BB Brunes: le virage Daho
Gyslain Lancement
Souvent, on achète un disque pour sa pochette. Mais l’adage de « l’habit ne fait pas le moine » a déserté la plupart des consciences de cette frange générationnelle que l’on appelle les ex-baby rockers. Alors autant en changer la fonction première et s’en servir comme carte de visite des BB Brunes « nouvelle formule ». Et son rôle, outre produit d’appel visuel, prend une importance prépondérante dans ce virage de rockeurs d’un nouveau style. On y voit un revenant, Raphaël, le bassiste d’origine du groupe reconverti aux désormais précieux claviers, et accompagné pour l’occasion d’une belle blonde photogénique. Si l’écrin n’en est pas un, le cœur de la galette parfume d’emblée la pièce d’une ambiance années 80. Point d’outrage, c’est sans aucun doute la décennie musicale qui a le plus mal vieilli. Mais qu’ont-ils tous à faire ça? Baromètre du risque? A tendance flingueuse de réputation, « Long courrier » répond comme une bouffée d’ »Aficionado » à l’héritage Daho. De bons et loyaux services remplumés par une descendance qui a du cran ainsi qu’une féroce envie de faire remuer les filles d’aujourd’hui; oui, les mêmes qui ont bien grandi depuis l’arrivée avec fracas des gars du gang en 2006.
Néanmoins, l’entrée en matière synthé-pop nous laisse sur un emballement équivoque: qu’ont-ils fait du batteur? « Grande Rio« , « Stereo » ou « Police Deprime« , le disco, l’insigne qui scintille et le slap en figure de proue… la barrière garage fracassée par la mondaine des nuits parisiennes? Quand Karim (batterie) se tourne (un peu) les pouces, Adrien galoche et propose toujours un talent d’écriture au-delà de la moyenne nationale, gargarisé par des paillettes, des convictions vocales audacieuses et « des hauts tempos disco jusqu’à la mort » comme repoussoir léger aux fantasmes d’adolescent. On en reparlera dans vingt ans. Si l’on se demande comment »Coups et blessures » et cet ensemble dansant pourraient exister honorablement en live – c’est aussi ça le boulot d’un groupe – on constate que tout n’a pas foutu le camp. Qui vivra en sautillant périra les pieds joints au-dessus du sol, et le Rock de « RIP » est là pour en attester, avant que la beauté des arrangements – quelle claque de perfection! indéniablement l’atout numéro un de l’album – sur « Rue du Buci« n’annihile les faciles hypothèses amers d’erreur de parcours. »Lala Queen » se charge de transpercer le groove du mister mystère en gardant tout de même quelques plumes, ici à moitié cramées par ce qui ressort le plus des BB Brunes en 2012: brûler sagement la vie par les deux bouts. Ce troisième album pourrait aisément traverser la Manche et l’Atlantique. A la française. Avec la grande gueule, sentant la nico-teen à plein nez et l’identité pop « made in hexagone » collée au cul d’la carlingue.
Gyslain Lancement