Auto-stop
exquis_mots
La route est longue, les minutes passent et repassent sans me laisser de répits ou de repos. La journée est bien avancée, elle touche même à sa fin, se jouant de la mienne. C'est l'appétit qui tient éveillé, c'est l'appétit qui rend possédé.Le ciel se couche ; et moi je reste là à rouler, bercé par les traits blancs m'appelant à sombrer dans le terrier du lapin. Et puis il y a cette diabolique musique que je n'arrive à couper et qui danse en harmonie les fanaux postés le long de la chaussée.
Il y a quelqu'un au loin, bras tendu, pouce levé. Une femme, une jeune femme, sans doute une étudiante qui cherche à rentrer chez elle. Elle me regarde, je la regarde, je passe devant puis freine, comme pour lui dire que je suis pressé.D'un grand sourire, elle me remercie puis me parle sans que je n'ai à répondre ou même acquiescer. Ce n'est pas plus mal car je suis trop affamé pour désirer gâcher ma salive dans des banalités. Elle n'est pas très jolie, sans être ingrate pour autant. Cet être transpire la banalité mais je saurai m'en contenter. Je sais comment les appâter, je sais comment les persuader, mais ce que j'aime, c'est les regarder. Je m'arrête sur le bas côté, prétextant une envie d'uriner et dans un moment d'inattention je la frappe d'un coup sec sur la tempe. Dans un bruit sinistre, elle s'effondre sur son siège, me laissant tout le loisir de la contempler.Je me souviens d'un écrit d'un tueur, pour ne citer Schaefer, qui mettait un sac plastique sur la tête, tout en attachant au niveau du coup ; puis il jetait la fille sur le bas côté le temps d'agoniser, pour qu'elle ne salisse pas la voiture.
Mais pour moi ce sera les mains. Sentir son pouls s'affoler avant de s'effacer, admirer ce regard se vider et ses doigts se crisper sont les seules choses qui pourraient m'apaiser.Faire du stop, c'est comme faire le trottoir ; on attire le prédateur puis il tire, et là tout vire au désespoir.