au matin, résolutions

Vincent Vigneron

et maintenant construire sa journée pour être utile

autour de la bouche périphérique

et du monde pluriel

j'ai rêvé que saint pierre était une femme

avec un pendentif de clés grains d'ambre

logé entre ses deux coupoles glorieuses

maintenant fais de ta vie un monument

au service du grand tout

si tu ne veux pas que ce jour soit le dernier

m'a-t-elle dit

maussade gardienne

je quitte ton trianon pour rejoindre ma couche

au réveil

et je me sens menacé sur le fil

un sabre hindou genre arloi au-dessus de ma tête

je dois construire ma journée pour être utile

je conçois la tâche harassante qui m'attend

particulièrement cuivré par le soleil

et l'audace de découcher

je note un à un les credos

de la journée pour être utile

à moi-même et aux autres

sans oublier le règne végétal

qui feint de m'ignorer

je répands le sel après la neige

sur la route d'un petit vercors de banlieue

je garde une pièce de monnaie

pour le pain le vin le papier à cigarette

de qui demande

je replace l'orange mécanique de toutes mes rages

dans un compotier de la pièce la plus sombre

je veille sur le sommeil

du règne animal

qui feint de m'ignorer lui aussi

mais qui est vaste muscle pectoral

sur le corps de notre astre

je crie alerte j'allume feux de vigie

dès que l'équilibre est rompu

quoi que rompre veuille dire

j'ajoute le lubrifiant adéquat sur le parc des machines

qui nous alimentent

j'épouse le volontarisme des joueurs de foot

il nous faudra revenir avec de meilleures intentions

en deuxième mi-temps

en deuxième moitié de vie

l'optimisme et la longévité de la journée à venir

se puisent dans le règne végétal

hampes lustrées de fougère

je protège les raies mantas géantes

déductible des impôts le lagon tout proche

je disperse les volutes de l'ignorance

qui séparent ce monde du bardo

j'octroie un nid confortable sur la mezzanine

à l'ami de passage sifflante mésange

je pousse quatre répétitions de plus

dans ma routine pour soulever de la fonte

je soigne les mains craquelées d'engelures

par trempage de trois jours trois nuits dans l'eau de cuisson du céleri rave

j'apprends qu'il faut cesser de macérer dans ses erreurs

comme on fait son lit on se couche

je vois bien que ce n'est pas encore demain que je pourrais

poser un moelleux tapis persan sous le corps de ceux

qui quémandent dans la rue

sous les frondaisons aussi gelées qu'eux

et ce foutu règne végétal

aux résonances biologiques de la même veine

je fais tailler la pierre pour celle que j'aime

qu'elle se perde de féérie sous le luminaire

j'ouvre peu à peu la boîte de pandore et

je répare ce qu'elle concourt à blesser

là où le baume du tigre cesse d'agir

et cet insatiable règne animal

qui nous pousse à saigner aux points d'eau

je colmate au ciment universel

la petite majolique bleue descellée par un cul

assis où c'est le plus fragile

je réside trois mois par an dans le confessionnal

en bois de hêtre posé là dans l'invisible du carrefour

grâce à cet indispensable règne végétal

qui nous fait toit et mobilier

et vaste touffeur d'ombre pour les promenades

du mois d'août

je conserve notre manière de nous enlacer

dans un petit tabernacle portatif

posé là dans l'invisible du passage piéton

dématérialisé

comme moi-même à présent

liquéfié par la démesure

des infimes actions vers le mieux-vivre

qui mises bout à bout

constituent trajet mille fois plus long et ardu

qu'un aller-retour valparaiso

sur les genoux usés

comme lavandière usée par l'ouvrage

devant le plan à laver de pierre

ce maudit règne minéral

implacable

et moi qui ne voulais que réussir ma journée

et les autres à venir

si dieu me prête vie

celui-là où est-il ?

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