Baisés

Jerry Milan

Je m'adresse à Toi...oui à TOI la belle blonde dont l'image devient de plus en plus floue et que j'ai aimé jusqu'à l'ivresse de mes propos acidulés ! Toi qui a été ma vie, ma drogue, mon miel, mon poison, mon fiel, mon déclin...

Je le fais en écrivant car autrement tu ne m'écouterais pas, comme souvent tu ne l'a pas fait. Juste m'écouter. Juste lire ces quelques lignes...

Peut-être nous avons pas été fait pour vivre ensemble. Surement... Mais nous nous sommes aimés. Certainement... En divisant le temps par trois, nous nous sommes aimés au moins le premier tiers. Enfin, je le crois sans pouvoir l'affirmer que pour moi-même.

Je voudrais donc te dire...

Si nous ne devions jamais nous rencontrer, le hasard de la vie à fait, que le contraire se produise. Ce hasard qui aimante parfois les vies d'à "l'autre bout". Pas de hasard ? Les deux que le destin à décidé de réunir le seront, ceux qu'il oublie, ne le seront jamais...

Je ne peux que constater le désastre, ce malheur qui s'est glissé dans notre histoire commune, dans nos histoires parallèles.

Nous sommes baisés tous les deux, même si pas de la même manière.

Moi, je suis baisé parce-que t'es partie trop tôt, parce-que tu m'a quitté trop tôt. Depuis, je ne suis que l'ombre de moi-même, je ne me suis jamais remis de notre histoire. Je te vénère, je t'ai sanctifié. Tu es présente dans ma vie au quotidien, il n'y a pas un moment de la journée où je ne pense pas à Toi. Tu continues à prendre toute la place dans ma vie occupant l'espace que d'autres pourraient prendre. Mais, je t'ai donné mon âme et dans mon cœur tout rabougri et desséché par le chagrin et le désamour, il n'y a plus de coin pour un autre sentiment. J'essaie pourtant, mais je n'y arrive pas. Je suis baisé. La foudre de l'amour réduit le coeur en cendres. Je suis condamné à la solitude. Pour combien de temps encore ? Pour toujours ? Je vis dans la douleur, je survie parce-qu'il le faut bien. Et je suis baisé par deux fois, parce-que je ne peux pas faire ton deuil. Si tu étais morte pour de bon, je t'aurais sanctifié pareil, je ferais un monument à ta gloire, mais je me ferais une raison. Tu continuerais à vivre dans mon souvenir, tu serais mon ange qui m'accompagnerait en me tenant par la main et en me donnant la force d'avancer me montrant le chemin vers un avenir. Un avenir différent, certes, mais vivable. Alors que là, je n'ai plus d'avenir. Rien n'est envisageable car tu est ici. Présente. Vivante. Pas loin. Il suffit que je prenne la voiture et je suis devant chez toi en quelques minutes. Je peux te suivre à la trace. Voir comment tu vis. Toi, tu ne peux pas, tu ne veux pas ! Tu m'a rayé de la carte du monde, effacé de toutes tes mémoires. Pour toi, je suis déjà mort depuis longtemps. Je suis aussi mort que celui qui a pris ma place dans ton coeur. Avec cette petite différence que moi, je suis un mort-vivant alors que lui, est un mort-mort. Une putain de différence !... Pour toi, ton ange, c'est lui. Même si toi aussi, t'es baisé. Tu te trouves dans le même état de fait. Tu vis dans la même douleur que moi, dans le souvenir d'un être aimé qui est parti trop tôt. Tu l'a sanctifié comme moi je l'ai fait à ton égard. Tu le vénères comme moi je le fais depuis tout ce temps de triste solitude. Tu l'aimes et tu l'aimeras à jamais comme moi je t'aime toujours. Combien de temps va durer ta peine ? Ta solitude ? Tes jours sans fin et tes nuits sans sommeil ? Ton âme à sec des larmes et ton cœur qui continue à battre parce-qu'il le faut bien ? Ta vie ne sera plus jamais pareil. Nos vies ne seront plus jamais pareil. Quand on a touché au bonheur une fois et qu'il nous a fait orphelin en s'en allant, il est très difficile de le faire revenir. Tu peux me croire, j'ai de l'avance sur toi. Ta peine est toute fraiche alors que la mienne a pris tout son temps de ne pas vieillir. On se consume pareil en remplissant des paniers entiers par des mouchoirs jetables, on regarde tous les matins nos tristes visages défigurés par la douleur dans la glace de la salle de bain. Le tien se reflétant dans le miroir que j'ai posé pour toi avec amour...le paradoxe du paradoxe !

On se demande pourquoi nous sommes encore là, alors qu'en nous couchant, notre plus grand désir est de ne plus nous réveiller ? Nous sommes chacun face à soi-même. Nous n'avons plus le gout à rien, tout à perdu son odeur et sa saveur.

Nous trions les photos, gardons quelques fringues et flacons de parfum. Le souvenir se remet à vivre dès qu'on lui rend sa liberté.... J'écrase une larme quand j'entends ''Ma plus belle histoire d'amour'' à la radio, toi tu pleures lorsque retentit ''Puisque tu pars'', nous chialons chacun à notre tour dès les premières notes de ''Ne me quitte pas'', nous espérons en entendant ''Avec le temps '' et on se met à hurler ''Je ne regrette rien''. Nous abandonnons tous les projets élaborés en commun. Nous revenons à nos vielles habitudes. Nous nous sentons bons à rien, inutiles... abandonnés. L'abandon est un des pires sentiment, qu'il soit provoqué où subi. L'abandon et le refus sont les deux marches vers la solitude et la mort.

Aujourd'hui, nous en sommes au même point tous les deux. Tu m'a rejoint dans la peine. Rien ne sera plus jamais comme avant et nous ne serons plus jamais les mêmes. J'ose espérer que nos chemins ne se croiseront plus jamais même si, tel un aimant surpuissant, tu m'attires toujours autant vers toi... Je n'oublie pas !

Nos vies changent quand on a perdu tout ce qui nous était le plus cher au monde. Le regret et la culpabilité s'installent. Les reproches de ne pas avoir suffisamment fait, idem. On a découvert notre impuissance face au refus et à l'abandon pour moi, et pour toi, face à la mort. Refus et l'abandon qui nous dirigent inéluctablement vers ses bras grand ouverts. Aujourd'hui nous nous trouvons chacun avec notre douleur et notre solitude. Avoir trop aimé chacun à son tour. Comment fait-on pour oublier ? Avoir connu le bonheur même si furtivement, puisqu'il a duré une année pour les deux...Au moins, je sais sa valeur, je l'ai découvert grâce à toi et je t'en serai éternellement reconnaissant. J'essaie de me faire, sans doute comme toi, une raison. Vains efforts. J'essaie de retrouver l'amour. Il est définitivement mort, lui aussi. Alors, j'ai mal pour toi, j'ai de l'empathie, car moi je sais déjà depuis un moment ce que tu découvres à présent: nos vies ne seront plus jamais comme avant ! Nous sommes vivants mais baisé tous les deux...


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