Au soleil mi-haut (ô sole mio)

absolu

Difficile d’être d’astreinte tous les jours de la semaine, appelé à tout moment pour combler l’absence de nuages paresseux, pour consoler un ciel pleureur et lui dessiner un sourire de toutes les couleurs. Et ce n’est pas tout, il faut aussi redorer les corps blanchis par la nuit, de ceux qui restent à l’écart des cabines à ultraviolet. Ça a son charme pourtant, la peau couleur de lait, de préférence pasteurisé, c’est plus sain. Mais pour synthétiser la vitamine D, rien de tel qu’un bol d’air pur, un peu de lumière, ça réduirait les fractures du col du fémur, les factures phénoménales de la sécurité sociale ; c’est bien joli les compléments alimentaires, si c’est pour finir sous terre d’une trop chère complémentaire santé..

A la mienne alors, en attendant la mutuelle universelle, couverture élimée aux yeux des aristos ; ils feront moins les fiers, une fois leur froc à terre, délaissé par des bretelles hypertendues d’avoir toujours trop soutenu. Des sans-culotte pas trop révolutionnaires qui, les fesses à l’air, maudiront le trou de la Sécu plus que celui de la couche d’ozone. Une Terre mitée, déclarée zone prioritaire à humaniser…

Avant de prendre son Actimel chaque matin pour renforcer le système immunitaire, ça ne mange pas de pain de dire bonjour à son voisin, ça nous éviterait d’être dans le pétrin, une fois qu’on retrouvera son corps pétrifié, allongé, près du frigo. Le cœur a lâché, glacé par l’indifférence de proximité. Non-assistance à personne oubliée, le devoir de mémoire, c’est aussi se souvenir qu’il se cache d’autres vies derrière chaque porte du couloir, et pas seulement trier les images du passé éparpillées dans nos tiroirs.

Le sida décime les populations en silence, simplement parce qu’il n’est plus un scoop les médias n’en parlent plus, ou peu, un peu, par-ci par-là, deux jours pour des promesses de dons réalisées avec parcimonie le reste de l’année pour financer des recherches presque secrètes. La télévision détiendrait-elle le pouvoir de nous dicter notre conduite, au-delà du bon sens dont nous ne faisons pas preuve ? En sommes-nous réduits à penser par procuration, à laisser les ondes nous gaver d’élucubrations diverses et variées et verser dans nos caboches des clichés avariés tirés du plus mauvais cinoche ?

« La pianiste » révise ses gammes avec beaucoup de dextérité, et la croix gammée rêve encore d’exterminer dans « Le pianiste » . La haine serait-elle masculine ? Remarquez, c’est le mâle qu’on émascule, ce sont les hommes qui maculent de sang le drapeau blanc. Les femmes expulsent dans la douleur, les hommes exécutent pour l’honneur. Faut-il continuer à féconder dans ces conditions ?

Les uns attendent que justice soit faite, en sont épris, les autres en ont repris, parfois pour très longtemps. Planqués dans leur estafette ils attendaient que la nuit soit tombée pour aller dessiner sur quelques tombes le symbole d’une haine viscérale, geste qu’ils n’ont jamais regretté, même pendant l’interrogatoire musclé, et la fouille approfondie, qui n’a fait que renforcer leur foi sans loi.

Il fait si sombre dans l’âme des hommes qui n’ont jamais vu le soleil à son zénith.

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