B95
nobrusas
Synopsis
Octobre, il fait un temps radieux dans la capitale et les parisiens en profitent encore, même si, pour la plupart, les vacances sont finies.
Pour profiter de ce beau temps inespéré, les terrasses des cafés débordent de monde, les vélos pullulent en ville, les célibataires s’enhardissent et cherchent encore avec force ou désespérément de la compagnie pour l’hiver, pour la vie.
Dans les rues de Paris, aux abords des attractions historiques et touristiques, dans les transports en commun, des touristes, des hommes et des femmes croisent les parisiens qui vont travailler, faune humaine qui s’entremêle.
Dans ces espaces réduits, les corps, les pensées et les vies se rencontrent, espoirs et désespoirs des uns, rêves ou folie des autres.
DEBUT
En sortant de chez moi, ce matin là comme souvent, j’eus envie de varier mon plaisir. Depuis toujours, je suis convaincu qu’une vie monotone et trop réglée m’apporterait moins de joies, de plaisirs et de bénéfices qu’une vie remplie de surprises et d’incertitudes, de faits non anticipés, non réfléchis. J’en ai fait l’expérience récemment. Je ne dis pas non plus qu’il faut faire n’importe quoi n’importe comment et il est bon de se souvenir parfois que de se passer de rigueur et de réflexion posée, entre autres, est rédhibitoire pour qui veut évoluer positivement et s’épanouir dans son existence.
C’est pour ces diverses raisons qu’au fil de mes humeurs matinales, je décide fréquemment, sans pour autant en faire une règle quotidienne, de varier les moyens de transport utilisés pour aller travailler, en jonglant avec les différentes possibilités que m’offre ma nouvelle domiciliation parisienne, en choisissant entre un trajet à pied, en vélo, en bus, en métro, voir même en taxi. J’appelle cela la « décision du carrefour ». L’alternance des trajets me permet de garder l’illusion d’une liberté de mouvements, même si au final je ne fais que me déplacer, tous les jours où mes obligations professionnelles me contraignent de le faire, entre deux points toujours identiques. Ce qui est important dans ce cas précis c’est de ne se décider qu’au carrefour. Pas la veille une fois couché avant de s’endormir, pas au réveil en prenant son petit déjeuner, encore moins lorsqu’on tarde sous la douche à flemmarder, mais vraiment nécessairement juste quand on vient de mettre le nez dehors, juste dans l’instant où il faut orienter ses pas, donnez un sens, une direction à son effort, à son action, à sa journée.
On a tous un carrefour proche de son lieu de vie. Moi je décide de la direction que je vais me donner en arrivant à ce carrefour. Le mien se trouve à une cinquantaine de mètres de chez moi. C’est tout proche. Ce choix matinal est devenu un rituel parmi d’autres, un de mes premiers plaisirs de la journée en espérant toujours qu’il y en aura de nombreux autres par la suite. En l’occurrence, aujourd’hui où je ne suis ni en retard ni en avance, je décide de ne pas utiliser le métro pour aller au Taff dans le quinzième arrondissement de Paris, mais plutôt de prendre le bus. S’entasser dans un wagon déjà bondé et se souvenir de ce qu’est une boite à sardines ne m’a jamais vraiment inspiré. Les heures de pointes sont ici, dans mon quartier Montmartrois comme ailleurs, souvent redoutables avec un seul long escalier sinueux pour entrer dans les sous sols de Paris et du métro et une foule hétéroclite patientant sur le quai, attendant l’arrivée du train.
J’avais remarqué un bus qui passait devant le lieu de mon travail et qui flirtait dans son trajet avec mon domicile. Cela fait maintenant trois mois, depuis ma séparation, que j’habite dans le bas de Montmartre sur le versant opposé à Pigalle, coté Lamarck Caulaincourt, tout prés de la station de métro éponyme.
Je me hâtais donc vers l’arrêt de bus à cinq minutes à pied. Je n’attendis pas. Un monstre articulé de dix huit mètres de long arrive, avec de larges vitres tout son long et coupé en son milieu par un accordéon de trois mètres de long et par des portes d’accès multiples : c’était le bus 95. Un rapide coup d’œil sur sa girouette frontale et son itinéraire « Porte de Vanves - Porte de Montmartre » m’indique qu’il va bien à Montparnasse.
C’est Ok, je monte.
Peu de monde, cela commence bien avec déjà une première bonne sensation d’espace disponible. C’est toujours plus appréciable quand il y a de la liberté de mouvement. Je me dirige au fond du bus et m’installe sur la dernière rangée de fauteuils à gauche, dans le sens de la marche. A peine assis, par les vitres linéaires entrouvertes, un air frais matinal vient me caresser les joues, cela commence plutôt vraiment bien. De là, surélevé, tout en admirant par la vitre carrée géante sur ma gauche la rue et ses multiples surprises, je peux également choisir où porter mon regard à l’intérieur du bus, comme un pseudo gentil prédateur dominant de fait par sa position.
Cette situation de surplomb provisoire me permet l’observation du monde et surtout des créatures humaines, de préférence féminines, qui l’habitent et lui donnent de l’intérêt.
Place Jacques Froment, le bus commence à se remplir. Un jeune homme brun et essoufflé s’installe à gauche sur l’un des quatre sièges en carré de l’autre coté de l’endroit où je suis, sens inverse de la marche, face aux trois dernières rangés de sièges. Manifestement il a couru pour attraper le bus. Une fille l’a suivi et s’assoie à sa gauche. Ils sont beaux tout les deux. Je les distingue parfaitement dans la transversale. Lui, avec son casque de marque sur les oreilles écoute de la musique sur son Iphone et joue en même temps avec son mobile. Il est musclé avec des cheveux très courts et des yeux sombres sur un visage souriant. Elle, elle m’a tout de suite attiré le regard. D’abord assise sur son manteau, elle s’est relevée dans l’allée pour le retirer et j’ai aperçu son buste fin magnifique, une partie du bas de son dos, nu. De taille ultra mince, elle porte un jean très serré taille basse. Le dessin de ses fesses est magnifique, juste arrondies à la perfection. Du haut en bas de ses jambes, jusqu’aux chevilles, c’est parfait. Une morphologie de déesse. Elle retire également et délicatement un mini pull puis se rassoit légèrement. Spectacle magnifique. Un rayon de soleil traverse le bus de droite à gauche.
Je n'avais pas remarqué qu'ils étaient ensemble. Mais maintenant qu'il l'embrasse goulument et copieusement, c’est une évidence ! Ils ne sont pas gênés, c’est différent pour les autres personnes assises autour. Les bruits du bus sont cadencés par leurs nombreux smack smack goulus…un peu trop sonore, un régal pour moi. Ils se regardent, se touchent les genoux l’un l’autre, se caressent des yeux en se fixant tendrement. Se frottent les têtes dans un jeu de joutes subtils et sensuels qu’ils sont les seuls à comprendre. Soit ils n’arrivent pas à lâcher les sensations nocturnes, encore visibles sur leurs visages, soit ils n’ont pas pris le temps de tout terminer et la séparation sera très douloureuse. En l’enlaçant à nouveau, il a mis la main sur sa poitrine et je sens bien que tout le monde autour de moi se dit qu’ils ne vont pas en rester là. La gêne est palpable.
Le bus se remplit vitesse grand V. Le passage par la Place de Clichy est redoutable. Mais, à mon grand étonnement, la faune diverse qui s’engouffre ce mardi matin à l’intérieur est dans sa grande majorité et à mon grand plaisir composée de femmes. Cela ne me déplait pas du tout et j’espère que cela va continuer.
Je n’ai plus le temps de réfléchir, mon regard, toujours discret et jamais insistant, se porte tantôt sur l’une, femme blonde ravissante élancée parfaitement vêtue d’une robe blanche et d’escarpins assortis, que sur l’autre, jeune étudiante rousse ébouriffée glissée dans une jupe jean très courte qui affiche outrageusement ses cuisses lisses et son teint blanc avec ses petits seins pointus sans accroche qui flottent sous son teeshirt bleu ciel.
Que les femmes sont belles aujourd’hui !
Il est vrai que depuis plus d’un mois et demi, c’est un peu et même carrément l’Eté Indien avec, pour le début de ce mois d’octobre, des températures qui s’envolent au dessus de vingt et cinq degrés et un soleil chaud et lumineux dans un ciel sans nuage ni orage, qui ont retardé grandement cette année la sortie des pulls du placard. Ce contexte particulier a installé une atmosphère favorable au relâchement général et à l’oisiveté. Ce temps clément qui repousse artificiellement la rentrée et le retour de l’hiver a permis de suspendre les tensions habituelles de septembre, les terrasses de cafés sont bondées, les piétons ont repris leurs droits dans l’espace urbain, les vélos sillonnent les rues par centaines, personne ne se hâte.
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