Au café du coin

luxaeterna

J'aimerais des avis :) C'est le début de, je l'espère, une longue histoire. J'ai besoin d'avis extérieurs pour continuer dans le bon sens ! Merci à vous, la critique aide plus qu'on ne le croit.
M. Blot retira mon manteau, une manche après l'autre. Il sentait le neuf. Acheté à peine une semaine auparavant, tombant jusqu'au-dessous des genoux, son noir commençait à être perlé de peluches blanches. Il le posa délicatement sur le rebord du dossier de la chaise rouge. C'était un dossier plus confortable qu'esthétique. Sa simplicité trahissait le style épuré du café du coin du boulevard Malesherbes. Tout était couvert d'un rouge carmin. Seules les chaises semblaient légèrement plus foncées, presque bordeaux. Peut-être une maladresse du décorateur, ou bien une rupture artistique désirée. Ainsi, les chaises attirent l'œil. Peut-être seraient-elles passées totalement inaperçues si leur couleur était restée unie au reste du café. Soudain, il remarqua la présence d'une nouvelle pendule à l'angle gauche du mur frontal, juste en-dessous des lettres étincelantes « Le café du coin ». Là encore, nom d'une simplicité désirée ou simple grossièreté, chacun a son avis. La pendule possédait deux aiguilles de même taille, ce qui était extrêmement déstabilisant. De plus, les nombres n'étaient indiqués que par des traits fins, si fins que M. Blot, légèrement astigmate, les confondait. Ainsi, bien que le contraste blanc cassé sur fond rouge fût agréable à regarder, M. Blot ne put en déduire l'heure. Il pouvait aussi bien être midi et cinq minutes passées qu'une heure pile. Il observa de longues minutes la pendule, tournant la tête dans un sens, puis dans l'autre, comme si son geste allait l'éclairer sur l'heure exacte. Mais une présence à sa droite interrompit son geste redondant. Il leva lentement la tête, les yeux baissés, et reconnut la longue redingote grise du serveur.
- Bonjour M. Blot. Comment allez-vous aujourd'hui?
- Bien, comme tous les jours, lui répondit-il en souriant. Il le regardait à présent droit dans les yeux. C'était Mickaël. Un jeune aux cheveux ébène et aux yeux verts parsemés de quelques tâches marron. Un serveur aimable et serviable qui, malgré l'abondance de clients, prenait toujours le temps de s'assurer la bonne humeur du consommateur. Ou peut-être que M. Blot avait le droit à une faveur, vu la régularité journalière infaillible de sa venue. Il n'arrivait jamais à savoir si Mickaël se renseignait uniquement en lorgnant sur un pourboire plus élevé ou si c'était de la pure gentillesse. En vérité, il ne voulait pas savoir. Ce n'était pas pour Mickaël qu'il était là.
- Deux plats du jour, dit M. Blot sans même regarder la carte que Mickaël lui tendait par politesse. Mickaël sourit, griffonna sur son calepin puis demanda d'une question presque rhétorique :
- Bordeaux Grand Cru 95 ? M. Blot acquiesça sans nulle hésitation. Une fois le serveur reparti vers la cuisine, M. Blot jeta un regard à sa montre. Il était midi sept à présent. Il se demanda pourquoi il avait de longs instants tenté de déchiffrer une pendule si c'était au final pour s'en remettre à sa montre. Il faisait parfois des choses qu'il ne s'expliquait pas. C'était peut-être dû à cette légère appréhension qui le saisissait à chaque heure du déjeuner, au café du coin. Peut-importe, le destinataire du second plat du jour était en retard de sept minutes. Selon M. Blot, jusqu'à cinq minutes, une incommodité est acceptable. Un retard de train, un embouteillage, un feu rouge imprévu ou encore une petite vieille qui traverse la route. Entre cinq et dix minutes, l'homme, ou la femme, a une ponctualité douteuse. Plus de dix minutes, il ou elle s'est dégonflé, car pour M. Blot, qui prévoyait toujours une heure de battement, un retard involontaire de plus de dix minutes est inimaginable. Ainsi, il ou elle ne viendrait pas. M. Blot se mordit sa lèvre asséchée par le froid hivernal puis passa sa langue dessus comme pour annihiler son premier acte. Il posa le flanc gauche de son visage contre la vitre froide embuée. Il y avait deux gamins qui jouaient au ballon dehors. L'un des deux tomba dans une flaque boueuse. Mais alors que celui-ci était au bord des larmes, l'autre enfant, sûrement son frère aîné, lui tendit la main accompagnée d'un sourire. Alors, le petit se mit à rire aux éclats. Il se releva d'un bond et rattrapa au vol le ballon que son frère lui lançait. M. Blot ferma les yeux sous le lourd poids de ses paupières épuisées. Il ne dormait pas plus de quatre heures par nuit. La vie est trop importante pour la gâcher à dormir. Et la nuit, le silence, le noir, le rendaient plus apte à réfléchir. Parfois, il se mettait à écrire, histoire de mettre sur papier ses pensées les plus farfelues. D'autres fois, il ressentait le besoin de crier, de dire tout haut ce qu'il pensait tout bas. De toute façon, il était seul dans son appartement. Personne ne lui répondrait. Personne ne pourrait le couvrir d'insultes ou contrer son opinion. Il était libre de s'exprimer comme il l'entendait. L'épaule commençait à frôler également la vitre, fatiguée de se tenir droite et suivant le mouvement du buste. M. Blot garda les yeux fermés, minant de n'avoir pas senti le poids de son corps tout entier basculer peu à peu contre la vitre gémissante. Soudain, il entendit les couverts tintant sur la nappe froissée.
  • Etonnant début. L'avantage c'est qu'on a envie de connaitre la suite!

    · Il y a presque 9 ans ·
    F%c3%a9e 1

    rainette

    • Super, c'est le but ! Merci d'avoir commenté. L'avantage est également que j'ai envie d'écrire la suite !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Art

      luxaeterna

    • et bien tant mieux. Je suis convaincue que savoir qu'on est lu(e) et avoir un petit bout du ressenti du lecteur est motivant. J'essaie de laisser un commentaire quand je lis quelque chose. Alors continuez! :)

      · Il y a presque 9 ans ·
      F%c3%a9e 1

      rainette

    • Vous avez parfaitement raison. On ne se rend pas assez compte à quel point la critique extérieure est motivante :) Surtout que je ne montre mes textes à personne à part vous, sur welovewords !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Art

      luxaeterna

    • idem.... sauf quelques amies "groupies" qui l'ont poussée à écrire!

      · Il y a presque 9 ans ·
      F%c3%a9e 1

      rainette

    • Ahah :)

      · Il y a presque 9 ans ·
      Art

      luxaeterna

  • Stylistiquement, ton texte est très descriptif. On aime ou n'aime pas, tout dépend des goûts de chacun. Personnellement, j'apprécie ! Les phrases sont concises, le vocabulaire est riche. Toutefois, je ne comprends pas tellement ou tu veux en venir. Mais je suppose que c'est tout à fait normal étant donné que c'est le prologue d'un long travail ! Bon courage pour la suite ;)

    · Il y a presque 9 ans ·
    Img 4365

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    • Bonjour, merci d'avoir commenté ! Heureux que vous appréciez. Pour vous éclairer un peu, je tiens à dire que le fait de ne pas comprendre où l'on va est désiré. En effet, toute l'intrigue va se concentrer sur la personne qui devrait arriver. Ensuite, je pense que le rythme va s'accélérer, passant de la description à plus d'action. Puis, cela changera à nouveau. En vérité, j'aimerais jouer sur les rythmes et le doute, surtout que vous verrez, le sujet est au final plutôt grave et troublant. C'est pour cela que j'aimerais un roman dérangeant par son ton évasif afin que le lecteur cherche ce qu'il se passe au fil des pages, comme une sorte de roman policier... mais sans en devenir ennuyeux ... Voilà je vais prendre ce que vous m'avez dit en compte. Merci ! :)

      · Il y a presque 9 ans ·
      Art

      luxaeterna

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