Apprendre...

Elle ne veut pas y aller. Elle crie et court dans le couloir malgré ses maux de ventre. La mère de famille, excédée, l'attrape par le cartable. Arrête de faire l'enfant. Mais maman, justement…

L'école n'est pas loin, elle pourrait y aller à pied, mais pour être sûr qu'elle s'y rende : mieux vaut l'emmener. La fillette grimpe la rampe, passe la barrière, son gros cartable sur le dos. Elle file. Là-bas, sur ses escaliers, près de l'entrée.

Elle est ici pour apprendre, parait-il. Apprendre la musique, la géographie, les crachats, les mathématiques, les moqueries, le français, l'isolement, le sport, le harcèlement. Tétanisée, elle sent son ventre se tordre. Elle a vomi ce matin déjà. Parce qu'elle a la trouille, tout bêtement.

La cloche sonne. Elle attend que tout le monde sorte de la classe pour s'aventurer douloureusement dans le couloir, se blottissant dans un coin. Une femme d'entretien la surprend : la cour, c'est dehors ! Elle file, encore. Elle est là pour apprendre, parait-il. L'amitié, les messes basses, le civisme, les boulettes de papier, la vérité, les mensonges, les rumeurs… Ils l'ont vue. Ils s'approchent. Elle court, elle court à perdre haleine derrière ces mots qui tranchent aussi facilement qu'un scalpel. Elle se cache derrière le mur d'escalade, elle observe par un trou l'avancée du camp adverse. Les garçons se moquent, les filles chuchotent, les clans crachent, elle ne comprend pas ce qu'elle a fait pour mériter ça.

Elle est là pour apprendre, parait-il. Se cacher, fuir, survivre. La cloche sonne, elle attend que tous soient rentrés pour rejoindre sa table. On lui a volé sa trousse. Elle n'a même pas le courage de la réclamer. L'après-midi est interminable. Les papiers s'accumulent sur sa table, non, elle n'a même pas le courage de les lire. De retour chez elle, pas de goûter, elle a des devoirs et nul appétit.

Elle doit encore apprendre.

Un foulard, un porte-manteau, un nœud coulant.

Apprendre à mourir.