Au sol

franekbalboa

Après une longue course, me voilà désormais couché... Pas comme je le voudrais... Mais bien allongé...

J'ai tant appris, tant progressé... Malgré tout je ne sais si je me relèverai... J'ai appris l'usage de la parole et des gestes, j'ai acquis des compétences diverses, un mental bien particulier... J'ai conquis des royaumes que je n'aurais cru entrevoir, et dans un état pitoyable me voilà ce soir...

Le sang coule lentement de ma lèvre fendue, les lunettes sont loin, je les ai perdues... Elles sont tombées avec moi, sont-elles ici ou bien là-bas? J'essaie de me mouvoir mais mes muscles refusent, la fatigue trop intense m'assassine... Il fait très froid il est vrai, la pluie tombe mollement sur mon corps nettoyant ce sang. Une entaille à la jambe, une autre au buste, je me demande combien sont tombés comme moi. Je constate autour de moi de nombreux corps sans vie... 

J'ai encore cette chance malgré ce que je vois à cet instant. La bataille fut des plus sanglantes. Les corps mêlés de tous les vaincus. Alliés et ennemis se sont définitivement tus, les lames ont fendu l'air des heures durant, l'artillerie a tonné et frappé puissamment. J'entends quelqu'un gémir et appeler au secours, je n'ai même pas cette force, terrassé de fatigue et par les blessures, le froid est de plus en plus présent, mon corps se raidit sous les coups de l'eau qui me fouette, purifiant cette âme qui a offert le trépas à certains hommes... De la fumée sort lentement de ma bouche, il doit faire très froid désormais. Ça fait des heures que je suis là allongé. J'entends au loin des gens qui marchent, viennent-ils vers nous? Viennent-ils nous chercher? Aurai-je la chance insolente de remercier ceux qui m'auront sauvé?

Mon regard s'attarde autour de moi, des corps sans vie, ensanglantés, il manque des membres à certains, pour d'autres ils sont intacts, sans doute victime d'un choc terrible les ayant brisés... Petit à petit mon regard se trouble. Je vois moins clair, déjà que je voyais flou... Je sens chaque goutte qui me touche, chaque battement que mon coeur peut avoir, chaque sifflement de vent, chacune des caresses glaciales qu'il m'offre en cette soirée humide... Lentement je file vers ma fin... Et alors que j'entends des voix se rapprocher...

Je murmure, pensant crier:

"Venez me chercher..."

Dans un souffle, je tousse ensuite du sang, quelques instants plus tard je ressens encore plus de froid... Le temps ne s'est pas vraiment refroidi... Mais mon corps si...

Le regard se trouble toujours plus, les gouttes sont les seules à garder ce rythme régulier. Mon coeur, lui, faiblit, vais-je rejoindre ceux qui ne peuvent revenir..? Me posant cette question mes yeux se ferment, je n'ai plus de force, plus la moindre, même pour garder ces yeux ouverts... Je m'enfonce toujours plus loin dans le noir... Et je me laisse aller à avoir espoir...

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