Baie des Anges
majorelle
Là où le Var se jette furieusement dans la Méditerranée,
Les oiseaux d'acier tanguent dangereusement au dessus de la houle sale et grise.
Là où le Var déverse son plastique,
Les oiseaux d'acier déboulent des centaines de touristes.
Des allemands au teint pâle à la recherche de l'or jaune.
Des anglais au teint blafard à la recherche de quelques culs.
Des japonais au teint hagard à la recherche de la liberté.
Des familles débordées à la marmaille bruyante.
Des potes au rire gras et aux mines avinées.
Des filles de bourge à la tronche aussi fardée que leur décolleté.
Des paumés à la gueule déchiquetée, qu'aucune misère ne saurait rendre plus amers.
Des p'tits vieux capricieux aux rides ancrées.
Les oiseaux tanguent et débordent.
Sur la Baie des Anges, déballent leurs offrandes.
Les anges doivent pleurer de se voir souiller.
Et l'vieux du vieux Antibes dirait « ah c'est plus c'que c'était »
Et les riches, toujours plus riches, qui roulent en BMW.
Qui crachent sur les touristes, parce qu'ils sont pressés.
Qui crachent sur les prolétaires, parce qu'ils sont des ordures.
Qui crachent sur les étrangers, parce qu'ils sont terroristes.
Qui crachent sur tout le monde, parce qu'ils ont rien d'autre à faire.
Qui vont au casino, à l'opéra, paraît que ça fait bien tu vois.
Qui ont des villas au Cap Ferrat,
Et des femmes de ménage sous-payées.
Qui bossent à Monaco pour s'faire du blé.
Et klaxonnent dans les bouchons parce qu'ils sont des enculés.
Qui foutent leurs gosses dans le privé,
Et gueulent, le soir aux banquets, « L'École de la République, ma bite, elle n'est même plus laïque »
Et leurs amis aux ceintures Hermès,
Qui opinent du chef et baisent les pieds.
P'têtre qu'ils auront la femme pour le dessert, paraît qu'elle est bonne cuisinière.
Ben ouais, le banquier il a pas le temps,
Le banquier il est occupé.
À renflouer les caisses et à blanchir du pognon.
De toute façon ils se tapent la secrétaire du patron.
Ils sont un peu fachos, surtout racistes.
Ils achètent du bio à Lafayette et des bananes d'Outre-Atlantique.
Ils roulent au Diesel et font vrombir les mécaniques.
Sur la Promenade des Anglais, ils doublent par la droite et ne jettent plus un œil aux galets,
Les vitres baissées, les Ray-Ban vissées, sous la chaleur du mois de Juillet.
Ils vont rejoindre le Big Boss au Castel pour discuter business.
Bouffer du caviar avec vue sur misère, de ceux qui vendent leurs lunettes cent fois moins chères.
« Faut faire du chiffre mon pédé »
Ça le fait durcir et il ouvre sa braguette.
Paraît que le secret bancaire c'est du passé.
Et puis que la Méditerranée est polluée.
« Je paie l'addition » ça veut dire « Je t'ai à l'œil enfoiré ».
Pas grave. Y'a les vacances au Club Med pour oublier.
Buffet et champagne à volonté.
Même pas besoin de lever le petit doigt de pied.
Et pendant que les places se font rares sur les galets surchauffés,
Les banquiers partent sous d'autres palmiers.
Avec wifi pour consulter les mails,
Et clim intégrée.
Aux Seychelles, aux Maldives, en Turquie ou au Brésil,
Pourvu qu'il y ait des cocktails bien dosés,
Des bikinis bien portés,
Et des transats colorés.
Comme ça quand ils retrouveront leur Baie,
Les touristes auront désertés,
Plus que des p'tits vieux à klaxonner.
Pour pouvoir tenir jusqu'à la prochaine année,
Sûrement une nouvelle prime. Bien méritée.
« Chérie l'année prochaine on peut aller en Syrie. Paraît qu'ils ont les meilleurs Tequila Sunrise du Monde entier »