bà nội

jone-kenzo

 Je repeins le garage, soir après soir de noir avec la cendre d'une clope que j'écrase. Je les dissémines dans des fêlures des agglos cassés. J'attends que personne ne prenne sa douche pour tirer de l'eau dans l'évier. Je met mes blondes dans des mouchoirs, comme des messages secrets que je protège. J'ouvre les tiroirs à l'horizontal. Ma respiration sort uniquement de ma bouche. Mes lèvres sont fendues, cassées, blanchies comme du papier déchiré. Les peintures sont tous semblables sans les interrupteurs. Le chemin c'est deux couloirs, il y a plus de poussières sous mes talons que sur le sol. Mes pieds mordus par les obstacles que j'ai bousculés. Le droit qui casse tout mes souliers; un angle droit me sert d' hallux. Je me regarde. Bien sur je ne me vois pas entièrement. Juste une forme bleuté, avec des inscriptions. Impossible de savoir ce qu'il y a écris. Le reste en feuille d'automne, un peu passé. Je pense à des néons, des panneaux fluorescents, le bruits d'une ville nocturne où les gens ne dorment pas. Quelqu'un me bouscule dans un imperméable noir, il ne m'a pas vu, ne s'excuse pas. Ca ne m'embête pas, on se cogne souvent contre les murs le soir, pourquoi pas aux humains ? Des rires arrivent, il faut en profiter. Il y a un groupe qui chavire en talon, avec un trench rouge tout à gauche, et des jeunes filles décolorées en châtains. Je suis devant une boite de nuit osée, on me tend des tracts, je sourie sans répondre, et encore non loin des acclamations tirées comme des feux d'artifices. Sous le charme la foule m'attire et je participe heureuse. C'est un homme qui coupe des navets noirs avec un couteau blanc. Son bandeau n'éponge plus sa sueur, il montre ses dents cassées, mais tout le monde s'écrie encore quand il recommence son coup de maître. Tout le monde veut acheter son outil en céramique. Je fais durer le plaisir, attend le début d'une autre démonstration puis m'écarte. Des hommes en costumes, une cravate retournée hochent furieusement de la tête, ils plaquent leurs bras sur leurs trois quarts. Un bar étroit comme un placard à balais, placé comme si on avait construit dans une ruelle d'évacuation. Un bar sans terrasse. Je le sais plein de pétales blancs en bol que je n'aime pas toujours. Je pense à ma grand mère qui faisait souvent mariner des légumes crus dans de l'huile au curry. Ce matin elle m'a réveillée en m'appelant au téléphone. Elle m'a appelé Chérie. Toute sa vie elle a pensé que j'allais finir en blouse blanche. Petite je devais me douter que ça n'arriverai pas. Alors je lui ai dis que je lui offrirai plutôt un perroquet. D’ailleurs je ne l'emmènerai pas non plus faire de courses en voiture, parce que je n'ai jamais eu mon permis non plus. C'était un peu notre Eldorado ces idées. C'est en cette époque ce genre de vieille personnes qui croient en l'avenir des enfants. Pour ma Grand mère la jeunesse n'a pas d'ennemie. Je me rappelle, elle marchait toujours très lentement, mais sans canne. Toute petite, à peine plus d'un mètre quarante. Nous arrivions toujours au magasin, en marchant sur le côté de la route. Je ne sais plus si nous parlions, elle ne disais jamais rien pour se plaindre et me tapait sur le bras quand elle arrivait à ma hauteur. Pour m'embrasser, elle posait son nez sur ma tête et elle inspirait fortement. Un drôle de geste d'affection. Puis quand elle avait passé tout mes caprices d'enfant gâté, et dépensé la quasi totalité de ses rentes sociales, sans que je n'ai aucune idée du coût de la vie, nous rentrions. Tout cela, aurait pu se passer au Viêtnam. Mais je vous parle de la France.

 Je repeins le garage, soir après soir. De noir. avec la cendre d'une clope que j'écrase. Je la dissémine dans les fêlures d' agglos cassés. J'attends que personne ne prenne sa douche pour tirer de l'eau dans l'évier. Je met mes blondes dans des mouchoirs, comme des messages secrets pour cachotiers. J'ouvre les tiroirs à l'horizontal. Ma respiration sort uniquement de ma bouche. Mes lèvres sont fendues, cassées, blanchies comme du papier déchiré. Les peintures sont toute semblables sans les interrupteurs. Le chemin c'est deux couloirs. Il y a plus de poussières sous mes talons que sur le sol. Mes pieds mordus par les obstacles que j'ai bousculés. Le droit qui casse tout mes souliers; un angle rectangle me sert d' hallux. 


Je me regarde. Bien sur je ne me vois pas entièrement. Juste une forme bleutée, avec des inscriptions. Impossible de savoir ce qu'il y a écris. Le reste en feuille d'automne, un peu passé. Je pense à des néons, des panneaux fluorescents, le bruits d'une ville nocturne où les gens ne dorment pas. Quelqu'un me bouscule dans un imperméable noir. Il ne m'a pas vu, ne s'excuse pas. Ca ne m'embête pas; on se cogne souvent contre les murs le soir, pourquoi pas aux humains ? Des rires arrivent, il faut en profiter. Il y a un groupe qui chavire en talon, avec un trench rouge tout à gauche, et des jeunes filles décolorées en châtains. 


Je suis devant une boite de nuit osée. On me tend des tracts. Je sourie sans répondre, et encore non loin des acclamations tirées comme des feux d'artifices. Sous le charme, la foule m'attire et je participe heureuse: c'est un homme qui coupe des navets charbonneux avec un couteau opalin. Son bandeau n'éponge plus sa sueur. Il montre ses dents cassées, mais tout le monde s'écrie encore quand il recommence son coup de maître. Chacun veut acheter son outil en céramique. Je fais durer le plaisir, attend le début d'une autre démonstration, puis m'écarte.


 Des hommes en costumes, une cravate retournée, hochent furieusement de la tête. Ils plaquent leurs bras sur leurs trois quart. Un bar étroit comme un placard à balais, placé comme si on avait construit dans une ruelle d'évacuation. Un bar sans terrasse. Je le sais plein de pétales blancs en bol, que je n'aime pas toujours. Je pense à ma grand mère, qui faisait souvent mariner des légumes crus dans de l'huile au curry. Ce matin elle m'a réveillée au téléphone. Elle m'a appelé Chérie. Toute sa vie elle a pensé que j'allais finir en blouse blanche. Petite je devais me douter que ça n'arriverai pas. Alors je lui ai dis que je lui offrirai plutôt un perroquet. D’ailleurs je ne l'emmènerai pas non plus faire de courses en voiture, parce que je n'ai jamais eu mon permis " non plus". C'était un peu notre Eldorado ces idées. 


C'était en cette époque ce genre de vieilles personnes qui croient en l'avenir des enfants. Pour ma Grand mère la jeunesse n'a pas d'ennemie. Je me rappelle, elle marchait toujours très lentement, mais sans canne. Toute petite, à peine plus d'un mètre quarante. Nous arrivions toujours au magasin, en marchant sur le côté de la route. Je ne sais plus si nous parlions. Elle ne disais jamais rien pour se plaindre et me tapait sur le bras quand elle arrivait à ma hauteur. Pour m'embrasser, elle posait son nez sur ma tête et elle inspirait fortement. Un drôle de geste d'affection. Elle trainait des pieds et répétait la fin des phrases comme des chansons... " qui sera sera... " et jamais " qui vivra verra ". Puis quand elle avait passé tout mes caprices d'enfant gâté, et dépensé la quasi totalité de ses rentes sociales, sans que je n'ai aucune idée du coût de la vie, nous rentrions.

" bà nội ", grand mère, c'était l'un des seuls mots qu'on me demandait de dire en vietnamien.

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