Archives (2007)

_wendy_

"Vous vous apitoyez sur votre propre sort."

"Vous n'avez qu'à vous en prendre qu'à vous-même."

"Si vous cherchez de la compassion, je n'en ai pas, je n'aide que les gens qui s'aident eux-mêmes."

Elle aurait mieux fait de pas être là.

Ou de me dire "Je n'ai pas le temps", ce que j'ai appris à entendre. Mais pas ces vipères qui sont sorties de sa bouche. Pas de sa part à elle. A elle! ELLE a osé dire ça. J'ai dû faire un cauchemar.

La gare. Les trains. C'est tout près. Je n'ai qu'à attendre sur une voie, attendre que l'un d'eux déboule à toute vitesse, et prendre mon courage à deux mains - ou plutôt à deux pieds le cas échéant. Puisque ce n'est ni ma faute, ni la leur, si nos relations finissent toujours par se briser. Incompréhension mutuelle. Je sens mon corps transporté. Je sens que c'est possible, au point où j'en suis; ses mots, ces mots terribles qui frappent ma tête et ma poitrine comme un démon enfermé en moi, ne demandant que l'absolution. Mais je ne peux pas lui pardonner, j'ai retrouvé un certain orgueil. A moins qu'elle ne s'excuse (ce qu'elle ne fera pas car elle a autant de fierté que moi), je ne lui pardonnerai pas. Et elle sera bien contente de ne plus me voir rôder autour d'elle. N'empêche que j'ai ces images qui me reviennent en mémoire. La fois, où, lors d'un contrôle elle m'a rassurée alors que je faisais une crise de tétanie et où grâce à elle j'ai pu remplir ma copie, obtenir même la moyenne! les pauses chocolat dans le bureau; les anecdotes et les taquineries; le câlin et le bisou qu'elle m'a octroyés en coup de vent alors que je venais, justement, de me faire envoyer chier par une autre "connaissance". C'était ma meilleure amie. Et elle m'a porté un coup fatal hier à un moment où j'avais plus que jamais besoin de compassion. Et plus douloureuse encore que ses paroles est la rancœur dont elles m'ont remplie. Je m'empoisonne. Si j'avais le courage, je ferais en sorte qu'un de ces trains m'achève...

§

Je tiens rarement mes résolutions. J'en ai brisé trois d'un coup aujourd'hui. Ne plus revoir celle qui m'avait virée de son bureau un jour où elle était particulièrement occupée. J'ai frappé à sa porte, lui ai dit brièvement: "- Je ne m'attarderai pas car je n'ai pas envie que vous m'envoyiez balader de nouveau. Je voulais juste vous dire que je ne vous fais plus la gueule; mais je ne resterai pas." J'ai même refusé de m'asseoir mais elle a insisté. Je me suis relevée presque aussitôt pour l'étreindre, lui dire au revoir avant qu'elle ait le temps de me demander de partir, lui ai lancé un "I love you" ce à quoi elle a répondu "Prenez soin de vous" et "Je ne vous oublierai pas."

3 heures et des poussières, je me rends au bureau de la prof qui m'a proposé de la rencontrer pour discuter; elle n'est pas là. Je la retrouve au rez-de-chaussée et nous remontons jusqu'à son bureau. j'ai un peu l'impression de faire une psychanalyse, elle a sorti une feuille de papier, sauf qu'en fait de notes ce sont des points noirs qu'elle marque avec son stylo à bille. Je passe une bonne heure à gémir en anglais, ce qui a au moins un mérite: Elle me dit que j'ai un très bon accent! Ah je suis tellement heureuse qu'elle me rassure sur ce point que je me jette dans ses bras. Hum. "La semaine prochaine, vous avez le droit de venir me dire 3 choses positives. C'est tout." Drôle de "thérapie" improvisée, mais si ça marche...

Revenons aux résolutions non tenues. La deuxième, ne plus boire d'alcool. Pour fêter la réouverture du club d'anglais, il y avait des gâteaux, du Coca et...du cidre. Je me suis jetée sur ce dernier, en me disant: "Du cidre c'est pas fort, ça va me rendre un peu euphorique." Certes. Je rigole les premières minutes, me mêle aux conversations. Puis j'ai la tête qui tourne. Je finis par dire à une de mes profs, de but en blanc: - Je vais rentrer je crois que je suis bourrée.

- Vous êtes sûre que ça va aller? Vous prenez le bus?

- Oui oui.

Une étreinte au passage, comme si on était de vieilles potes alors que je ne m'étais jamais permis de la prendre dans mes bras, elle, encore moins devant tout le monde!

Mais je ne me décide pas à rentrer. Je me suis installée sur un banc. La prof qui m'a lancé mes quatre vérités avant-hier se dirige vers le lieu de la "fête". Elle me dit bonjour comme si rien ne s'était passé, je la salue d'un" bonjour" qui ressemble en fait plus à un grognement.

- Vous n'allez pas à la fête?

- J'y suis déjà allée, je suis saoule.

- Ah bon, vous avez bu quoi?

- Du cidre.

- Combien?

- Trois verres. (Mes réponses sont brèves et sèches).

- Mais c'est presque rien!

- Oui mais avec les médicaments...

- Ah ça! Bon, j'y vais parce que j'ai faim et soif!

- Tant mieux je n'ai pas envie de vous voir aujourd'hui de toute façon.

Lui lancer cette pique me rend malade. Je retourne au lieu des festivités, l'interpelle et lui demande si elle a entendu la dernière phrase que je lui ai lancée.

- Non, répond-elle.

- Alors laissez tombez.

- Vous vouliez me dire quoi au juste?

- C'était juste que j'étais fâchée par ce que vous m'avez dit et que ça m'a rendue malade.

- Je le pense toujours. Je sais que j'ai raison.

Je repars m'installer, prostrée, sur un banc, définitivement vexée. Des étudiants de ma promo viennent me réconforter. Je leur explique ce qui s'est passé avec la prof, ainsi qu'avec les autres, je n'ai plus peur de leur jugement, l'alcool m'a désinhibée. "Mais tu sais, les profs ne peuvent pas être dispo à 100% pour une seule étudiante." Je sais qu'ils ont raison, je me sens puérile et conne, mais je ne peux pas m'en empêcher. On retourne dans la pièce où continuent de se dérouler les "festivités" pour écouter le discours de la présidente du club. Je ressors peu après toujours dans un état aussi pitoyable (je boirai plus, mon cul!). J'attends, je ne sais quoi, sur le même banc. Je vois ma "dernière élue" monter à l'étage, je la rejoins mais elle est avec un autre prof, et puis de toute façon elle est pressée "on se verra demain." Je redescends m'asseoir sur "mon" banc. La prof qui m'avait fait des réflexions (et qui persiste et signe) me passe devant sans rien dire. Rentre dans son bureau. C'est là que je brise ma dernière résolution: ne pas revenir frapper à sa porte avant un bon moment.

Je passe les détails peu importants de la conversation.

- Vous savez, je n'ai pas envie de vous en vouloir. ça me fait trop mal.

- Je suis désolée, je vous l'ai dit, je n'ai rien à me reprocher. C'est votre attitude qui était incongrue, de venir pleurer dans mon bureau parce que vous aviez raté quelques UE.

- Vous me détestez?

- Pourquoi? Je n'ai pas de raison de vous détester.

- Vous vouliez vous débarrasser de moi?

- Si ça vous arrange de penser ça!

(...)

Je me suis approchée d'elle, je lui dis: " - Si je réussis à avoir ma licence et plus tard un master etc. j'aimerais vous ressembler.

- Me ressembler, physiquement? dit-elle avec ironie.

- LOL. Et bien, vous êtes pas trop mal.

- Pas trop mal!

- Vous êtes très jolie.

Elle objecte d'un "pff".

- Nan mais je voulais dire sur le plan de la personnalité.

- Vous voulez me ressemblez? Déjà, commencez par ne pas vous morfondre à la moindre difficulté. Moi aussi j'ai raté des épreuves, j'ai passé deux fois la traduction, et vous voyez, je l'enseigne maintenant!

- Je sais que vous avez raison. C'est juste que vos paroles m'ont fait du mal mais je ne veux pas vous en vouloir.

Je dépose un bisou sur sa tête.

Je m'éloigne.

- Je ne suis pas née pour en vouloir aux gens, je suis née pour les aimer, c'est une chose dont je suis sûre.

Elle a le visage radieux, elle me sourit.

- Vous êtes jolie.

- Je me trouve plutôt laide en ce moment.

- Et bien au moins j'aurais fait quelque chose de positif, je vous aurais rassurée sur votre beauté.

- C'est vrai.

- C'est marrant, j'ai fait toute la conversation en anglais et vous m'avez répondu en français.

- Je ne m'en suis même pas rendue compte.

- ça me fait penser que des fois je rêve que je suis dans un film en anglais, je parle anglais, mes interlocuteurs aussi et soudain je me dis "merde, comment on dit ce mot?"

- Ne vous inquiétez pas ça m'arrive aussi! (...)

- Bon il faut que j'aille pisser, j'ai bu trop de cidre!

-          LOL. Oui allez-y, ne faites pas ça dans mon bureau."

Et pardonnez-moi, mais ça s'est tellement bien terminé que pour être sûre qu'on en reste sur ces bons sentiments, j'aimerais bien mourir ce soir. 

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