Athènes

tadamok

A Athènes, la Vache qui rit ne rit pas.

Peut-être sait-elle que les rues sont pleines de détritus ? Peut-être fait-elle la grève du sourire pour dénoncer la nocivité d'un air vicié par les gaz d'échappement ou encore le vacarme assourdissant de la circulation urbaine ?

Il faut dire que dans ce labyrinthe de béton, la voiture est reine, tandis que le piéton patiente, parfois plus de cinq minutes pour traverser une avenue, et à condition d'en avoir fait la demande.

Elle qui ne rêve que de regarder passer des trains, elle est confrontée à longueur de journées à des automobilistes excités, klaxonnant sans cesse pour avertir l'entourage de leur résolution à passer coûte que coûte, s'insultant pendant des heures au moindre refus de priorité, roulant à moto à tombeau ouvert, sans casque, entre les files mouvantes des avenues.

Peut-être encore est-elle tout simplement frustrée par les assauts répétés d'une impolitesse notoire, dont chaque file d'attente fait immanquablement la démonstration ? Ou peut-être est-elle vexée de devoir hurler dans les restaurants pour se faire entendre de sa voisine de table ?

Il se pourrait tout aussi bien que son attitude soit un signe de protestation solennelle contre la tenue officielle des gardes républicains. S'il est vrai qu'ils furent sans doute, ainsi accoutrés, et en des temps fort anciens, à la pointe de la mode, il n'en reste pas moins vrai qu'aujourd'hui, un tel uniforme les rend au moins aussi ridicules en vrai que sur les cartes postales. Et encore, je ne parle même pas de la parade grotesque qu'ils exécutent quand vient l'heure de la relève… Il est cependant étonnant de constater qu'ils sont en revanche bien plus grands qu'on ne pourrait le penser : tous font près de deux mètres, sans doute pour être plus à même de supporter d'être pris en photo dans cette tenue...

Soudain, je réalise que la question n'est peut-être pas tant « pourquoi ne rit-elle pas ? » que « comment fait-elle pour ne pas rire ? », car en plus des gardes, ce qui retient l'attention, c'est la mode des cheveux longs pour les hommes, même quand ils sont rares et exclusivement sous l'équateur !

Et d'ailleurs, comment fait-elle pour ne pas sourire, même un tout petit peu, devant la blancheur immaculée des ruelles étroites des vieux quartiers, devant les temples antiques qui dominent majestueusement l'océan d'immeubles de la ville moderne, cette ville qu'un climat généreux transforme en terrasse géante dès la nuit tombée ?

N'a-t-elle donc jamais contemplé la végétation luxuriante qui s'épanouit en toutes saisons, à tel point que les guirlandes de Noël font des infidélités aux traditionnels sapins en allant embrasser ficus, acacias et platanes ?

Se peut-il que jamais elle n'ait eu le loisir de traîner ses vieux sabots dans une jolie ruelle, accrochée à la colline, bordée d'orangers, et baignant dans un calme religieux ?

Se peut-il que jamais elle n'ait assisté au spectacle magique du Soleil sublimant de ses rayons les bancs du tout premier théâtre de l'Histoire des hommes ?

Se peut-il que jamais on n'ait servi dans sa mangeoire les spécialités culinaires de son pays ? Salade de tomate, huile d'olive, poivrons grillés, moussaka, agneau rôti, baklava, … Même l'herbivore le plus borné ne saurait résister à de telles merveilles, d'autant plus que, bien souvent, la feta et le miel (et aussi un chauffage réglé à fond !) enrobent les mets d'une délicate pellicule de douceur.

Offrez-lui le ouzo, et bientôt, j'en suis sûr, avec vous, elle entonnera ces chants traditionnels venus tout droit du cœur de la Méditerranée, interrompue seulement par la divine musique d'un harmonica qu'on croirait tout droit sortie d'un film de Marcel Pagnol.

A Athènes, la Vache qui rit ne rit pas encore mais qui sait, dès demain, peut-être…

  • Disons que j'aime bien rapporter quelques notes en plus des photos quand je rentre de voyage... Merci pour vos commentaires.

    · Il y a environ 13 ans ·
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    tadamok

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