Au dela des ténèbres

Fabien Dumaitre

Premières pages de la nouvelle

Le ciel était dégagé en cette veille de vacances scolaires. La lune, presque pleine, drapait les lieux d'un léger voile blanc. Des myriades d'étoiles scintillaient dans le ciel comme autant de diamants jetés sur un écrin noir. Par moment, quelques rochers stellaires venaient se consumer dans l'atmosphère terrestre laissant derrière eux de furtives traînées blanches. La forêt était calme. Dans la lumière laiteuse se découpaient les formes fantomatiques d'arbres aux troncs noueux et aux branches biscornues. Un doux vent tiède s'infiltrait jusque dans les recoins les plus isolés de ce lieu magique et terrifiant à la fois. Le temps semblait s'être arrêté sur cet endroit sauvage et inhospitalier. La forêt sommeillait dans un silence sépulcral. Soudain, une branche craqua. Quelqu'un ou quelque chose se déplaçait dans la pénombre. Une forme allongée rampait sur le sol terreux avec souplesse et agilité. Ses yeux brillaient dans la nuit telle deux billes de nacre luisantes. Il y eut un cri strident. Quelques oiseaux décollèrent dans un bruit de claquements d'ailes assourdissant puis le silence revint toujours aussi angoissant. La bête se tapit dans un coin au milieu de fougères et s'endormit rythmant la nuit de sa respiration sifflante.

 

Le paisible quartier résidentiel au sud de la petite ville de Crick Daly Town était baigné par les rayons d'un soleil entier et généreux en ce milieu de matinée. Nous étions Samedi  et le lieu paraissait encore endormi. Un jeune adolescent à la peau criblée de boutons et à la moustache duveteuse circulait dans les rues du quartier avec pour mission la distribution du quotidien régional qu'il jetait avec énergie dans les jardins à l'herbe légèrement jaunie par la sécheresse qui commençait à s'abattre sur le pays depuis une dizaine de jours. Le livreur de lait faisait lui aussi sa tournée matinale avec un entrain et une passion qui faisait plaisir à voir. Harry ouvrait les volets de sa chambre quand il aperçut un camion DHL qui fonçait à toute berzingue dans les larges rues bordées d'étroits trottoirs parfaitement propre. Le livreur gara son camion devant la maison d'Harry et celui-ci sortit en courant pour récupérer son bien. En grand passionné d'astronomie, il avait commandé un télescope pour la modique somme de 500 dollars. Cet argent, il l'avait gagné. En tondant les pelouses du voisinage et en faisant de menus travaux d'extérieur comme l'élagage d'arbres ou bien encore la taille des cyprès et autre thuyas, il avait réussi à accumuler presque 800 dollars. Il rejoignit le livreur au portail. Un type assez maigre aux muscles noueux et aux veines saillantes. L'homme lui tendit un petit boitier électronique avec écran digital pour qu'il appose sa signature après quoi il déposa les 3 cartons que constituait sa livraison puis s'éclipsa aussi vite qu'il était venu. Après avoir coupé le ruban adhésif qui fermait les cartons, il découvrit son précieux télescope. Il semblait assez compliqué à monter et se trouvait être  beaucoup plus imposant qu'il ne le paraissait sur le site sur lequel il l'avait commandé. Il se saisit de la notice et commença à la déchiffrer. C'était à sa portée. Il s'attela à monter l'engin avec ardeur. Au bout d'une heure et quart, il en vint enfin à bout. Finalement, ce n'était pas bien compliqué. Il suffisait de suivre scrupuleusement les informations et voilà. Fou de joie, il se dirigea au premier étage de la maison et alluma l'ordinateur du bureau de son père qui ronflait grassement  dans la pièce à côté. D'après le site météorologique, le temps était au beau fixe et le ciel serait dégagé cette nuit. Il saisit son téléphone portable et fit défiler les noms de son répertoire jusqu'à Mélissa.

Mélissa Borwell était une fille bien sous tous rapports. Brillante étudiante en première année de médecine, elle avait dans l'espoir d'intégrer une ONG après l'obtention de son diplôme. Harry sortait avec elle depuis presque deux ans maintenant et il ne pouvait rêver meilleure petite amie parce qu'en plus d'avoir une tête bien remplie, c'était un jolie brin de femme. Un visage fin aux traits harmonieux, une silhouette élancée, de longues et belles jambes et surtout…de jolis petits seins… Le seul défaut de Mélissa était sa sœur ainée, Clarice. Une fille à la morale douteuse qui prenait et jetait ses mecs comme de vulgaires Kleenex. Elle pouvait se le permettre car comme Mélissa, Clarice était une vraie beauté. Une grande brune plantureuse aux formes attirantes avec ce qu'il faut, où il faut...sauf dans le crâne. Elle avait l'intelligence d'un vers de terre lobotomisé mais elle avait tout de même l'art et la manière de manipuler les hommes pour arriver à ses fins. Harry ne l'aimait pas mais il était bien obligé de faire avec.

Au bout de deux sonneries, Mélissa décrocha et répondit d'une voix encore à moitié endormie.

-         « Salut ma belle, bien dormie ? »

-         « T'aurais appelé une heure plus tard, je t'aurais dit oui. Merde Harry. On est Samedi et il est 9 heures. Je comptais bien roupiller jusqu'à midi. La semaine a été dure… »

-         « L'avenir appartient à ceux qui se lève tôt. Qu'est-ce que tu fais ce soir ? »

-         « Je sais pas. Tu veux aller en boîte ? »

-         « Mieux. On va camper ! »

-         « Quoi ? »

-         « J'ai reçu mon télescope et je veux aller observer les étoiles dans un coin de nature ça te dit pas… »

-         « Pourquoi pas. Il faut aller faire des courses pour la bouffe. »

-         « Je passe te prendre à 14 heures. On ira au centre commercial. Il y aura tout ce dont on a besoin. »

-         « Par contre Harry, je suis désolé mais… »

-         « Non, pas ta sœur ! »

-         « Elle a un nouveau mec et elle voulait me le présenter ce soir. S'il te plait mon cœur… »

-         « Mais elle va se faire chier ! »

-         « Elle adore ça camper. Je te récompenserai avec un petit câlin. S'il te plait. »

-         « Tu me prends par les sentiments. C'est de la triche. Bon, c'est OK pour ta sœur et son nouveau jules. Il s'appelle comment l'heureux élu du moment ? »

-         « Ne sois pas méchant…Il s'appelle Oliver… »

-         « Il a notre âge ou il est déjà perclus d'arthrite… »

-         « S'il te plait…Il a 32 ans. Il est gérant d'une agence immobilière. »

-         « Elle a encore choisi un pauvre ouvrier qui travaille dur pour payer sa croute ! »

-         « Tu sais comment elle est…mais bon, c'est ma sœur alors soit un peu compréhensif. »

-         « Et si je te disais que j'emmenais mon frère, tu dirais quoi ? »

-         « Mais il a 9 ans ! »

-         « Je rigole. Bon à tout à l'heure. Et dis à ta sœur qu'elle n'a pas besoin de se peinturlurer comme un clown pour une virée dans les bois ! »

-         « Tes dégueulasses… »

-         « Aller, je te laisse. Je t'aime ma puce. »

-         « Je t'aime aussi mon petit cœur. »

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