Avis de tempête au paradis.

Pour s'armer de patience, Dieu a rongé son frein . Il a même écumé les maisons de retraite. Dans les forêts pour consulter les druides, sur l'Olympe décrépite, et tous les Dieux anciens séniles et impotents. Aucun résultat. 

« En bas, c'est la pagaille. Rien ne va plus. » .

Les archanges ont mené leurs troupes sur les 5 continents.

« Ici Gabriel. Les carottes sont cuites. Je répète, les carottes sont cuites. » .

Les écrans de contrôle s'affolent. Les algorithmes ne savent plus où donner de la tête. Les hackers divins s'avouent vaincus.

La déferlante de codes abscons poursuit le balayage vertical et horizontal. Le virus est bien là.

On a même pensé débrancher tout le bazar pour ré-initialiser le système. Mais le réseau sature et la sauvegarde de données sur des millénaires n'était pas sans risque.

« Des nouvelles du front. L'entonnoir de l'Enfer a pris feu sur les neuf étages. Au purgatoire, les randonneurs ont posé leur sac et refusent d'aller plus haut. L'Empyrée voit ses feux s'éteindre partout. » . 

Les damnés ont rejoint le troupeau égaré. Les vivants sans boussole ont commencé l'exode.

Dieu a renversé son café sur le clavier.

« Ici Michael. C'est le bordel ! Quels sont les ordres ? » .

Sur le Styx, on a lynché Charon.

Lucifer a dû être exfiltré.

La porte de Saint Pierre a été défoncée.

« Ici Raphaël, quels sont les ordres ? » .

Dans les états majors, on a déplié les cartes et branché les hologrammes.

L'Apocalypse non programmée était suivie en 3D, les Quatre Cavaliers, rivés à leur console, se demandaient à quoi avaient servi les millénaires d'entraînement intensif.

Arès avec sa canne s'est proposé pour reprendre du service.

La secrétaire est restée professionnelle.

« Dieu est en réunion, revenez plus tard » .

Jésus en a profité pour fomenter un coup d'état. Les apôtres ont mis les gilets pare-balles.

Marie a pleuré sur son oreiller. Joseph essayait en vain de la consoler avec ses grosses mains maladroites d'artisan.

On a sonné le rappel. Les réservistes étaient aussi réquisitionnés.

Mais contre qui se battre et pourquoi ?

Dieu s'échinait à rédiger son discours. La corbeille était pleine.

Que dire ?

Le peuple avait convergé, les vivants et les morts, les damnés et les bienheureux.

« Get up, stand up for your rights » .

Tous les fantômes aguerris, pourtant fils de Dieu, s'étaient succédé sur l'estrade avec le porte-voix.

Luther King, Mandela, Gandhi, Che Guevarra et plein d'autres encore.

La foule intelligente (pas d'oxymore ici) avait refoulé les Franco, Mussolini, Hitler et toute la bande de dégénérés qui les avaient suivis ou précédés.

« Plus jamais ça », « La der des der », « El pueblo unido jamas sera vencido » » .

L'univers ouvrait enfin les yeux.

Dieu, dans son bunker, repassait les bandes vidéos pour repérer la faille.

« Ici Uriel, je vous annonce ma démission, que vous l'acceptiez ou non m'est bien égal. » .

Dans les tours de contrôle, tous, sans exception, avaient rejoint les prairies verdoyantes et les fleurs sauvages. On avait sorti les guitares et les colliers de coquillages.

Woodstock avait été réinventé pour l'occasion, les artistes de l'époque, comme en chair et en os, avaient refait tout le concert. 

Entre temps et enfin, Dieu avait accordé l'amnistie générale et Mozart avait serré Hendrix dans ses bras.

Marie en avait fait autant avec Joseph, comme Jésus avec son père.