Assieds-toi.
Alexandra Bitouzet
Nos projets prè-cancer qui s'évaporent post-chimio et nos prières qui accompagnent nos mains croisées qui elles implorent ta guérison.
Le refus, le refus de croire, d'entendre qu'il faut repartir au combat. C'est si doux la trêve. Je ne veux pas croire qu'il faut déjà se lever, on vient à peine de s'asseoir. Regarde, il fait beau et si chaud. C'est essoufflée que tu veux à nouveau livrer bataille ?Attends encore un peu. Laisse passer l'été.
Comment ça, c'est pas toi qui décide ? Mais ce cancer, il était tout petit.
Tout petit ça veut rien dire !
Ah bon ? Mince, je croyais, j'espérais moi. Non, je ne suis pas prête. Attends encore. Comment ça tu iras toute seule ? Mais non, mais non, on vient avec toi ! Tu n'iras nulle part sans nous. Mais attends ! Attends j'ai dit ! Tiens, prends donc ma main, et puis celles-là aussi. Mais si, je t'assure, plusieurs ce n'est pas de trop. J'ai de l'énergie moi, je pèse facile vingt kilos de plus que toi. Allez, regarde, à nous trois, on fait huit fois ton poids.
Les combats ne se gagnent qu'en livrant bataille ! Tu te fous de ma gueule ? C'est de qui cette connerie ? J'ai dit ça moi ? Mais je parlais pas de ça bordel ! Allez allez, assieds-toi là, sois mignonne, pose-toi un peu.
Tu sais, j'ai pleuré ce matin, c'est la première fois depuis que je sais. Je n'avais pas réalisé je crois et puis là, paf, en pleine gueule. Pardonne-moi. Je voudrais te dire que je suis là et qu'il n'y a pas que moi. J'ai écrit sur toi, je t'ai rendue immortelle, dans mon roman, mais c'est pas une raison hein, tu sais. C'est pas une raison du tout même. Si tu déconnes, je fais brûler tous les exemplaires et je te préviens, je déconne pas !
S'il te plaît.
Allez.
Déconne pas.
Mes genoux sont assez cagneux pour que j'implore sans avoir mal. Et quand bien même hein. Quand bien même. Ça serait pas la pire douleur.