Apocalypse Teenagers (4)

Neve Rosée

La rousse continue de tirer dans la foule, mais beaucoup de zombies se rapprochent de l'homme coincé en bas. Non, ça ne fonctionnera jamais. La rousse me mitraillait de regards paniqués toutes les deux secondes, je n'arrivais pas à me concentrer…

Tant pis, je tente le tout pour le tout. Malgré les rôdeurs qui tournent autour de l'homme et lui qui n'arrête pas de bouger, j'essaie de passer le câble autour de sa taille en serrant au maximum.

Le câble était rattaché à un camion grue derrière le container. J'indiquai à la rousse de m'aider, elle tira le câble avec moi et à deux, de toutes nos forces, nous réussîmes à le soulever assez pour qu'il puisse monter sur le container. Malheureusement, le temps de le soulever, les zombies avait eu le temps de se  rapprocher de sorte à le toucher. La rousse soupira de soulagement quand l'homme fut complètement surélever. Mais ce n'était pas fini. Il ne se relevait pas. Sa jambe droite était inerte. Quand je vis la tâche s'élargir sur son pantalon, je crus halluciner.

Il avait été mordu et dans une heure maximum il serait devenu exactement comme eux. Un sauvage, un monstre, un tueur, un déchiqueteur.

A ce moment, je me sentais d'une inutilité extrême. Après tous les efforts que nous avions fait, il fallait que ça arrive…

La fille commença à pleurer.

« PAPA ! » cria-t-elle à plein poumons en sanglotant.

Il y a quelques semaines, j'aurais pleuré à chaudes larmes en voyant ça. Aujourd'hui, je sais qu'il faut que je me reprenne vite, même si je sais qu'une boule me sert la gorge et que je suis prête à me jeter dans leurs bras pour pleurer avec eux. La horde de monstres entourait le container en grognant et en se bousculant ; je sentais celui-ci vibrer sous mes pieds, et il fallait que je sorte cette famille d'ici.

Je les mène à l'échelle qui conduit à un toit, sûrement là où les zombies seront hors d'état de nuire. Mais encore une fois, le père pose problème.

La fille crie qu'elle ne veut pas le laisser et moi je ne sais plus quoi faire. J'ai l'impression que l'on revient toujours au même point : soit je le laisse et il meurt, soit je reste avec eux en essayant de trouver une autre issue, ou encore je reste et ne fais rien et on risque de se faire dévorer. Je peux abandonner l'idée de l'issue, il n'y en a pas d'autres. Je ne veux pas être dévoré, et je ne veux pas être égoïste. Et puis, encore plus inutile : essayer de le monter à l'échelle. Il doit faire le double de mon poids et je ne vois pas comment deux filles aussi maigres que nous arriverions à le soulever en montant une échelle. Surtout que la rousse est sur le point de s'écrouler. Je n'ai plus de balles dans mon pistolet et les autres ne sont pas en état de l'utiliser. Ma tête tourne, les sanglots de la jeune fille et de son papa me déchirent le cœur.  

Le container se balance de droite à gauche : il est sur le point de se renverser tellement les monstres poussent. C'est fou comment un mort vivant peut avoir de la force… Quand je tiens plus en équilibre et que plusieurs zombies tentent de m'attraper les chevilles, je ne réfléchis plus et pense à mon instinct de survie avant tout.

Je cours même si je manque de tomber plusieurs fois tellement le container est instable. J'attrape un barreau de l'échelle et grimpe le plus vite possible : enfin j'arrive au toit. Je suis essoufflée. Mon cœur s'arrête de battre un instant quand je vois ce qui reste de cette famille en bas : le container renversé, la fille et son père en boule au sol, les monstres s'approchant dangereusement d'eux. Je peux distinguer leur doigts qui s'entrecroisent sur le bitume tacheté de sang. J'aimerai crier à plein poumons mais aucun son ne sort de ma gorge.

D'énormes sanglots de douleurs soulèvent ma poitrine et secouent mon corps tout entier. Je pleure à n'en plus finir, regardant la petite famille se faire déchirer la peau. C'est ma faute. Dans tous les choix qu'il y avait à ma disposition, j'ai préféré être une égoïste et ôter la vie à deux personnes plutôt que de sauver la mienne.

Je n'entends plus les zombies gueuler en bas, je n'entends plus mes cris déchirant. Je sens juste mes larmes couler sur mes joues, mes genoux contre ma poitrine et le sol glacé. Je pleure doucement. J'ouvre mes yeux et malgré les larmes qui brouillent ma vue, je distingue des personnes en blouses blanches devant leurs ordinateurs, le garçon de tout à l'heure, où mon ex-binôme de science qui me tend la main et qui me dis que c'est terminé.

 Au début je me demande ce qui peut être terminé, à part la vie de ces personnes que j'ai tué ; puis je reprends mes esprits petit à petit. Alors oui, ça y est, ce cauchemar est enfin fini. Je me relève, essuie mes larmes et oublie tout ce qui vient de se passer.

 

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