Au coeur des jardins de pierre
nouontiine
Du haut de son repère, elle songe durant des heures
À cette vie gâchée par le malheur ordinaire.
Sans trêve, elle rêve d’une échappatoire
Et persévère en quête d’un exutoire
Pour ne pas s’éteindre comme une âme éplorée
Au crépuscule de sa vie inachevée.
Éprise de liberté en dépit de sa fragilité
Elle s’assume et elle avance au fil des saisons
Même si elle a souvent l’impression
D’être une damoiselle en prison
Elle persiste, battante face à la morosité ambiante
Pour ne pas se laisser happer sans opposer de résistance
Dans le tourbillon souvent brouillon de son quotidien.
Le coeur ardent et l’air de rien
Elle avance avec circonspection
Parce qu’elle a souvent cette sensation
De parcourir la vie à tâtons
Et parfois même à reculons.
En quête de subtilité
Elle cultive sa vérité
Pour garder un peu de constance dans ce monde en déliquescence
Où l’arrogance prime sur la bienveillance
Où les croyances se nourrissent de l’ignorance
Elle essaye de ne pas perdre patience
Dans ce monde en effervescence
Et privilégie la tolérance
Même si elle a conscience de son insignifiance.
Elle nourrit son esprit pour conserver un peu d’humilité
Et ne pas sombrer dans la médiocrité.
Elle lutte pour garder intacte la magie
De ses rêves qui,
Face au manque de tact, menacent de tomber dans l’oubli
Ou de se faire la malle
Tandis qu’elle, elle aimerait bien la faire sa malle
Et mettre un peu de poésie dans sa vie sans fantaisies
Créer une alchimie qui la délivre
Et ainsi retrouver l’envie de vivre
Avec légèreté, et pourquoi pas un peu de gaieté ?
Sans craindre de se heurter aux murs étriqués de sa cité.
Elle rêve d’arpenter le monde comme une vagabonde
Avec pour seul bagage un peu de piété et beaucoup de liberté
Mais en dépit de sa fragilité qu’elle ne peut nier
Elle s’assume et elle avance
Pour ne pas s’éteindre le coeur lacéré
Au crépuscule de sa vie inachevée.
Mais elle songe, le visage serré
Que sa vie n’a en réalité jamais commencée
Coincée entre les cloisons de béton de sa petite citée
Perchée au 13e étage de son appartement mité
Depuis des années, elle ressasse ces pensées
Écoeurée de se sentir écrasée
Par le poids de sa vie, fichue avant même d’avoir été péchue.
Elle rajuste son fichu
Et descend prendre un peu d’air dans les jardins de pierre.
Elle marche le coeur désert et le regard fier
Parce que c’est finalement tout ce qui lui reste sur cette terre
Son regard fier et son coeur désert
Amer de solitude à force de contempler la lune
Seule dans son perchoir
Duquel elle aimerait parfois se laisser choir.
Elle songe, la mine atérée
À toutes ces années perdues
En dépit du long chemin parcouru
Elle, qui n’a plus de larmes pour pleurer
Elle, qu’on ne peut plus leurrer
Parce qu’à 40 ans
Elle est toujours assise sur le même banc
Au milieu de ce jardin de pierre
Qui en réalité n’a jamais été vert.
Elle songe avec mélancolie
À ce qu’aurait pu être sa vie
Si elle avait pu s’échapper à temps
Et briser un instant
Les chaînes de cet engrenage
Dans lequel elle nage
Exténuée et sans bouée.
Elle n’a jamais bougé,
Et à 40 ans, elle n’a toujours pas un franc
Et pas d’enfants
Parce que l’existence et ses exigences
Ne lui ont pas laissé le temps
De trouver son prince charmant
Trop occupée journellement
À trouver un moyen de joindre les deux bouts
Maintenant, elle est à bout et n’a presque plus de tabous
Blasée par les promesses des faux marabouts
Elle songe à renoncer
Et à s’enfoncer un peu plus dans sa déprime
Comme tous ces anonymes
Qu’elle croise quotidiennement
Et qu’elle reconnaît instantanément
À cause de leur regard fier et désert
Mourrant d’asphyxie dans les jardins de pierre.
Des jardins de pierre racontés avec tact et poésie.
· Il y a environ 14 ans ·Jiwelle