Avec la mort pour unique compagne...

Francesca Calvias

L'errance d'un tueur en série vu par lui-même.

   Je m'appelle Gaspard.  Je crois que je dois avoir 14 ou peut-être bien 15 ans.  Je ne sais pas.  Je ne sais plus.  Je ne me rappelle pas.  Je suis un vagabond.  Un SDF.  Un clochard.  Je n'ai pas de famille.  Je n'ai plus de famille.  Je crois que j'en avais une avant.  Les gens que je croise ont tous peur de moi.  Ils m'évitent.  Ils me chassent et me rejettent parfois, pourtant je ne leur demande rien. Je suis laid, ça doit être pour ça.  Défiguré sur un  côté du visage et du corps, par des terribles cicatrices.  Je ne sais pas comment j'ai eu ces cicatrices, pourtant elles sont encore rouges et gonflées.  Certaines me font très mal.  Elles sont infectées, sans doute parce que je ne me lave jamais et que je ne me soigne pas.  Elles ne doivent pas être tellement anciennes.  Vu mon âge, elles ne peuvent pas être très anciennes.  Il paraît que je sens mauvais.  C'est vrai que je ne me lave jamais ou presque.  Parfois quand il fait vraiment trop chaud, il m'arrive de plonger dans un lac ou dans une rivière avant de reprendre la route.  Je ne change jamais de vêtements puisque je n'en n'ai pas d'autres que ceux que je porte.  Ce ne sont même plus des vêtements, ce sont des loques informes et malodorantes.  Mais ça n'a pas vraiment d'importance.     J'erre dans la campagne, à la recherche de je ne sais quoi.  Je marche sans but.  Je parcours des kilomètres et des kilomètres chaque jour et le soir je m'endors, harassé dans une grange ou sous un arbre.  Je ne sais pas pourquoi je suis à la rue.  Je ne sais pas depuis quand non plus.      Je sais qu'il m'est arrivé quelque chose de terrible durant mon enfance, mais je ne me rappelle plus ce que c'était.  Je me rappelle d'une lumière vive, d'une douleur atroce, des hurlements déchirants, peut-être les miens…  et puis le noir total.  Le néant.      Je sais que je m'appelle Gaspard, mais je ne sais pas comment je le sais.  Pourquoi je me rappelle de mon prénom et pas du reste ?  Je crois qu'avant j'avais une famille.  Mais avant quoi ?  Comment était ma famille ?  Où habitais-je ?  Je ne sais pas.  Tout ce que je sais, c'est que j'ai la haine.  J'aime faire peur.  J'aime faire mal.  J'aime tuer.  J'aime violer les enfants, les femmes, les animaux.  J'aime voir les animaux et les gens souffrir.  J'aime voir la peur sur le visage des gens lorsque je les tue.    Oui je n'ai que 14 ou 15 ans, mais j'ai déjà tué à maintes reprises.  J'ai commencé par tuer des animaux.  Des chiens, des chats, des rats, parce qu'ils hurlent quand on leur fait mal et qu'on fait durer le supplice.  Contrairement aux araignées et aux mouches qu'il n'est pas amusant de tuer puisqu'on ne les entend pas crier de douleur.  C'est tellement bon de voir ce regard de supplications lancé par l'animal agonisant et de se dire qu'on ne cèdera pas, qu'on est le plus fort.      Je crois que tuer est dans ma nature.  Je suis comme ça.  Je suis venu sur terre pour faire le mal, pour faire souffrir.  Je ne dis pas que ça me rend heureux pourtant.  Je crois que rien ne peut me rendre heureux.  J'ai bien trop mal pour cela.  Qui pourrait être heureux en souffrant comme je souffre et en étant aussi défiguré ?  Qui pourrait être heureux sans famille, en sachant que l'on va rester seul toute sa vie ?  Non, tuer ne me rend pas heureux, mais ça me soulage.  Ca me permet de décompresser.      Pourtant je ne tue pas tout le monde ni tous les animaux que je rencontre.  Non, il y a plein de gens que je n'ai pas du tout envie de tuer.  Je ne ressens absolument rien quand je les rencontre.  Même si la haine est toujours présente en moi, je ne ressens pas toujours l'envie de tuer.  Par contre, d'autres fois, quand je rencontre ceux que je dois tuer, c'est comme si quelqu'un d'autre entrait en moi.  Il faut que je leur fasse mal et que je les tue.  Et ça me fait du bien.  Un bien fou.  Et surtout, chaque fois que j'ai tué, une parcelle de mes souvenirs me revient.  Oh jamais grand-chose.  Des flashes rapides. Tellement rapides même qu'il m'arrive de les oublier aussitôt.  Et là j'ai mal.  J'ai d'autant plus mal qu'il m'arrive parfois de ne plus rencontrer de personnes que je doive tuer pendant des jours et des jours, et même parfois pendant des semaines ou des mois.    Mon premier crime, mis à part les animaux, a été un jeune garçon de 10 ans.  Ca devait être le fils de fermiers du coin car il balayait la cour d'une ferme.  Il n'y avait personne aux alentours.  Il faisait chaud.  J'avais terriblement soif.  Au début je m'étais approché du garçon pour lui demander à boire.  Mais au moment où je suis arrivé près de lui, les mots ont refusé de sortir de ma bouche.  Le monstre s'est emparé de moi.  Il est entré en moi comme lorsque je tuais des animaux. Et il a fallu que je tue ce jeune garçon.  Je l'ai attiré dans la grange.  Je me suis mis à le frapper.  Lui il hurlait de toutes ses forces.  Il hurlait comme un porcelet que l'on égorgeait.  Il me suppliait de ne pas lui faire de mal, de le laisser aller.  Il me promettait même de me donner l'argent de ses parents, car il savait où ceux-ci cachaient leurs biens, si je le laissais aller.  Mais je ne pouvais pas.  Je n'étais plus moi.  Je n'étais plus Gaspard.  J'étais le monstre qui devait tuer et qui aimait ça.    Le chien hurlait à la mort à l'extérieur et tous les chiens des alentours ont fini par lui répondre en chœur.  Mais ça ne me faisait rien.  Je n'avais pas peur.  Le monstre était en moi et il était plus fort que tout et tout le monde.  Rien ne pouvait m'arriver quand le monstre prenait possession de mon être.  De mon être, mais pas de mon âme, étrangement.  Parce que je me voyais tuer.  Je me rappelais bien des meurtres.  Je me rappelais bien de tout ce que j'avais fait.  Je savais que c'était mon bras qui agissait, même si c'était le monstre qui l'avait décidé.  Je crois que j'aurais pu résister au monstre si je l'avais voulu.  Mais je ne crois pas que j'en avais envie.  Je n'aurais pas tué cet enfant, ni tous les animaux que j'ai tué, si le monstre n'était pas entré en moi, mais je ne voyais pas non plus la raison pour laquelle j'aurais résisté.  Il fallait que je les tue pour faire plaisir au monstre, parce qu'il ne savait pas agir lui-même, donc il m'empruntait mon bras si on peut dire, et mon paiement était le fait que je récupérais des bribes de mémoires lors de chaque meurtre.  Et puis aussi, j'étais un peu moins seul quand le monstre entrait en moi.  Ça compte pour un garçon de mon âge qui passe sa vie tout seul et qui n'a jamais personne à qui parler.      Le monstre.  Je l'appelais ainsi alors que je savais bien qu'il avait un nom.  Je savais qu'il n'avait pas été baptisé « le monstre », mais là encore je ne parvenais plus à me rappeler son nom.  Pourtant dans le feu de l'action, quand je commettais un meurtre, son nom m'apparaissait en lettres de feu dans mon esprit.  Et étrangement, alors que je me rappelais pourtant de tout, le nom du monstre s'effaçait de mon cerveau une fois le crime commis.    Pour en revenir au petit garçon dans la grange, il hurlait de terreur et de mal.  J'ai sorti mon couteau, je l'ai piqué au visage, aux bras, à la poitrine, au ventre.  Je l'ai d'abord piqué juste pour lui faire mal et pour lui faire peur en faisant couler le sang.  Je l'ai mordu aussi : au bras, au ventre.  Je lui ai arraché quelques morceaux de chair que j'ai mâchés avec bonheur.  C'était la première fois que je mangeais un morceau d'être humain.  Avant, lorsque je tuais des animaux, je dévorais aussi quelques morceaux crus, mais ce n'était pas de la chair humaine.  Ca restait de la chair animale.  Mais la chair humaine prélevée sur le petit garçon encore vivant, c'était la chose la plus exquise que j'aie jamais mangé.  Je ne pense pas que quelque chose puisse être meilleur que de la chair de petit garçon.

   Je m'appelle Gaspard.  Je crois que je dois avoir 14 ou peut-être bien 15 ans.  Je ne sais pas.  Je ne sais plus.  Je ne me rappelle pas.  Je suis un vagabond.  Un SDF.  Un clochard.  Je n'ai pas de famille.  Je n'ai plus de famille.  Je crois que j'en avais une avant.  Les gens que je croise ont tous peur de moi.  Ils m'évitent.  Ils me chassent et me rejettent parfois, pourtant je ne leur demande rien. Je suis laid, ça doit être pour ça.  Défiguré sur un  côté du visage et du corps, par des terribles cicatrices.  

    Je ne sais pas comment j'ai eu ces cicatrices, pourtant elles sont encore rouges et gonflées.  Certaines me font très mal.  Elles sont infectées, sans doute parce que je ne me lave jamais et que je ne me soigne pas.  Elles ne doivent pas être tellement anciennes.  Vu mon âge, elles ne peuvent pas être très anciennes.  Il paraît que je sens mauvais.  C'est vrai que je ne me lave jamais ou presque.  Parfois quand il fait vraiment trop chaud, il m'arrive de plonger dans un lac ou dans une rivière avant de reprendre la route.  Je ne change jamais de vêtements puisque je n'en n'ai pas d'autres que ceux que je porte.  Ce ne sont même plus des vêtements, ce sont des loques informes et malodorantes.  Mais ça n'a pas vraiment d'importance.    

    J'erre dans la campagne, à la recherche de je ne sais quoi.  Je marche sans but.  Je parcours des kilomètres et des kilomètres chaque jour et le soir je m'endors, harassé dans une grange ou sous un arbre.  Je ne sais pas pourquoi je suis à la rue.  Je ne sais pas depuis quand non plus.     

    Je sais qu'il m'est arrivé quelque chose de terrible durant mon enfance, mais je ne me rappelle plus ce que c'était.  Je me rappelle d'une lumière vive, d'une douleur atroce, des hurlements déchirants, peut-être les miens…  et puis le noir total.  Le néant.     

    Je sais que je m'appelle Gaspard, mais je ne sais pas comment je le sais.  Pourquoi je me rappelle de mon prénom et pas du reste ?  Je crois qu'avant j'avais une famille.  Mais avant quoi ?  Comment était ma famille ?  Où habitais-je ?  Je ne sais pas.  Tout ce que je sais, c'est que j'ai la haine.  J'aime faire peur.  J'aime faire mal.  J'aime tuer.  J'aime violer les enfants, les femmes, les animaux.  J'aime voir les animaux et les gens souffrir.  J'aime voir la peur sur le visage des gens lorsque je les tue.   

    Oui je n'ai que 14 ou 15 ans, mais j'ai déjà tué à maintes reprises.  J'ai commencé par tuer des animaux.  Des chiens, des chats, des rats, parce qu'ils hurlent quand on leur fait mal et qu'on fait durer le supplice.  Contrairement aux araignées et aux mouches qu'il n'est pas amusant de tuer puisqu'on ne les entend pas crier de douleur.  C'est tellement bon de voir ce regard de supplications lancé par l'animal agonisant et de se dire qu'on ne cèdera pas, qu'on est le plus fort.     

    Je crois que tuer est dans ma nature.  Je suis comme ça.  Je suis venu sur terre pour faire le mal, pour faire souffrir.  Je ne dis pas que ça me rend heureux pourtant.  Je crois que rien ne peut me rendre heureux.  J'ai bien trop mal pour cela.  Qui pourrait être heureux en souffrant comme je souffre et en étant aussi défiguré ?  Qui pourrait être heureux sans famille, en sachant que l'on va rester seul toute sa vie ?  Non, tuer ne me rend pas heureux, mais ça me soulage.  Ca me permet de décompresser.     

    Pourtant je ne tue pas tout le monde ni tous les animaux que je rencontre.  Non, il y a plein de gens que je n'ai pas du tout envie de tuer.  Je ne ressens absolument rien quand je les rencontre.  Même si la haine est toujours présente en moi, je ne ressens pas toujours l'envie de tuer.  Par contre, d'autres fois, quand je rencontre ceux que je dois tuer, c'est comme si quelqu'un d'autre entrait en moi.  Il faut que je leur fasse mal et que je les tue.  Et ça me fait du bien.  Un bien fou.  Et surtout, chaque fois que j'ai tué, une parcelle de mes souvenirs me revient.  Oh jamais grand-chose.  Des flashes rapides. Tellement rapides même qu'il m'arrive de les oublier aussitôt.  Et là j'ai mal.  J'ai d'autant plus mal qu'il m'arrive parfois de ne plus rencontrer de personnes que je doive tuer pendant des jours et des jours, et même parfois pendant des semaines ou des mois.
    Mon premier crime, mis à part les animaux, a été un jeune garçon de 10 ans.  Ca devait être le fils de fermiers du coin car il balayait la cour d'une ferme.  Il n'y avait personne aux alentours.  Il faisait chaud.  J'avais terriblement soif.  Au début je m'étais approché du garçon pour lui demander à boire.  Mais au moment où je suis arrivé près de lui, les mots ont refusé de sortir de ma bouche.  Le monstre s'est emparé de moi.  Il est entré en moi comme lorsque je tuais des animaux. Et il a fallu que je tue ce jeune garçon.  Je l'ai attiré dans la grange.  Je me suis mis à le frapper.  Lui il hurlait de toutes ses forces.  Il hurlait comme un porcelet que l'on égorgeait.  Il me suppliait de ne pas lui faire de mal, de le laisser aller.  Il me promettait même de me donner l'argent de ses parents, car il savait où ceux-ci cachaient leurs biens, si je le laissais aller.  Mais je ne pouvais pas.  Je n'étais plus moi.  Je n'étais plus Gaspard.  J'étais le monstre qui devait tuer et qui aimait ça.   

    Le chien hurlait à la mort à l'extérieur et tous les chiens des alentours ont fini par lui répondre en chœur.  Mais ça ne me faisait rien.  Je n'avais pas peur.  Le monstre était en moi et il était plus fort que tout et tout le monde.  Rien ne pouvait m'arriver quand le monstre prenait possession de mon être.  De mon être, mais pas de mon âme, étrangement.  Parce que je me voyais tuer.  Je me rappelais bien des meurtres.  Je me rappelais bien de tout ce que j'avais fait.  Je savais que c'était mon bras qui agissait, même si c'était le monstre qui l'avait décidé.  Je crois que j'aurais pu résister au monstre si je l'avais voulu.  Mais je ne crois pas que j'en avais envie.  Je n'aurais pas tué cet enfant, ni tous les animaux que j'ai tué, si le monstre n'était pas entré en moi, mais je ne voyais pas non plus la raison pour laquelle j'aurais résisté.  Il fallait que je les tue pour faire plaisir au monstre, parce qu'il ne savait pas agir lui-même, donc il m'empruntait mon bras si on peut dire, et mon paiement était le fait que je récupérais des bribes de mémoires lors de chaque meurtre.  Et puis aussi, j'étais un peu moins seul quand le monstre entrait en moi.  Ça compte pour un garçon de mon âge qui passe sa vie tout seul et qui n'a jamais personne à qui parler.     

    Le monstre.  Je l'appelais ainsi alors que je savais bien qu'il avait un nom.  Je savais qu'il n'avait pas été baptisé « le monstre », mais là encore je ne parvenais plus à me rappeler son nom.  Pourtant dans le feu de l'action, quand je commettais un meurtre, son nom m'apparaissait en lettres de feu dans mon esprit.  Et étrangement, alors que je me rappelais pourtant de tout, le nom du monstre s'effaçait de mon cerveau une fois le crime commis.   

    Pour en revenir au petit garçon dans la grange, il hurlait de terreur et de mal.  J'ai sorti mon couteau, je l'ai piqué au visage, aux bras, à la poitrine, au ventre.  Je l'ai d'abord piqué juste pour lui faire mal et pour lui faire peur en faisant couler le sang.  Je l'ai mordu aussi : au bras, au ventre.  Je lui ai arraché quelques morceaux de chair que j'ai mâchés avec bonheur.  C'était la première fois que je mangeais un morceau d'être humain.  Avant, lorsque je tuais des animaux, je dévorais aussi quelques morceaux crus, mais ce n'était pas de la chair humaine.  Ca restait de la chair animale.  Mais la chair humaine prélevée sur le petit garçon encore vivant, c'était la chose la plus exquise que j'aie jamais mangé.  Je ne pense pas que quelque chose puisse être meilleur que de la chair de petit garçon.

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