La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 57 : Derrière les Barreaux

Lynn Rénier

Anya & le Magicien - Tome 1 : La Prophétie du Lion Sorcier

Les mercenaires l'ont enfermé dans la petite cellule souterraine. Sans ménagement, ils l'y ont jeté, en attendant que leur maître ait décidé de ce qu'ils feront de lui. Et le jeune homme ne préfère pas savoir quel sort on lui réserve. Si c'est bien le sorcier qui est derrière tout ça, il craint le pire. Le voilà bien ennuyé… Comment se sortir de cette mauvaise passe ?

Il a vite compris qu'il ne serait pas livré à la Brigade du Lynx comme il le supposait, surtout lorsqu'ils l'ont entraîné dans le tunnel. Les hommes qui l'ont capturé travaillent pour Charles de Olstin, ou pour le sorcier. De ça, il en est persuadé. Mais pour quelle raison est-il toujours en vie ? Le sorcier aurait-il besoin de lui dans son plan machiavélique ? S'il est une gêne, il aurait dû être éliminé…

Quelque part, il est soulagé que ce ne soit pas le cas, et qu'il soit toujours en vie. Mais d'avoir été si proche de découvrir l'identité du prisonnier qui a séjourné là avant lui le met dans un réel état de frustration. Il s'en veut d'avoir été si téméraire, de ne pas avoir fait attention qu'un piège leur était tendu. Lui et Anya sont tombés dedans comme des novices. Et comment a-t-il osé entraîner la jeune femme avec lui dans tout ça ?...

Recroquevillé dans un coin de la geôle, il glisse ses doigts dans ses cheveux longs, se maudissant de l'avoir mise en danger ainsi. Il espère que la jeune femme a pu échapper aux mercenaires, qu'elle a pu s'enfuir et trouver refuge. Est-ce que Laïn lui est venue en aide ? Il prierait pour que ce soit le cas. Avec la Veilleuse, Anya ne risquerait plus rien. Si seulement il n'était pas enfermé là, piégé comme un rat, il courrerait vérifier.

Si on lui en avait laissé la possibilité, il aurait pris forme féline pour s'enfuir avec elle et échapper aux mercenaires. Mais après l'avoir changée en chat, il n'a pas pu en faire de même pour lui. Les soldats l'ont vite arrêté dans son geste. Ils l'ont plaqué au sol, et ne se sont pas retenus de le molester par la même occasion. Sa pommette douloureuse et sa lèvre fendue en savent quelque chose, de même que ses côtés qui le font grincer des dents à chaque mouvement trop brusque…

Bien qu'étourdi, le sifflement félin du chat lui est parvenu. Anya n'était pas décidé à fuir sans lui et elle s'est attaquée aux mercenaires en espérant pouvoir le libérer. Les griffes ont fait leur office, certes. Pourtant, tout chat déchaîné qu'elle fut, ça n'a pas été suffisant. Après un coup de botte qui a presque assommé le petit félin, les soldats ont rapidement pris le contrôle de la situation et sont venus à bout du greffier.

Il les a vu s'en prendre à Anya, sans qu'il ne puisse rien faire pour les en empêcher. Ils le coinçaient, l'empêchant de leur échapper. Alors, ne supportant l'idée qu'ils puissent faire du mal à la jeune femme, il a libéré l'énergie qui restait en lui. Sous l'onde de choc, les hommes sont restés interdits. Et Anya a disparu dans la nuit.

Il ignore comment il est parvenu à la téléporter loin du Domaine de Richwel. Il n'avait encore jamais usé de pareil sort. Sur l'instant, ça a été purement instinctif. Pour la protéger, il la voulait loin de tout cela. Et sans doute a-t-il bien fait. Sans ça, qui sait ce qui aurait pu lui arriver… Son inquiétude tient au fait qu'il ne sait pas où elle a atterri, si elle va bien et si elle a pu trouver du secours.

Il a bien perçu le chant d'un loup. Mais ne l'a-t-il pas rêvé? Laïn a-t-elle pu recueillir Anya ? Il doit bien avouer qu'il est tenu par la peur. Peur pour Anya, peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. Et peur aussi de ce qui va lui arriver désormais, là dans cette cellule, à la merci de son geôlier et son complice…

 

Il se recroqueville sur lui-même, son visage plongé dans ses bras serrés autour de ses genoux. Ses cheveux longs glissent sur ses épaules, le camouflant un peu plus. Il disparaitrait presque dans la pénombre de la geôle. Ah, si c'était aussi simple…

L'appréhension le guète et il ne veut pas y penser. Il tente de faire le vide. Sans y parvenir. Trop de choses se bousculent dans sa tête. Il réfléchit trop, il le sait. Mais en cet instant, comment faire autrement ? Il sait qu'il était si proche de découvrir le fin mot de l'histoire. S'il ne s'était pas laissé berner comme un débutant, le prisonnier de Charles aurait sans doute pu retrouver sa liberté.

"Avec des 'si', on pourrait refaire le monde", murmure soudain une voix qui résonne dans sa tête.

Le jeune homme se redresse comme un ressort, surpris.

Il jette des regards autour de lui mais ne voit rien. Personne n'est là. Alors a qui est cette voix éthérée ? Il pense l'avoir rêvée, qu'elle n'est que le simple fruit de son imagination, mais elle reprend :

"Te culpabiliser ne t'avancera à rien, jeune homme. Gardes la force de tes convictions et laisse ton instinct te guider. La réponse t'apparaîtra comme une évidence".

Dante aurait pu rire, si pessimiste qu'il est à cet instant. Mais il se retient. Il veut avant tout savoir quel est ce sortilège étrange.

C'est alors qu'une forme apparaît. Il pense d'abord à un fantôme. Et cela pourrait presque en être un. Mais très vite, la forme prend plus de consistance et ses traits s'affinent pour dévoiler un être félin.

- Hiamovi, siffle le jeune homme, interdit.

S'il n'était pas déjà assis, il en serait presque tombé à la renverse.

"Perspicace", le complimente le Dieu Lion.

- Alors ce ne sont pas que des histoires ? Les divinités protectrices existent bel et bien ?

"En aurais-tu douté ?"

- Un peu, avoue-t-il. Pourtant Laïn…

"Les Veilleurs ne savent mentir, le coupe calmement l'homme lion. S'ils ne disent la vérité, ce n'est que par omission".

Dante observe l'apparition. Le Dieu est comme il l'a toujours imaginé, sans y croire vraiment.

Il se tient comme un homme, son corps musclé est celui d'un guerrier. Mais il n'a d'humain que la silhouette. Pour le reste, il est félin. Son visage est celui du fauve, avec cette épaisse crinière et ces yeux jaunes. Ses mains, très semblables à celles d'un homme, sont des pattes munies de doigts griffus. Sa peau est un pelage doré et ras, et dans son dos se balance une queue terminée d'un pinceau de poils bruns.

Le magicien n'en croit pas ses yeux. Jamais le Dieu Félin ne s'était montré aux humains jusqu'à présent.

- Noble Lion… Que me vaut l'honneur de votre présence ? ose-t-il à peine demander.

"Les Hauts-Mages t'ont envoyé ici pour démasquer celui qui cherche à voler la magie. S'il y parvient, elle disparaîtra, et nous autres divinités protectrices avec elle. Cela ne doit pas arriver."

- Je sais, Grand Lion. Ta Veilleuse m'en a informé. Mais me voilà coincé. Comment arrêter le sorcier avant qu'il ne commette l'irréparable ?

"Aie confiance. Tu n'es pas seul : tu as des amis fidèles."

- Anya. Est-elle sauve ?

Un sourire étire les moustaches de l'homme lion. Dante prend cela pour une affirmation.

- Mais elle ignore que je suis ici. Sans doute croit-elle que j'ai été livré à la Brigade du Lynx.

Un nouveau rictus vient éclairer le visage félin du Dieu.

"Ne sous-estime pas votre alliée."

- Parlez-vous toujours par énigmes ?

Un rire échappe à l'homme-lion. Il est clair, sincère. Le magicien s'en trouve curieusement apaisé.

"Si je livre toutes les réponses, tu n'auras aucun mérite", lui répond Hiamovi.

Dante se renfrogne un peu.

"Tu es allé chercher l'aide de la Veilleuse, fies-toi donc à elle. Elle est votre meilleure alliée. Elle saura te retrouver pour guider ton amie jusqu'à toi." reprend le Dieu.

Et sur ces paroles, il s'évapore, laissant le magicien seul à nouveau.


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© Lynn RÉNIER
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