La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 75 : Duel de Magie

Lynn Rénier

Anya & le Magicien - Tome 1 : La Prophétie du Lion Sorcier

À l'abri des décombres, Anya observe la scène, l'angoisse cramponnée au ventre. La magie dégagée par les deux adversaires se ressent dans l'air, lourde, chargée, électrique. Même elle, qui n'est pas magicienne, la perçoit nettement. La jeune femme regrette de ne pouvoir prêter main forte à son ami. Si seulement elle avait un quelconque don… Peut-être qu'à deux ils pourraient vaincre la sorcière plus aisément. Si seulement…

Un lion de pierre éclate, frappé d'un sort lancé par Mélissa. Le bruit fait sursauter Anya et elle se surprend à prier le Dieu Félin de leur venir en aide. Elle qui n'est guère croyante, la voilà qui prie une divinité des temps anciens. En d'autres circonstances, elle en aurait certainement ri.

- Hiamovi, je t'en supplie, fais que Dante l'emporte… Il le faut…

Une agréable chaleur l'enveloppe comme un châle. Si elle ne s'était pas assurée qu'elle soit bien seule, elle croirait qu'il y a quelqu'un avec elle.

- Évy, tu me manques, souffle-t-elle à cette présence. Tu nous serais d'une grande aide en cet instant. Dante n'a pas la force d'un Veilleur…

"Ne doute pas de lui" lui répond une voix éthérée.

Surprise, elle se retourne. Personne.

- Je deviens folle… Mon esprit me joue des tours…

Convaincue d'avoir halluciné, elle reporte son attention sur le duel qui oppose Dante à Mélissa.

 

Les sorts fusent, violents, puissants et destructeurs. Autour des deux adversaires, la terre et la pierre portent les marques des sorts. Au sol, des cercles brûlés et fumants. Sur les lions, des impacts çà et là, aussi gros que le poing.

Dante tient tête à la sorcière mieux qu'il ne l'aurai cru. Le village des Veilleurs est devenu l'arène dans laquelle tous deux s'affrontent. L'Arbre de Vie pour enjeu. Ce dernier, à l'abri des gardiens silencieux que sont les lions sculptés, est miraculeusement épargné. Mais ce jeu a trop duré. L'un des deux adversaires devra déclarer forfait ou y laisser la vie.

Mélissa, trop fière, ne cèdera pas. Et la promesse que Dante a faite à Anya le motive plus que jamais à l'emporter. Sa magie s'en trouve renforcée et il se sent plus sûr de lui. Bien qu'il ne parvienne à toucher sa cible, ses sorts se rapprochent dangereusement de la Baronne. Il finira par viser juste.

Sa défense tient bon. Les assauts répétés de la sorcière sont stoppés par la barrière qu'il a érigée. Tant qu'elle reste debout, il est à l'abri. Il sait combien les sorts de Mélissa sont puissants. Son expérience quelques instants plus tôt lui a été suffisante. Cette sensation de manquer d'air est trop désagréable pour qu'il souhaite réitérer. Ce n'est pas faute que la Baronne veuille le lui faire subir à nouveau au vu de l'ardeur de ses attaques.

Une boule de feu le manque de peu et il réplique aussitôt. Fini les mots et les formules. Il a besoin d'être rapide et efficace. Sa pensée suffit à canaliser sa magie pour la transformer. S'il n'avait pas appris cette pratique, pourtant si simple, auprès de la Veilleuse, il aurait des difficultés à attaquer en représailles à présent. Ça lui prendrait trop de temps de formuler ses sorts. Les penser rend son don plus intuitif, incisif aussi. Et curieusement plus puissant.

Imaginer ses sorts lui confère une réactivité qu'il ne pensait pas faisable. Lui qui a toujours écouter les enseignements des Hauts-Mages, usait des formules pour faire usage de la magie. Mais d'avoir croiser la route de la gardienne du bois lui a fait prendre conscience que son don pouvait être utilisé d'une autre façon. Les mots sont inutiles quand la pensée seule suffit pour concrétiser une idée, lui avait dit la Veilleuse. Et en cet instant, il doit admettre qu'elle avait raison.

Pourquoi n'y a-t-il pas songé plus tôt ?! C'est pourtant d'une évidence monstre. La pensée est bien plus rapide que la parole. Et il se rend compte que jamais la sorcière n'a prononcé la moindre formule pour jeter ses sorts contre lui. Elle ne fait que pointer ses doigts dans sa direction, sa pensée faisant le reste.

Soudain, son bouclier se fissure. La force de la magie de Mélissa vient à bout de ses défenses, et s'il ne réagit pas au plus vite, les sorts le frapperont bientôt. Ses pensées toutes concentrées sur la sorcière, ses coups sont plus précis et frappent les barrières qui la protègent. Ces cercles ronds qu'elle a érigés devant elle sont semblables à des pièces d'armure. Dante peine à tenter de les briser. Car s'il veut toucher Mélissa, il lui faut passer à travers ses défenses.

Tandis que ses propres défenses faiblissent et se craquellent, il concentre toutes ses attaques sur un seul point. Le point de rupture est difficile à atteindre, mais à force de persévérance, il y parvient. Les cercles implosent et rapidement, il ne manque pas de saisir l'occasion qui se présente. Il ne fait qu'y penser. Sa magie obéit aussitôt.

L'éclair du jeune mage vient frapper la Baronne de plein fouet. Sous le choc, elle tombe à la renverse dans les bocaux derrière elle. Surpris que son sort l'ait touchée, Dante l'observe une seconde. Il aurait pu frapper de nouveau. Cependant, il n'en fait rien. Un détail attire son attention. À son arrivée devant l'Arbre de Vie, il n'avait pas remarqué le chaudron posé près d'un lion assis. Il s'aperçoit alors que la sorcière n'a pas terminé sa potion. La plupart des bocaux sont vides et le chaudron fume encore sur le petit foyer improvisé. Il l'a interrompue dans sa préparation. Elle ne peut donc lancer son sort. Une chance !

Il s'apprête à lancer sa magie une nouvelle fois tandis que la sorcière se relève. Il est stoppé net dans son sort lorsqu'il la voit récupérer un morceau de verre cassé.

- Soit maudit ! lui hurle Mélissa.

Il ne percute pas immédiatement que ce juron ne lui ai pas adressé parce qu'il a réussi son coup, mais à cause de l'effet qui en résulte : un liquide rougeâtre se répand sur le sol. Une fiole s'est brisée dans la chute de la Baronne et son contenu se déverse dans l'herbe, perdu.

- Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il pour lui-même. Du sang ?

Folle de rage, la femme tourne vers lui un regard meurtrier. Elle tend soudain ses doigts dans sa direction et le voilà brusquement incapable de faire le moindre mouvement.

Figé, il ne peut que suivre la sorcière des yeux, inquiet de ce qu'elle pourrait lui faire maintenant qu'elle le tient à sa merci. Dante cherche à lutter, tentant de se défaire du sort d'immobilisation dont elle l'a fait prisonnier. Il n'y parvient pas. La magie de la Baronne surpasse la sienne. Il s'y attendait…

 

Mélissa avance à sa rencontre, le regard fou. Sa main tendue vers lui se baisse et il est forcé de tomber à genoux. Doucement, il la voit serrer le poing. Aussitôt, le voilà le souffle coupé. Le jeune homme ne parvient plus à reprendre sa respiration. Comme si ses narines s'étaient bouchées, ou que l'air venait à manquer. Ses poumons s'enflamment. C'est douloureux. Sa vue se trouble et il sait qu'il perdra bientôt connaissance.

- En l'absence de sang de Veilleur, impossible pour moi de terminer ma potion et de lancer mon sortilège ! rugit la sorcière. Je vais te réduire en poussière pour ça, petit mage !

Dante se voit déjà mort asphyxié, l'ombre malfaisante de Mélissa planant sur lui. Cette dernière sert d'avantage le poing et le manque d'oxygène vient à bout du magicien. Il perd connaissance et s'effondre.

- Dante… siffle Anya depuis sa cachette.

La sorcière ne l'entend pas, la distance couvre la voix de la jeune femme. Pourtant, ça ne l'empêche pas d'entendre jurer la Baronne lorsque celle-ci récupère les morceaux de la fiole brisée.

- Tant d'années passées à récolter ce sang de Veilleurs, pour rien ! Tu vas me le payer, petit mage ! Tu vas me le payer…

- Du sang de Veilleur... Quelle horreur… murmure Anya pour elle-même.

C'est alors qu'une étrange lueur passe dans les yeux de Mélissa. Un sourire malin se dessine sur ses lèvres et elle se penche au-dessus de Dante, triomphante :

- Je n'ai peut-être plus de sang de Veilleur pour ma potion, mais tu es un peu né de la magie toi aussi, après tout. Je n'ai plus rien à perdre à essayer.

Elle saisit le jeune homme pour le trainer vers le chaudron.

- Qu'est-ce qu'elle fait ? s'inquiète la jeune femme dissimulée dans les ruines.

La sorcière laisse le corps du magicien pour fouiller dans ses fioles. Elle en sort une lame courbe semblable à une serpe. Attrapant les cheveux longs de Dante, elle lui relève la tête au-dessus de son chaudron et glisse l'arme sous sa gorge. Inconscient, le jeune homme est sans défense.

- Je vais te saigner, petit mage, susurre Mélissa à son oreille. Et nous verrons bien ce que vaut ton sang…

Le sourire machiavélique qui s'affiche sur ses lèvres et cette étincelle folle dans son regard, Anya ne peut les voir. La sorcière lui tourne le dos. Elle n'en a pas besoin pour voir clairement son geste et ce qu'elle s'apprête à faire. Elle ne peut pas la laisser égorger Dante. Malheureusement, dépourvue de magie, la jeune femme ne lui tiendra pas tête longtemps. Et ses jambes refusent de bouger, tétanisées par la peur. Alors, c'est sa voix qui résonne plus fort qu'elle ne l'aurait voulu.

- NON ! s'écrie-t-elle depuis sa planque.

Accompagnant son cri, le ciel se couvre et le tonnerre gronde. Aussitôt, elle plaque ses mains sur ses lèvres, consciente qu'elle vient de dévoiler sa présence à la sorcière.

Cette dernière tourne son regard vers les ruines sans l'apercevoir. Consciente que quelqu'un d'autre est là, elle délaisse le jeune homme pour scruter les alentours d'un regard de rapace.

- J'en avais presque oublié que tu n'étais pas venu seul, petit mage… Eh bien, jeune fille, où te caches-tu ? lance-t-elle.

Anya garde le silence. Si elle dévoile de nouveau sa présence, Mélissa la débusquera à coup sûr. Et ça en sera fini, de tout. Les mains sur ses lèvres, elle cherche à retenir sa respiration qui s'est brusquement accélérée. Elle a brusquement le sentiment stupide d'être aussi bruyante qu'un troupeau de bœufs.

- Il vaut mieux pour toi que tu sortes de ta cachette avant que ce ne soit moi qui te trouve, prévient la sorcière.

- Qui est le chat cette fois ? siffle la jeune femme, tout bas.

Un regard vers le cercle de lions lui apprend que Mélissa a abandonné sa préparation pour la débusquer, s'aventurant entre les ruines à sa recherche.

- C'est le moment où jamais, se dit-elle.

Doucement, Anya sort de l'abri des ruines et cherche à s'avancer vers le cercle de lions. Savoir se métamorphoser en chat l'aurait aidé, songe-t-elle.

Le vent s'est brusquement levé, chaque bourrasque plus forte que la précédente. Les cheveux longs de Dante dansent autour de lui, mais le jeune homme ne reprend pas conscience. Arrivée à sa hauteur sans que la sorcière ne l'ait remarquée, Anya tente de le réveiller, en vain. La peur et la panique s'insinuent en elle comme des serpents.

Soudain, le sentiment d'être observée la gagne. Et quand elle lève les yeux, c'est pour croiser ceux, gris, de Mélissa qui la surplombe.

- Te voilà enfin, petite souris. Où te cachais-tu ?

Anya retient un hoquet de stupeur. Très vite, sa colère prend le pas sur sa peur et elle foudroie la sorcière du regard.

- Je ne vous laisserais pas lui faire de mal, crache-t-elle.

Se plaçant devant son ami, elle signifie ainsi qu'elle tient à le protéger.

- Crois-tu vraiment pouvoir me faire face ? se moque la sorcière en faisant tourner sa lame courbe dans sa main.

- Ma meilleure amie est une Veilleuse, à votre place je n'oserais rien contre moi.

Un rire hystérique échappe à la Baronne. Anya en a des frissons.

- Ne sais-tu pas que les Veilleurs ne sont plus depuis des lunes ? Je les ai tous vaincus.

- Massacrés serait plus exacte, la coupe la jeune femme. Et non, vous ne les avez pas tous vaincus. Évelyn a survécu et c'est à elle que vous devez votre échec aujourd'hui. Elle a tout fait pour vous contrer !

Le regard qu'elle pose sur la sorcière est sévère, et lancerait presque des éclairs s'il le pouvait. En réponse, celui de Mélissa lui rend le défi.

- Où est-elle dans ce cas ? Je ne la vois nulle part.

Le ton est tranchant. Anya y perçoit le doute. De fait, un petit sourire espiègle lui étire les lèvres :

- Elle est là et ne l'est pas, tout à la fois. Elle est partout et nulle part en même temps. Elle est le bois, comme tous les Veilleurs avec elle. Et je puis vous assurer que le Dieu Félin ne vous laissera jamais sortir de son territoire maintenant que vous y êtes revenus.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Les Dieux sont morts avec les derniers Veilleurs. Hiamovi ne peut rien contre moi. Et ton amie n'existe plus. Je m'en suis assurée. D'ailleurs, si tu tiens à la rejoindre, je peux arranger cela pour toi. Ce sera seulement un peu… douloureux.

Le rictus démoniaque de Mélissa fait trembler la jeune femme. Elle ne se démonte pas pour autant. Et son regard reste planté dans le sien, plein de défi et de haine.

- Ce regard de chat en colère ne te sauvera pas, prévient la sorcière. Je vais te tuer à petit feu comme je l'ai fait avec le peuple de ton amie. Ensuite, je m'occuperais du petit mage et achèverai mon sortilège sans que plus personne ne vienne m'interrompre !

C'en est trop pour Anya. La haine devient son seul moteur et un cri de rage lui échappe. Le vent se fait brusquement plus puissant, bruyant. Autour de la jeune femme, il s'enroule en spirale. Une tornade se forme bientôt, épaisse, et s'étire vers le ciel chargé de nuages sombres.

- Je vous méprise, hurle-t-elle à Mélissa. Vous êtes un monstre ! Vous ne respectez même pas les forces qui vous ont créé ! Vous êtes abjecte !

Les poings serrés, elle projette sa colère sur la sorcière et l'orage éclate.

- Comment est-ce possible ? Tu n'es p…

La foudre la coupe, frappant à ses pieds sans la toucher. La Baronne recule d'un pas.

- Est-ce ce maudit petit mage qui œuvre pour me duper ?

Dante demeure pourtant inconscient derrière Anya. Alors, Mélissa éclate de rire.

- Eh bien, les choses deviennent nettement plus intéressantes, dit-elle. Voilà une magicienne qui s'ignore !

Anya ne peut le voir mais ses yeux ont perdu leur douce couleur caramel pour arborer un violet intense et brillant. Le regard de la sorcière devient plus perçant :

- Je vais bien m'amuser.

Aussitôt, elle lance ses flammes vertes vers la jeune femme. La colonne d'air la protège, tenant bon. Les impacts, secs, se succèdent et les boules de feu lancées par Mélissa éclatent en étincelles.

Anya prend subitement conscience que c'est elle qui œuvre sur les éléments. Dante n'y est pour rien, toujours sans connaissance. Elle ignore comment se servir de ce pouvoir et scrute la tornade en espérant qu'elle ne faiblisse pas. Le jeune magicien lui serait bien d'un grand secours en cet instant.

Chaque attaque déclenche chez elle un réflexe de défense. Elle ne peut s'empêcher de mettre ses bras devant son visage à l'approche d'une boule de feu. Elle aimerait pouvoir rendre coup pour coup, mais ignore seulement comment. La colonne d'air s'est créée sans qu'elle ne sache de quelle façon. Elle voit bien que la tornade cède un peu plus à chaque impact, à l'image de sa rage face à sa peur.

Il lui faut réagir avant d'être en proie aux flammes de Mélissa. Et un regard sur Dante suffit à la convaincre. Sa colère reprend le dessus sur sa frayeur. Elle braque un regard haineux sur la sorcière et la spirale d'air se fait plus vive.

- Laissez-nous tranquille ! lui crie-t-elle.

Le vent se lève, puissant. Et les rafales se font extrêmement violentes. Jusqu'à ce qu'une bourrasque envoie Mélissa au loin. Anya est subitement prise de vertiges et ses jambes tremblent sous son poids. Elle se cramponne au lion à ses côtés pour ne pas tomber.

- Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiète-t-elle.

- Tu as épuisé ton énergie…

La voix près d'elle la fait sursauter. Elle ne s'attendait pas à avoir de réponse. Un soupir de soulagement lui échappe quand elle se rend compte que le jeune mage a retrouvé ses esprits. Une quinte de toux le prend alors qu'il se redresse.

- Dante, imbécile, tu m'as fait peur !

- Ce n'était pas mon intention.

Il lui adresse un sourire, passant une main dans ses cheveux longs pour les ordonner. Elle lui saute au cou, rassurée.

- J'ai eu peur qu'elle…

- Elle aurait pu, coupe-t-il. J'ai cru un instant, moi aussi, qu'elle allait me tuer…

Anya se serre contre lui et Dante l'entoure de ses bras, caressant ses cheveux clairs.

- Plus de peur que de mal, la rassure-t-il.

- La sorcière est toujours là.

- Peut-être, mais tu t'es bien défendue. C'est assez inattendu que ta magie se soit révélée maintenant. Quoi qu'il en soit, elle est bienvenue.

- Alors c'est bien moi qui ai fait ça ?

- Qui d'autre ? la taquine le magicien. J'étais hors-jeu.

Anya ne sait plus que dire. Ce petit rêve de pouvoir toucher à la magie n'était qu'un désir farfelu. Elle n'aurait jamais imaginé qu'il deviendrait réalité. Ses pommettes s'empourprent et elle baisse le regard, déstabilisée. Au fond d'elle, pourtant, une petite fille sautille d'enthousiasme.

Malgré ce, ils n'ont pas le temps de se réjouir. Déjà Mélissa s'est relevée et elle revient à la charge, folle de rage. Dante a tout juste le temps de se mettre devant la jeune femme pour parer les attaques, un cercle de runes protégeant son bras et son épaule comme un bouclier.

- Il faut trouver une faille, dit-il. Ma magie s'épuise rapidement et j'ai le désagréable sentiment que ce n'est pas son cas…

- Comment puis-je t'aider ?

- Je veux savoir où je l'ai interrompu dans la préparation de la potion. Essaies de savoir ce dont elle ne s'est pas encore servie.

- Ça risque d'aller vite. Les bocaux sont vides. Mis à part la fiole qui s'est brisée.

- Ce qui signifie qu'il ne lui manque que du sang de Veilleur. Une chance que notre amie ne soit pas là.

- Dante, j'ai peur que ça ne l'arrête pas pour autant.

Il se détourne un instant, protégé par son sort, pour lui adresser un regard étonné.

- Que veux-tu dire ?

- Pendant que tu étais inconscient, elle a émis l'hypothèse que le sang d'un magicien pourrait convenir et qu'après tout, elle n'a rien à perdre à essayer…

Le jeune homme ne retient pas un juron.

- Elle veut notre peau…

- Je le crains, oui.

- Il ne manquait plus que ça… La voilà plus déterminée à nous vaincre. C'est bien plus qu'un jeu désormais. Elle ne joue plus avec nous, elle a un intérêt à nous tuer.

- Voilà qui est encourageant, grommelle Anya.

- Peut-être qu'en alliant ta magie à la mienne…

- Dois-je te rappeler que je ne sais pas m'en servir.

- Si ce que tu as été capable de faire tout à l'heure était dû à l'instinct, je dois te dire que je suis impressionné. Et ça signifie aussi que tu peux en user simplement en y pensant.

- Es-tu vraiment sérieux ?

- N'as-tu pas remarqué que je ne prends plus le temps de formuler mes sorts ?

- Effectivement, maintenant que tu le dis…

- Notre amie Veilleuse m'a appris que la magie est instinctive et que la pensée peut être bien plus puissante que les mots. Elle savait de quoi elle parlait.

- Alors, il me suffit de l'imaginer ?

- Ça ne coûte rien d'essayer.

Dubitative, Anya l'observe un instant, comme si une réponse pouvait se lire dans les yeux de Dante. En vérité, elle a besoin d'avoir confiance. Ses toutes nouvelles capacités la déconcertent complètement.

Certes, de pouvoir prétendre au titre de magicienne est exaltant. Mais de ne pas savoir maitriser et user de ses dons l'inquiète. Elle aurait voulu avoir du temps pour apprendre. Tout est si précipité…

 

Mélissa ne lui laisse pas le loisir de réfléchir d'avantage. La situation n'est pas encline à prendre le temps de se faire à ses nouveaux dons. Il faut agir, avant de ne plus pouvoir le faire. D'un geste, la sorcière a récupéré son couteau à la lame courbe. Et ses sorts se concentrent sur Dante, pour briser son bouclier. Il finira par se fissurer, les deux jeunes gens le savent.

Alors, Anya suit les conseils de son compagnon et fait appel à ses dons. Son esprit canalise sa magie et le sort fuse. L'éclair tombe près de la Baronne sans la toucher.

- Le prochain sera le bon, l'encourage Dante.

La jeune femme se concentre à nouveau. Mais avant que le sortilège soit lancé, le bouclier de son ami se brise sous la pression. La lance de feu de la sorcière vient frapper l'épaule du magicien. Un cri étouffé lui échappe tandis qu'une flamme verte s'éteint sous ses doigts.

- Dante ! s'alarme Anya en s'efforçant de les protéger tous les deux d'une bulle de verre.

- Ça va, la rassura-t-il. Ça va.

Sa main se serre sur la blessure et ses mâchoires se crispent.

- Tu es sûr ?

- Oui. Je commence à en avoir assez de subir ses sorts…

Il jette un regard pour voir Mélissa à quelques pas à peine d'eux. Ses attaques font vibrer la couverture de verre qui les abrite. Un son de brisure résonne et une longue fissure se dessine.

- Comment fait-elle pour que ses sorts soient si puissants ?! peste le jeune homme.

Anya gémit, son visage se crispe sous la concentration.

-Je ne tiendrais plus très longtemps…

- Je sais, Cat.

Sans attendre, il pose une main sur son épaule et la jeune femme sent ses capacités décuplées.

- Comment… ?

- Une vieille astuce que j'ai lue dans un grimoire oublié, sourit-il. Nous cumulons notre magie. Seulement, j'ai peur que nous ne tenions pas longtemps non plus tous les deux face à elle. Elle a emmagasiné tellement de magie qu'elle est incroyablement puissante. Je ne sais pas comment la vaincre…

- Évy… murmure Anya. Où es-tu ? Nous avons besoin de toi…

Ses yeux se remplissent de larmes et elle tente de retenir ses sanglots.

Cette vision enrage Dante. Sa magie s'en trouve accrue. Cependant, il sait qu'elle s'épuise d'autant plus vite. S'il veut battre Mélissa à son propre jeu, il doit contenir ses émotions. Auquel cas, elles le perdront. Inspirant à plein poumon, il tente de retrouver un semblant de calme intérieur. C'est alors qu'une voix, sortie d'un autre âge, résonne autour d'eux.


© Lynn RÉNIER
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