Au café perdu de la Souterraine
lazyjack
Un galopin galopait sous l'comptoir,
Un comte dormait debout,
Deux décharnés acharnés de billard
Avaient le rouge aux joues.
Deux roux joyeux agitaient leurs mouchoirs
Riant de rien, de tout,
Une grande nerveuse faisait d'l'allume-cigare
Avec ses p'tit frous-frous.
Un doux tout mou rêvait de mille hasards
En tentant tout atout.
Un Philomène phénomène de bazar
Avait réponse à tout.
Deux joueurs d'échecs chantonnaient du Fréhel
En échangeant leurs fous,
Se promettaient la branlée habituelle
Tout en roquant tout mou.
Un charmeur trop rieur, oubliant son rencart,
Faisait bien des jaloux,
Une poltronn' trop pochtronn' pour s'faire bien voir,
Dégoulinait d'dégoût,
Manu faisait sa pissette habituelle
Après un gros râteau,
Se défendait facile, de subtiles gamelles
Avec l'aplomb qu'il faut.
Et tu es entrée dans ce café perdu de la Souterraine,
Le temps s'est fait figer par l'croisement de tes jambes
Jusqu'au comptoir butoir où je nichais, absent.
J'ai glupsé comme un gêné chronique en voyant ta frimousse,
Candeur et gravité comme la Sabine de Resnais.
Tu n'as rien commandé, on t'a juste servi un verre d'eau,
Comme une vieille habituée reconvertie proprette.
Tu m'as dévisagé de tes yeux azur et feu, espiègle,
J'étais chipé comme un puceau de première.
J'ai chanté dans l'instant mon Tango des espérances grises
Philomène au bandonéon m'a emboîté le pas,
Ça collait impeccable, ça sonnait l'authentique,
L'immédiate fulgurance des amants qui se croisent
Et qui connaissent la fin, sans se soucier de rien…
Ça frisait le triomphe et le ridicule à la fois,
Sur la note finale, m'inclinant, j'ai fait tomber ma casquette
Qui s'est retrouvé remplie de piécettes en cascade,
Tu as mis un billet doux griffonné à la hâte,
Je l'ai lu bien plus tard dans les toilettes sordides
Tu t'étais enfuie doucement, sans une seule parole,
Ton mot unique me suffisait avec sa simple étincelle…
"Soleil..."