Astrolabe

Christian Lemoine

Ainsi vont ceux qui ont péri cheminant sans escorte au gré des flux errants, à la surface des choses comme goutte d'eau glissant sur un miroir, à peine trace de ce lent étiage jusqu'à la face grenue d'un sable jamais abreuvé. Ainsi vont-ils, plus malheureux qu'œil irrité, car de leurs paupières gonflées pourrait sourdre à tout instant la source miraculeuse d'une résurgence qu'on croyait asséchée. De leurs paupières rougies pourraient se voir en pendeloques cristallines les petites pépites brillantes, messagères d'un cœur en estoc percé. Ainsi parmi ceux-là frôlent des consciences descellées, délaissées des liants par quoi se cimentait un mur de soutènement, prémices d'une fondation plus adossée. Des paupières en revers, des cils à rebours des marées salines, de leurs paupières rutilantes à force de veilles écarquillées, l'inépuisable empreinte de la détresse, requérant contre les joies cruelles le possible du pardon, peut-être. Sur le manteau d'âtre désastreux, poussières accumulées, allergènes malsains, et toutes les corniches en surplomb qui tanguent leur déferlante immobile. Ainsi s'en vont-ils sans astrolabe ni sextant en des parcours imprécis ombreux et aveugles, livrés sans consentement malgré leur thorax ouvert.

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