée, ils sont forcés de faire le tour de la bâtisse pour trouver un autre accès. Et en approchant des cuisines, ils trouvent une fenêtre entrouverte. Une forte odeur de cuisson s'en échappe, mais ça n'arrête pas les deux félins qui s'engouffrent alors dans le bâtiment.

Les domestiques du Comte sont trop affairés à leur tâche pour les remarquer. D'autant que leur taille leur permet de se faufiler en douce, comme le ferait n'importe quel chat. Ils gagnent rapidement le couloir, et accèdent ainsi au reste du manoir. Ne leur reste plus qu'à surprendre une conversation compromettant ou à trouver un indice décisif.


© Lynn RÉNIER
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