Au bord de l'abîme

Florence Garel

                         Il avait peur. Il craignait que quelqu’un ne soit au courant. Il se disait qu’il devait partir. Les gens finiraient par le savoir. Il ne pourrait pas le supporter. Ce serait le déshonneur. Il perdrait tout ce qu’il avait construit. C’était la chose la plus effrayante qui ne lui était jamais arrivé. Il termina de rassembler ses affaires. Toute sa vie n’avait été basée que sur le mensonge. Mais il n’avait pas eu le choix. Du moins le pensait-il.

Il griffonna rapidement quelques mots sur un bout de papier. La pendule signalait qu’il était presque minuit. Il avait l’impression de s’enfuir comme un voleur. Il boucla sa valise. Il quitta sa chambre sur la pointe des pieds. Il ne voulait surtout pas qu’on l’entende. Il alla dans l’entrée. Sans faire le moindre bruit inutile, il ouvrit l’armoire. Il y prit son manteau. Il l’enfila précipitamment. De la sueur perla sur son front. Il avait hâte d’être dehors. Ses mains tremblaient. Maladroitement, il boutonna les pans de son manteau.

Mais ses doigts étaient tellement nerveux qu’il dû s’y reprendre à deux fois avant d’y arriver.  Des larmes embuèrent soudain ses yeux. Il les essuya d’un geste rageur. Il ne devait pas pleurer. Qu se passerait-il  si une personne arrivait et le trouvait en larme dans l’entrée ? Inquiet, il regarda autour de lui. Mais il n’y avait personne. Il prit sa valise et la posa près de la porte. Il sortit la clé. Elle faillit lui échapper. Il la tint le plus fermement possible entre ses doigts, et l’enfonça dans la serrure.

D’une main qu’il voulut sûre, il tourna la poignée. La porte  s’ouvrit. Un vent frais vint caresser son visage. Il sortit et referma la porte après avoir pris sa valise. Il fit quelques pas. Le portail lui parut très loin. Il eut l’impression que le temps s‘étirait. Finalement, il arriva au bout de l’allée. Il ouvrit le portail puis il passa de l’autre côté. Ce ne fut qu’après avoir commencé à s’éloigner qu’il put enfin se sentir un peu mieux. Il respira un grand coup et permit à ses muscles de se relaxer.

La boule qui était dans son ventre se dénoua peu à peu. Il eut soudain envie de courir. Mais soudain, il sentit une présence à quelques mètres de lui. Il plissa les yeux. Une silhouette se découpait dans l’obscurité. C’était celle d’un homme. Il le reconnut. La peur le reprit plus violente que jamais. « Mais que… » ; Bégaya-t-il. Il eut la sensation que son corps se paralysait. Il entendit les battements de son cœur cogner soudainement. La silhouette de l’homme s’approcha de lui. Il sentit un frisson le parcourir des pieds à la tête.

Il haleta presque. « Que…qu’est-ce…que…vous… ? ». Il ne put rien dire de plus. Une affreuse douleur le traversa. Il lâcha sa valise et s’effondra face contre terre. La silhouette s’approcha. « Il ne nous  causera plus d’ennuis maintenant. Une autre silhouette surgit. Les deux hommes se jetèrent un regard puis s’en allèrent.

           

 

 

 

      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques semaines auparavant. Il faisait doux. Le mois de mai allait arriver. Il était trois heure de l’après midi. Antony était assis dans son salon. Il regardait la télévision. Soudain, le téléphone sonna. Il alla décrocher. « Allô » ; dit une voix masculine à l’autre bout du fil.  Antony déglutit en reconnaissant cette voix.  « Allô » ; répondit-il d’un ton qu’il voulut normal. « Vous avez fait la livraison que je vous avais demandée, n’est-ce pas ? ». Antony lui répondit que oui. « Très bien. Vous recevrez ce soir les prochaines instructions. »  

Antony voulut lui répondre qu’il n’avait pas le temps mais son interlocuteur avait déjà raccroché. « J’ai d’autres projets pour la soirée » ; marmonna-t-il  à la ligne vide.   Il reposa le combiné à sa place. Il  commença à faire les cents pas. Anthony savait qu’il aurait dû, aurait pu refuser. Mais l’homme lui avait dit une fois qu’il savait où il habitait.  Anthony ignorait si c’était vrai où s’il s’agissait d’une simple menace pour lui faire peur. Commençant à se sentir angoissé, il pensa qu’une petite ballade lui ferait du bien.

Il mit un manteau, ses chaussures et alla faire un tour. Il venait à peine de traverser deux rues, qu’une main se plaqua sur sa bouche.  Une voix chuchota à son oreille: « Nous savons que vous avez l’intention de nous fausser compagnie. Mais à votre place, j’éviterais. N’oubliez pas que nous détenons quelque chose qui vous est précieux. Pensez-y de temps en temps ». Puis  la main s’enleva de sa bouche et Anthony se retrouva tout seul  sur le trottoir. Il tremblait comme une feuille.

Il préféra rentrer chez lui et attendre. Mais une fois rentré, il se rendit compte qu’il n’en pouvait plus de cette situation. Si cela continuait, il allait devenir fou. Il devait s’en aller. « Mais je ne peux pas. Ils vont la tuer sinon » ; pensa-t-il sans s’apercevoir qu’il parlait à voix haute. Il refit les cents pas.  Si cela se trouvait, ces monstres l’avaient déjà éliminée. « Et ça va être mon tour, maintenant ! ». Mais Anthony n’arriva pas à prendre de décision. Il s’assit sur une chaise et mit sa tête dans ses mains.

A dix-neuf heures, le téléphone sonna. « Oh non » ; pensa Anthony. Il décrocha. La même voix masculine lui dit d’aller jusqu’à la porte d’entrée et qu’il trouverait une lettre. Anthony fit ce qu’il lui demandait. Il prit l’enveloppe et la décacheta. Il devait faire une nouvelle livraison. Mais cette fois, il vit rouge. Il déchira la lettre en plusieurs morceaux et la jeta à la poubelle. Le téléphone sonna. Anthony le prit avec colère. « Non, j’en ai assez. Vous êtes en train de me mener en bateau. Je n’irais pas. Donnez cette livraison à quelqu’un d’autre ».

La seul chose qu’Anthony entendit ensuite  fut un clic puis plus rien. Anthony se dit qu’il venait de commettre une erreur. Il commença à paniquer. Terrifié, il attendit immobile. Il avait signé son arrêt de mort.  Alors pris de terreur, Anthony sortit précipitamment en courant. Il s’enfuit dans la nuit tombante. Il ne savait pas où il allait. Il avait tout gâché. Il allait mourir. Soudain, il entendit un bruit de moteur sur sa droite. Il tourna la tête et aperçut deux lumières. Son cœur manqua s’arrêter de battre.

Anthony n’en crut pas ses yeux. Ils l’observaient, bon sang ! Il se remit à courir.  Mais c’était maintenant pour sa vie. Il entendait le bruit  s’approcher. Ils étaient juste derrière.  Soudain, il entendit un coup de feu. Instinctivement, il se jeta à plat ventre. Des mains l’empoignèrent. Une portière s’ouvrit. Il fut jeté sur le siège arrière comme un vulgaire paquet. Une douleur à la tête. Puis tout devint noir. Il fut emporté dans la nuit. Peut-être pour toujours. Vers la souffrance et la mort.

Lorsqu’il se réveilla, Anthony ne sut pas où il était. Il ne reconnut plus rien. Il avait froid. Il avait faim. Il était seul.  Il n’avait plus aucun repère. Alors, Anthony se leva et marcha. Pendant plusieurs jours. Il eut l’impression d’être dans un cauchemar. Finalement après trois jours de marche, il trouva un petit hôtel qui voulut bien l’accueillir. Il y passa une nuit avant de repartir. L’hôtelier lui demanda où il allait. Anthony lui répondit qu’il ne savait pas. Il n’avait plus de chez lui. « Vous êtes recherché par la police ? ».

A tous ceux qui le lui avaient demandé, Anthony n’avait su que répondre. C’était un secret. Le sien.  Il erra ensuite pendant plusieurs jours, s’arrêtant où il le pouvait. Il traversa plusieurs villes. Au moins, les autres n’étaient pas sur sa trace. Ils le croyaient peut-être mort. Anthony était très fatigué. Il avait mal aux pieds. Soudain, il se sentit épié. Il s’arrêta. Ils étaient déjà sur sa trace ! Il essaya de ne pas s’affoler. Il continua de marcher le plus normalement possible. Anthony se sentit soudain désespéré. Ils lui avaient tout pris. Que lui voulaient-ils de plus ?

Anthony trouva un hôtel où s’arrêter. Il voulait y passer quelques jours. Cet hôtel s’appelait l’Esperancia.  Anthony ne sut pas que lorsqu’il le quitterait, ce serait pour mourir. Une voiture noire surgit soudain  et s’arrêta à quelques mètres de l’hôtel. Anthony la vit. Mais il n’en dit rien, ni à la police, ni à l’hôtelier. C’était un secret. Personne ne devait savoir. Même si le prix à payer, pour lui, était la mort.

FIN

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