Apparitions
Véronique Locart
Apparitions
Synopsis :
Sully est un homme connu et reconnu à la ville. Il l’est beaucoup moins à la campagne. Il a toujours hâte de se retrouver au milieu de ses familiers, dans le calme de sa propriété, à la périphérie de son village natal. C’est une de ces fins de journée, en pleine semaine, qu’il prend la route vers chez lui. Il est pourtant fatigué, tant pis. Plus vite il sera arrivé, plus vite il sera en mesure de se reposer. Il sait que Louise, sa gouvernante et Léon, son mari, l’attendent.
Sur la route, un phénomène étrange se produit. Il voit un magnifique tableau fantomatique néanmoins improbablement réel. Deux chevaux suivent une jeune femme blonde aux yeux bleus limpides, encerclés par des étincelles. Lorsqu’il s’arrête pour les laisser passer, les chevaux disparaissent les premiers. La jeune femme est à la traîne parce qu’elle plante son regard sur Sully.
Louise et Léon l’attendaient, comme il l’avait prévu. Il se couche directement sans prendre la peine de diner. En pleine nuit, il se réveille, gêné par une luminosité extraordinaire dans sa chambre. La même femme fantôme est plantée devant son lit. Elle semble vouloir l’attirer à elle. Sully résiste jusqu’à ce que le fantôme disparaisse.
Agacé par ce qu’il croit être un excès de fatigue, Sully en parle à Louise dès le lendemain matin. Elle le prend plutôt bien et lui conseille d’essayer de communiquer avec le fantôme. Le vendredi qui suit, Sully n’a pas revu le fantôme, mais il en a rêvé au point de ne pas dormir mieux qu’à la ville. Le même jour, à la demande de Sully, une fête s’organise afin de faire savoir à son entourage qu’il est revenu provisoirement chez lui, à la campagne. Mathilde, son amie d’enfance lui sert de cavalière et d’hôtesse. Marceaux, son ami d’enfance, lui vole sa cavalière quand il sait que Sully n’est plus intéressé par une relation avec Mathilde. Pendant cet instant de solitude au milieu de tous, Sully aperçoit une jeune femme blonde aux yeux bleus limpides, qui entre dans le hall. Elle ressemble étrangement au fantôme qui occupe ses nuits et ses rêves depuis son retour. Il demande l’identité de la jeune femme à ses deux amis qui dansent ensemble. Ils le renseignent. Sully va à la rencontre de la jeune femme et lui avoue connaitre son identité, et vice-versa. Tant de questions se bousculent dans la tête de Sully à propose de cette invitée.
Début :
Sully est fatigué. Sur la petite route sinueuse de campagne, il se concentre pour atteindre sa demeure. Soudain, Sully freine tout ce qu’il peut. Qu’est-ce que c’est que cela ? C’est si beau … si féérique … je deviens fou … je ne suis même pas sûr, que ce que je vois, existe vraiment.
Une belle femme blonde, très jeune semble-t-il, est suivie par deux chevaux blancs. Ils traversent la route, tous les trois, de façon lente et aérienne. Ils sont lumineux, tels des fantômes. La jeune femme s’arrête un bref instant, tourne la tête vers la voiture de Sully, le regarde de son regard bleu limpide, puis reprend sa démarche aérienne. Arrivés de l’autre côté de la route, les deux chevaux disparaissent. La jeune femme, à leur suite, hésite puis disparaît aussi.
Sully se secoue, passe ses doigts sur ses yeux pour tenter d’effacer les restes de fatigue et de vision. Il reprend la route. Il pense être devenu fou, il met cette vision sur le compte de la fatigue. Enfin, la maison ! Havre de paix, de calme et de tranquillité.
-Mon chéri ! J’ai eu peur qu’il ne te soit arrivé quelque chose de grave. Tu as tardé.
-Je suis fatigué. Je vais me coucher dès que je passe le seuil de la maison.
-Entrons. Léon rentrera ta voiture dans le garage. Je t’ai préparé ton lit avec des draps propres.
-Merci. Bonne nuit, Louise.
-Bonne nuit, mon chéri.
Au cours de la nuit, Sully se réveille en sursaut. Il est en présence du fantôme féminin rencontré un peu plus tôt dans la soirée. Elle semble vouloir l’attirer à elle, en lui tendant la main.
-Qui êtes-vous ? Pouvez-vous parler ?
La jeune femme ne répond pas. Elle le fixe intensément du regard. Ses yeux bleus limpides et translucides sont emplis de tristesse, de supplication. Ils semblent dire «viens». Sully ne bouge pas de son lit, tétanisé. Je suis fou, voilà. Demain, je consulte un psy. Le fantôme disparaît lentement. Sully est de nouveau seul dans la chambre. Il trouve difficilement le sommeil réparateur dont il a grand besoin.
Il fait un soleil magnifique. Sully est attablé sur la terrasse à l’arrière de sa maison pour prendre son petit-déjeuner. Louise s’approche de lui pour le resservir en café.
-Prend une tasse et assied-toi avec moi. J’ai à te parler.
-Entendu. J’arrive.
Louise se précipite dans la cuisine spacieuse pour se munir de sa tasse favorite. Elle s’assied à la table de la terrasse avec Sully. Il semble fatigué, à la limite de la déprime. Pourquoi un si bel homme est-il toujours célibataire, solitaire, déprimé ? Les femmes sont aveugles ? Pense Louise.
Elle se sert un café. Elle repose la cafetière.
-Je t’écoute. En voyant la tête que tu as, j’imagine que ce n’est pas facile à dire.
Sully inspire, lance un bref regard à Louise et plonge son regard au fond de sa tasse.
-Hier soir, à l’approche de la maison, sur la petite route, une jeune femme … fantôme … accompagnée de deux chevaux blancs … fantômes eux-aussi … ont traversés la route devant moi. La jeune femme, le fantôme, s’est même arrêtée pour me regarder un bref instant.
-Tu dois mettre cela sur le compte de la fatigue tant physique que nerveuse.
-Le pire de tout, c’est que je me suis réveillé cette nuit. La même jeune femme était dans ma chambre, tel un fantôme, seule. Elle paraissait vouloir m’attirer. Elle me suppliait du regard de venir à elle. Bien sûr, je n’ai pas bougé de mon lit.
-Lui as-tu parlé ?
-J’ai essayé. Elle n’a pas répondu. Elle n’a fait que me regarder intensément en me tendant le bras.
-Si cela se renouvelle, tente de lui parler, de faire un geste vers elle.
Sully se frotte la tempe, il sourit. Il regarde Louise avec insistance.
-Tu es géniale. Je t’avoue avoir vu un fantôme à deux reprises, tu me conseille de copiner avec lui, la prochaine fois qu’il m’apparait, rigole Sully.
-J’ai beaucoup de travail aujourd’hui. Que vas-tu faire ? Te reposer, j’imagine que tu es venu t’isoler ici pour être au calme.
-Je vais penser, écrire, revoir mes amis qui vivent dans les environs. Tu pourras prévoir une soirée avec Matilde ainsi que Marceaux ? Ils dormiront certainement ici.
-Tu me préciseras le jour de ton choix pour la soirée, que je puisse m’y préparer.
Louise s’éclipse vers la cuisine. Sully se sert de nouveau un café. Il pense encore à la jeune femme. Qui est-elle ? Est-elle morte ? Veut-elle lui faire comprendre quelque chose ? Il faut qu’il accepte la main tendue, si elle réapparait de nouveau.
-Tiens, tiens, tiens … je ne te savais pas de retour chez toi. Bonjour, Sully, dit la voix de Matilde.
-Bonjour. Comment sais-tu que je suis de retour ? Demande-t-il en se levant pour l’embrasser.
-Je rends visite à Louise très régulièrement pour prendre de tes nouvelles.
-Tu en as par les médias, sauf si tu ne les lis pas, ou si tu ne les regarde pas. Assieds-toi. Café ?
-S’il te plait, merci.
Un silence léger s’installe pendant que Sully sert une tasse de café à Matilde.
-Serais-tu libre ce vendredi soir ?
-Compte sur ma présence. A quelle heure veux-tu que je me présente à ta porte ?
-Vers dix-huit heures, en tenue de soirée, comme d’habitude. Tu seras ma cavalière, l’hôtesse de la maison, si tu le veux bien.
-J’accepte le rôle avec joie. J’aime te rendre service. Devrais-je rester le week-end entier ?
-Uniquement si tu le veux, toi.
-Hum … activités physiques en vue … j’adore …
-Il ne faut plus que l’on ait cette relation. Restons amis. Cela me suffira. A toi aussi.
-Serais-tu en train de me … larguer ? De rompre ?
-Je romps notre lien physique. Cette partie-là ne m’intéresse plus, pour le moment. Toutefois, j’ai besoin de ton amitié. Tu me fais du bien. Ta légèreté, ton insouciance, me comblent.
Matilde croise les bras, s’adosse à son siège, elle arbore une moue boudeuse. Un silence lourd s’installe entre les deux amis de toujours. Sully se lève, s’étire. Il fait quelques pas pour se dégourdir les jambes. Il se tourne vers Matilde.
-Viens faire un tour avec moi, j’ai besoin de m’exposer au premier soleil de ce printemps.
-Entendu, soupire Matilde.
Elle lui prend la main, habitude gardée depuis qu’ils sont enfants. Leurs propriétés sont voisines de quelques kilomètres. Leurs relations sont devenues ambigus lorsqu’ils ont partagé le même lit la toute première fois. Sans vraiment ressentir des sentiments amoureux l’un pour l’autre, ils ont continué à entretenir cette relation physique.
Vendredi après-midi, c’est l’effervescence dans la maison de Sully. Louise est énervée, craintive de ne pas arriver à venir à bout de sa tâche qui lui incombe pour mener à bien les préparatifs. Léon fait ce qu’il peut pour l’aider. Sully se promène dans le parc en imaginant ce que pourrait être le parc s’il aidait Léon à l’organiser et l’agencer. Sa vie trépidante à la ville le retient plus qu’il ne le voudrait. Léon est désormais un homme âgé avec tout ce que cela implique. Ses gestes sont limités, ses idées sont bonnes, mais vieillottes.
-Sully ! Je suis heureuse que tu sois là ! Je viens de me faire virer de la cuisine par Louise.
-Matilde, tu sais bien que Louise est toujours excessive lorsque nous recevons.
Matilde embrasse Sully sur la joue, étant aussi grande que lui.
-Tu es merveilleusement belle.
-Merci, soupire Matilde. Regarde, j’ai aussi passé la bague que tu m’as offerte alors que nous avions dix ans lorsque tu m’as demandé en mariage.
Sully éclate de rire. Il se tourne vers Matilde et arrête d’avancer. Ils se regardent intensément.
-Ma chérie … je t’aime … mais pas de la façon dont tu le voudrais. Cette amitié, j’y tiens. Je n’ai pas besoin d’amour venant de toi. Je ne ferais que risquer de te perdre.
-Tu ne me perdras pas, sauf quand je rencontrerais mon âme sœur, murmure Matilde.
Les amis de Sully arrivent un à un ou bien en couple. Un groupe de quatre charmantes jeunes femmes se précipitent sur lui. C’est surtout Marceau qui est attiré par les quatre femmes.
-Tu devrais les oublier. Elles ne pensent qu’à te mettre dans leur lit pour ensuite parler entre elles de tes performances sexuelles. Tu ferais mieux de t’intéresser à Matilde, lui suggère Sully.
-Tu n’es plus en couple avec elle ?
-Matilde ? Nous n’avons jamais été vraiment ensemble sinon pour nous réconforter l’un l’autre.
Marceau entraîne Matilde au milieu de la piste. Sully s’appuie à la table afin de le hall qui est transformé pour l’occasion en piste de danse. Son regard est attiré par une beauté blonde qui vient d’entrer dans le hall. Elle semble chercher quelqu’un du regard … bleu limpide et translucide. Elle ressemble étrangement au fantôme qu’il a vu à deux reprises et dont le rêve ne le quitte plus. Il va déranger Matilde et Marceau en plein slow. Il désigne la belle blonde du menton.
-Qui est-ce ? Demande-t-il.
-Tu ne la connais pas ? C’est ma voisine. Sidonie Le Bouchaud.
-Que sais-tu à propos d’elle ?
-Elle est célibataire. Tu peux y aller, rigole Marceau. Bon … tu nous laisse ?
-Désolé. Je vais faire connaissance avec cette beauté.
Matilde est jalouse du regard insistant qu’à Sully pour Sidonie. Marceau s’en aperçoit.
-Bonsoir, je suis …
-Je sais qui vous êtes. Bonsoir. Je suis …
- … Sidonie Le Bouchaud, je sais.
La jeune femme le regarde avec un air interrogatif.
-J’ai mes sources. Ce qui m’intrigue, c’est de savoir comment vous saviez que je recevais ce soir.
-Regardez ce flyer. C’est artisanal mais convivial.
Sidonie lui tend un flyer en papier glacé sur lequel sont annotés son adresse et la manifestation de ce soir. La mention « venez nombreux » figure en gras.
-Je crois savoir de qui est l’idée de la création et la distribution de ce document.
-Dois-je rebrousser chemin ?
-Restez au contraire. Soyez la bienvenue. Profitez du buffet et des boissons. Je dois faire le tour des personnes présentes. Je peux vous aider à vous faire connaitre, si vous voulez bien m’accompagner. Ma cavalière m’a quelque peu lâché et je suis, donc, un hôte délaissé.
Il présente son bras à Sidonie qui y enroule le sien avec prudence. Les questions se bousculent dans la tête de Sully et lui brulent les lèvres.