Applause

klapoutz

De la musique au pavillon

_ Bien, installez-vous.

On va reprendre où nous en étions à la précédente leçon, je voudrai avoir toute votre attention pour ce passage clé et important dans votre formation, une corde de plus à votre arc pour atteindre votre cible.

Sachez que les plus grands d'entre nous en sont devenu experts, des virtuoses d'acrobaties. Si je suis votre instructeur c'est pour vous dire deux choses: la première est que ces techniques permettent d'exacerber l'ennemi en approche finale, et la seconde pour vous préciser qu'elle est également une passe pour s'en sortir vivant, tout simplement, ma présence aujourd'hui en atteste.

Vous en conviendrez, les novices dans le genre qui s'y sont aventurés ne sont plus ici pour en parler.

Que cela soit bien clair, je vous en touche deux mots aujourd'hui, on passera à la pratique en vol à la fin de la session théorique, mais d'ici là, ne vous tentez aucunement aux essais hasardeux, je souhaiterai que vous soyez tous aptes au sortir de ce séminaire, et surtout vivants.

Si vous n'avez pas de questions, et parce que je vois transparaître dans vos mines intéressées une pointe de curiosité, ouvrez bien vos esgourdes.

Je vais commencer par vous conter une petite anecdote; la Sergent Kipiq que vous avez pu croiser dans le couloir ce matin même se fait régulièrement applaudir par l'ennemi à chacune de ses incursions, comble de l'admiration quand l'ennemi vient à vous respecter dans un des plus grands affrontements au cours de nos missions. Soyez donc assidus et vous serez à la hauteur même de vous faire applaudir si le cœur de l'ennemi est à l'empathie.

La technique n'étant évidemment pas létale, ici dans notre armée nous ne raisonnons pas comme ces mercenaires d'Afrique, d'Asie où je ne sais quelle autre contrée transportant des armes destructrices passibles de lourdes peines aux yeux des plus grandes organisations, les armes chimiques ne seront plus tolérés, prêtez-y bien attention.

 

Maintenant si je vous parle de Chopin ou de Mozart, je sais que certains n'en connaissent même pas le nom, mais voyez, où plutôt entendez, votre savoir-faire à présent passera par la musique, vous deviendrez des musiciens et apprendrez à faire de votre corps l'instrument de vos compositions. Faire résonner en vous la mélodie de tout votre être pour que l'ennemi en soit toute ouïe, Ce sera la philosophie générale de ce séminaire.

L'ennemi n'étant pas un grand mélomane vous lui jouerez quelconque musique, même les plus frêles d'entre vous sauront fredonner un air en vol au moment opportun.

Le tout, c'est d'avoir de l'application dans les trajectoires, de reproduire les mêmes berceuses, de jouer la partition mesurée en répétition juste au-dessus de ce que j'appelle ici la pré-cible.

Grâce aux détecteur infrarouge qu'on nous a doté, le premier réflexe c'est d'aller droit au but vous me direz, mais l'erreur est là. Dans chacune des missions que nous déployons en milieu hostiles, le plus court chemin n'est pas la ligne droite, une erreur de trajectoire, une visibilité accrue du protagoniste ne sachant pas se camoufler dans l'environnement et PAF, c'est l'échec, pas de seconde chance.

La pré-cible, c'est le mot-clé, c'est le secret, faire un ou deux passages à basse altitude - les plus téméraires en feront un excès de zèle pour la déconne - mais voyez plutôt que je vous montre à quoi ça ressemble, et surtout de quoi je parle.

 

L'instructeur se retourne et tapote sur la luciole qui était restée plantée là depuis le début du discours.

Sur le fond blanc du mur, en projection s'affiche des enchevêtrements de sillons parfaits menant à un conduit, une oreille humaine, la pré-cible.

 

L'assemblée de moustiques présents au séminaire se réjouit, et bourdonnent de toutes leurs ailes.

On croirait entendre du Beethoven se dit l'instructeur.

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