Attentats : La terre des enfants perdus

Sont-ils tous perdus dans l'obscurité ? Je suis né sur une Terre où il ne faisait pas bon être libre. Dans ce pays lointain, les anges portaient la barbe, les prédicateurs étaient des hommes politiques respectés, et la vie nous a été volée par une religion dont enfant nous ne connaissions rien sinon ces interdits embarrassants. Porter le foulard pour une écolière de 12 ans (par obligation), chanter les louanges de la République Islamique et des martyrs de la révolution, ça n'a rien de sexy pour des gamins qui préfèrent jouer au ballon ou … à la poupée.

 C'est peut-être la seule chose qui nous différencie du Maghreb. Les iraniens sont chauvins. Ils ne se considèrent pas comme des arabes. C'est vrai qu'aujourd'hui encore la tradition de l'Empire Perse est suivie de temps à autres dans le pays. Mais les conquêtes arabes ont fait de nous des « frères musulmans » et c'est dans notre beau pays qu'a été inaugurée la première révolution islamique. Ce n'est pas sans doute pas le shiisme de l'islam qui nous sauvera de ça. Oui, comme je disais le Maghreb vient tout juste de connaître sa révolution islamique. Lorsque « les musulmans du Maghreb » (termes pris assez grossièrement) voyaient dans l'Islam un reste de leur tradition, nous y voyions la terreur du bassidjis et du guide qui nous précipita vers la chute. Ainsi la première vague de réfugiés étaient en grande majorité laïques.

 Aujourd'hui, l'Iran qui vit toujours sous le coup de « la souveraineté divine » a trouvé le moyen avec Daech de revenir sur la scène internationale. Entre la Peste et le choléra, la toute puissante Europe préfère traiter avec les iraniens. Après tout si les iraniens veulent lapider des « mécréants » sur leur sol ou maltraiter le genre féminin ça ne les regarde pas. C'est toujours mieux qu'un EI qui organise des tueries géantes et s'en vante dans des spots internet. Le choix est vite fait…

Revenons-en au sujet principal… Je vois notre communauté nationale sombrer dans l'intolérance et le racisme. J'ai toujours été un point d'attache entre plusieurs communautés, entre plusieurs personnes, entre plusieurs religions. Car je respecte l'homme plus que la couleur, je respecte la tolérance plus que l'intelligence. Je ne crois pas au déterminisme. Dans notre grande bâtisse nationale, chacun pose sa pierre sur l'édifice. Si l'architecte se croit plus malin que l'ouvrier qui pose les pierres, alors il n'a qu'à les porter une par une, les soulever et les souder. Et je suis étonné de voir que chaque « communauté » durcit son discours envers les autres.

Certains de mes anciens camarades (et pas tous heureusement) se sont convertis à « l'Islam bête ». « L'Islam bête » c'est tout le contraire de la religion musulmane. Ce n'est même pas une religion à vrai dire. C'est tout simplement, une revendication identitaire. La plupart parle un Coran très approximatif sauf lorsqu'il s'agit de parler du foulard, de l'islamophobie, du grand satan américain, ou « ce genre de sujet qui font des vues sur Internet. ». Je pense que cet « Islam bête » est le fruit à la fois de la « frustration » mais également la conséquence du racisme. Ce racisme moi qui le vit au quotidien, il est réel.

 L'enfant qui est chassé par les autres va souvent construire son château à l'extérieur. « L'islam bête » est devenu en France le mont de piété local. Il réunit les exclus d'une société qui vraisemblablement n'offre plus aucunes garanties ni aucune sécurité. Quant aux musulmans, ce sont les premières victimes de cet « Islam bête ». Avec une barbe, un voile, ou le teint de leur peau, ils sont catalogués et étiquetés hallal dans la grande boucherie nationale.

Le 13 novembre, mon sort s'est-il décidé ? Cette fois ci, Daech a frappé chez moi en plein cœur de mon quartier d'enfance. J'ai peut-être passé quelques années en Iran. Mais j'ai vécu dans ce quartier pendant 20 ans depuis la primaire jusqu'au lycée. Je connais chacun de ses morceaux de rues. Je connais la place de la Bastille bien que mieux que je ne connais la place « Azadi » que je serais de toute manière incapable de décrire. J'ai compris le malaise que ressentent certains compatriotes lorsqu'ils voient nos voisins se faire canarder à la terrasse des cafés. Mais laissons la guerre sainte et le racisme aux idiots. Laissons la haine aux censeurs. Notre communauté a volé en éclat comme ces bouteilles de verres brisées à la terrasse des cafés. Il faudrait désormais ramasser les miettes.

Pourquoi en venir là ? Car dans les candidats au djihad (la guerre sainte), il y a souvent plus de français que d'étrangers. Nous sommes les enfants d'un monde en guerre. Nous avons fui la misère ou les combats. Et aujourd'hui lorsqu'on rentre dans notre pays d'origine, nous ne sommes pas considérés comme des autochtones. Notre pays est le leur, le vôtre, le nôtre.  

En revanche, frère si tu vois ta liberté dans les discours moyenâgeux d'un mégalomane qui se croit à la tête d'un califat alors je ne peux rien faire toi. Et toi sœur, si tu crois vraiment que tous les musulmans de France fomentent un complot pour imposer la charia'a alors je ne peux rien faire pour toi …

JE SUIS BRUXELLES, et j'espère que je serais désormais moi-même pour un bout de temps ;)