Bad trip

Jane Doe

La vodka dans les yeux, dans le gosier, bad trip.

Personne n'a vu ce que j'ai vu ce jour-là, elle m'a tout fait oublier, ou j'ai plutôt eu le bon sens de faire semblant d'oublier.

C'est en rentrant, pieds nus, que j'ai tout retrouvé, ou presque. Ça bourdonnait de partout, ça vibrait, je voyais double, triple, au quadruple et les autres me dévoraient. Je n'ai plus envie d'écrire là-dessus, ça me fait mal, au poumon droit, surtout, ou le gauche, je ne sais pas, je n'ai jamais réussi à reconnaître la gauche de la droite, je sais juste que ma main gauche est celle avec un grain de beauté et deux petites cicatrices.

Je ne veux plus bouger, j'ai commencé mon bad trip lorsque Fabian a renversé la bouteille de vodka, ou du moins ce qu'il en restait, sur mon visage, ça brûlait, ça brûlait mes yeux, alors je les ai fermés, je ne voulais pas les fermer, parce que je savais que je ne devais pas les fermer, mais mes yeux étaient fermés, et il ne fallait pas les fermer, parce que si je les fermais, j'allais pleurer.

Que ce soit bien clair, je ne parle pas de pleurer de tristesse, parce qu'alors je n'étais pas triste, mais les yeux fermés, la moitié de bouteille de vodka dans le gosier, le reste dans mes globes oculaires, c'était douloureux, voilà tout. J'ai pleuré, donc, ils m'ont demandé si j'étais triste, j'étais par terre, je pense que le choc d'une cinquantaine de centilitres d'alcool sur mon corps était trop fort, je ne tiens pas l'alcool, c'est faux, je ne mange plus, c'est tout.

Je ne veux plus les revoir, parce qu'ils ont eu peur de ma tête, de ce qu'il y avait à l'intérieur, j'ai demandé aux trois Grâces de sortir de là, d'enlever leurs griffes, alors ils se sont enfuis, ils ont eu l'air d'un troupeau de lapin qui s'enfuit devant le chasseur mais je n'avais pas envie de leur courir après pour les tuer. Je suis rentrée pieds nus, je n'ai plus envie de les voir, et les trois garces ne sont pas sortie, arrête l'alcool et la drogue, tu tiens pas, si je tiens très bien, c'est juste que je ne mange plus et qu'il m'en a mis dans les yeux, tout allait très bien, jusqu'à ce que j'en aie dans les yeux. C'est moi qui ait tout payé, après tout, j'ai bien le droit de faire ce que je veux, y compris être minable. Je pense qu'il sera toujours là, je ne veux plus. Franchement, arrête, t'es minable, je sais bien, j'espère que ça restera là, cet état, parce que je n'ai pas envie qu'il parte, au fond.

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